Nous vous avons entretenus à plusieurs reprises de la lamentable tournure prise par l'opération de réaménagement du quartier des Halles.
Peu à peu, la Canopée, feuille verte en quasi-lévitation dans les présentations initiales de Berger et Anziutti, s'est transformée en une sorte de double bubon à résille sur lequel on aurait posé un mou couvre-chef (se le rappeler en cliquant ici). Quant au jardin refait par Mangin, n'en parlons pas. Il ne s'est d'ailleurs pas trouvé une seule voix pour en dire du bien alors qu'il s'agit d'occuper près de 5 hectares au coeur d'une des plus belles villes du monde.
Et puis il y a la dimension financière du projet, où le rusé groupe Unibail-Rodamco cherche à profiter de l'impéritie de la gestion delanoienne. L'objectif d'Unibail est simple : obtenir la pleine propriété des surfaces commerciales du Forum des Halles, sur lesquelles il n'a pour l'instant qu'une sorte de bail emphytéotique. Ce bail vient à échéance en 2020 pour les parkings et en 2055 seulement pour les commerces.
Un étudiant de première année en finance en conclurait qu'il convient que la ville attende le plus longtemps possible avant de céder cette propriété. Plus les années passent, plus Unibail a intérêt à payer cher pour convertir son bail menacé d'expiration en droit de propriété pure et simple. Oui mais voilà : Delanoë & Co est aux abois et cherche donc, pour financer son délirant projet, de l'argent vite ramassé. Vendre les bijoux de famille est toujours tentant dans ce type de situation.
Unibail, qui a bien compris le problème, a donc mis la ville dans une seringue. Fort naïvement, la municipalité a décidé de n'utiliser l'arme de l'expropriation pour cause d'utilité publique qu'au compte-goutte et avec l'accord de son "partenaire". Aussi ce dernier peut-il lui tordre le bras sans craindre de rétorsion. Dans l'hallucinant courrier que le Delanopolis s'est procuré et qu'il se fait un plaisir de communiquer ci-dessus à ses lecteurs, le groupe a fait savoir à la ville qu'il subordonnait son accord aux travaux à des réserves qu'il lui ferait connaître au cours de leur négociation. Dans une opération de cette importance et pour un site essentiel au fonctionnement des transports en Île-de-France et à la sécurité du public, c'est le monde à l'envers.
C'est donc le dos au mur que la municipalité négocie.
Et les résultats ne se sont pas faits attendre. Alors qu'au départ l'opération devait mettre en valeur les équipements publics, voilà soudain que le dernier état du permis de construire les évacue quasi complètement du rez-de-chaussée, entièrement livré aux commerces. Voir, en exclusivité à nouveau, ces plans modifiés en cliquant ici. Au niveau du sol, les surfaces commerciales sont en rouge et les services publics en vert. Vous en tirerez les conclusions vous-mêmes ! La Canopée devient un gigantesque centre commercial avec des équipements municipaux relégués dans un premier étage bas de plafond.
Et le tour de force, c'est qu'Unibail se fait largement payer la mise en valeur de son nouveau centre commercial par la ville, le STIF et la RATP, qui prennent en charge, outre le jardin qui devient son appendice, le coût de l'aménagement de la principale sortie créée pour assurer la mise en sécurité du site, sur la place Marguerite de Navarre ( voir en cliquant là un intéressant document qui évoque le financement ô combien vaseux de ce nouvel accès).
Pour tenter de trouver de l'argent, le delanoisme en péril va donc être tenté de céder la pleine propriété du centre à Unibail. Une déclaration codée d'Anne Hidalgo dans Capital. fr le laisse déjà entrevoir : tout ce petit monde aurait trouvé un "consensus" et serait au bord de "finaliser" un accord ( voir en cliquant ici). On tremble pour Paris d'autant plus, qu'une fois pleinement propriétaire, Unibail serait seul maître à bord ou, tout au contraire et à sa guise, pourrait vendre le centre à la découpe, rendant la gestion du site des Halles inextricable.
Ce qui se trame aux Halles suffirait à lui seul à disqualifier complètement l'équipée delanoiste à Paris. C'est bien le seul enseignement de cette opération.
Mais tout n'est peut-être pas perdu. A suivre ...