Ce qu'il restait des magnifiques fontaines aux dauphins après Delanoë et Hidalgo
N’épiloguons pas sur les raisons de fond de notre opposition au projet de réaménagement de la place de la République. Essayons un instant d’oublier aussi le coût extravagant de cette opération dans le contexte actuel de crise des finances parisiennes.
Ou plutôt, n’oublions pas tout à fait ce coût déjà très élevé car, en urgence, la mairie de Paris s’efforce de saler l’addition encore plus.
En effet, Delanoë veut faire voter lundi prochain un avenant qui augmente de 30%, c’est à dire 1,3M€ H.T., excusez du peu, le coût des travaux d’infrastructure du réaménagement de la place.
Et pourquoi cette double douloureuse ? Parce qu'elle permet de payer au titulaire du lot le surcroît de travail pour permettre une livraison le 15 juin … et compenser le retard pris du fait des problèmes de coordination du chantier. Et oui, inaugurer à la date claironnée, çà a un coût, que le contribuable est prié de payer avec le sourire.
Ces animateurs de club Med municipal ont également l'envie frénétique d'inaugurer leur café "Monde et médias". Problème : comme ils avaient prévu de l'implanter au dessus de la ligne 5 du métro et que la voûte ne tient pas, il a fallu en catastrophe tout refaire ! Cette seule bévue coûte des centaines de milliers d'euros ! Et nos bons urbanistes se sont aussi, dans leur précipitation, fourvoyé sur l'état des sols.
Il faut donc payer non seulement pour rattraper le retard mais aussi pour acquitter l’intégralité des prestations nouvelles demandées par la ville. Evidemment, augmenter d’un tiers un marché attribué par la commission d’appel d’offres pourrait faire tousser. Car c'est tout simplement grossièrement illégal.
Tousser les élus du 10eme d’abord. Curieusement, seule l’opposition municipale, par la voix d’un dénommé Serge Federbusch, s’est émue et a voté contre. Les élus de la majorité ont, eux, voté pour cette nouvelle dépense sans commentaire.
Les membres de la Commission d’appel d’offres aussi. Tout aussi curieusement, seuls les représentants de l’opposition, menés par Jean-François Legaret, ont protesté. Les élus de la majorité municipale, eux, n’ont rien trouvé à redire. Il est vrai que, sans rire, on leur explique que cette dérive serait en particulier due à « des sujétions imprévues » concernant notamment des contraintes imposées par la préfecture de police quant au plan de circulation. La bonne blague : des surcoûts liés à des contraintes imprévues concernant le plan de circulation pour le réaménagement de la place de la République. Après deux ans d'études préparatoires et après que le Delanopolis ait pointé à des dizaines de reprises ces fameux problèmes ! C’est ce qu’on appelle de l’humour noir ...
Enfin, last but not least, le Préfet, gardien de la légalité et protecteur du code des marchés publics. Nul doute qu’il va tempêter. Pensez donc, + 30% pour un avenant : ce taux est le double de celui admis par la jurisprudence et la doctrine.
En fait, on peut penser que cela ne trouble pas trop le sommeil des responsables juridico-politiques de ce dossier à la mairie.
D’abord, parce qu’ils ont eu l’heureuse surprise de constater dans un récent dossier (marché du tramway) que les nerfs du Préfet étaient solides : après avoir écrit en février qu’un avenant de +25% excédait largement le fameux taux de 15%, il n’en a pas demandé le retrait !!!
Ensuite, et de façon encore plus cynique, parce que le calcul est simple : à supposer que le Préfet s’émeuve, il va écrire à la ville. Délai pour lui répondre : deux mois. Même s’il écrit dès le lendemain du Conseil de Paris du 22 avril, les travaux illégaux seront finis avant que la ville ait répondu … Ne parlons donc même pas du délai d’un éventuel jugement : Delanoë aura depuis belle lurette un(e) successeur(e) avant que le tribunal ne se prononce.
Hormis l’hypothèse où le maire de Paris, découvrant le caractère contraire au code des marchés publics de cette affaire, décidait de la retirer de l’ordre du jour du Conseil, ce schéma pourrait toutefois être battu en brèche par une procédure dite de référé suspension : « Le représentant de l’Etat peut assortir son recours d’une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l’un des moyens invoqués paraît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’acte attaqué. Il est statué dans le délai d’un mois. » (Article L 2136-6 du code général des collectivités territoriales).
Le moyen est de toute évidence sérieux. Il est même imparable. L’absence de référé ôterait à la préfecture toute possibilité de faire respecter les règles du code des marchés publics et ne manquerait pas de nourrir des suspicions politiques sur cette étrange mansuétude.
Monsieur le Préfet de Paris : adhérez au site " lecontrôledelégalitépourtous".
Et surtout, déclenchez sans tarder un référé suspension sur cet avenant. Montrez à la mairie de Paris que vous savez utiliser les moyens juridiques à votre disposition pour faire respecter les règles du code des marchés publics. Bref, que vous faites respecter la République. C'est votre devoir et votre responsabilité.
Avant le massacre ...
Jean Daubigny, Préfet de Paris. Laissera-t-il violer la loi ?