Bertrand Delanoë et le Conseil de Paris vont-ils réparer le déshonneur du vote en faveur de Cesare Battisti en 2004?
C'est un pavé qui vient d'être jeté dans la mare des pétitionniaires de tout poil et qui éclabousse jusqu'au Conseil de Paris. Un livre, "La mémoire du Plomb", publié par le journaliste Karl Laske, apporte un nouvel éclairage sur le véritable pedigree du terroriste italien Cesare Battisti et sur les soutiens dont le militant d'extrême gauche à bénéficié en France pour échapper à son extradition.
En mars 2004, on s'en souvient, la majorité municipale rose-rouge-vert avait en effet voté un voeu - à peine grandiloquent - plaçant le terroriste "repenti" italien Cesare Battisti "sous la protection de la ville de Paris" ( voir le texte des débats de l'époque ICI). En dépit de son caractère inédit et très novateur en matière judiciaire, cette motion avait tout de même fait grincer quelques dents : à l'époque, Cesare Battisti était sous le coup d'une mesure d'extradition. Les Italiens le réclamaient en raison de son implication directe dans quatre assassinats commis dans les années 80 en Italie au nom de la dictature du prolétariat. Battisti avait participé directement ou indirectement à l'assassinat d'un gardien de prison, d'un agent de police, d'un boucher et d'un bijoutier. La justice transalpine qui l'avait condamné par contumace à la prison à perpétuité avait fini par le retrouver coulant des jours heureux sur les bords de la Seine où il s'était reconverti en auteur de romans policiers à succès.
Cette demande d'extradition souleva immédiatement un tollé parmi certaines grandes consciences parisiennes. Tous ou presque y allèrent de leur couplet pour prendre la défense de l'ancien terroriste. L'argument massue repris en choeur fut l'évocation d'une "jurisprudence Mitterrand" qui accordait parait-il le droit d'asile en France aux valeureux repentis des "années de plomb" italiennes.
Cesare Battisti fut l'un des grands combats de la saison Hiver-Printemps 2004. Des pétitionnaires de gauche signèrent d'une seule main pour exiger des autorités françaises qu'elles refusent les oukases de la justice italienne. François Hollande, à l'époque premier secrétaire du Parti Socialiste, rendit même visite à Battisti dans sa cellule de prison où il attendait d'être renvoyé à Rome dès que le feu vert serait définitivement donné. Et le Conseil de Paris, présidé par Bertrand Delanoë, vota donc une résolution solennelle de soutien à Battisti en invoquant le respect du droit et surtout celui de la parole donnée de son vivant par François Mitterrand. Ce qui devait arriver arriva. Cesare Battisti fut libéré et profita de la première occasion pour fuir en Amérique du Sud où il se trouve toujours.
Or, dans son livre - remarquablement documenté - le journaliste Karl Laske dévoile la gigantesque supercherie médiatique organisée à l'époque, visant à faire du truand Battisti une sorte de saint laïque. Karl Laske, qui n'est pas un excité d'extrême droite puisqu'il travaille pour Mediapart après avoir officié à Libération, produit ainsi une note du Garde des Sceaux de l'époque adressée à François Mitterrand. Dans cette note datée d'avril 1983, Robert Badinter passe en revue le cas d'activistes italiens sollicitant l'asile en France. Se déclarant favorable à une telle mesure, le cabinet du garde des sceaux ajoute expressément: "il est par contre exclu qu'il en soit de même à l'égard de Cesare Battisti".
En 2004, les élus parisiens de gauche n’avaient pas besoin d’être de grands clercs pour avoir connaissance du dossier accablant de Cesare Battisti. Pour ne pas être abusé, il aurait même suffit d'écouter ce qui se disait de l'autre côté des Alpes. Même la gauche italienne, dans toutes ses composantes, s'indignait du délire des pétitionnaires germanopratins. Comment nos édiles ont pu abuser de leur mandat pour accorder la "protection" de la ville à un assassin aujourd'hui en fuite?
Depuis, Bertrand Delanoë a exprimé des regrets - mais du bout des lèvres - que cette malheureuse motion ait été votée. Il en faudrait peut-être un peu plus. Comment effacer la déclaration aussi grotesque que honteuse en faveur de Battisti? Seule une autre déclaration solennelle permettra de rendre justice aux victimes italiennes du terrorisme et laver le déshonneur que le Conseil de Paris s'est infligé à lui-même.
Martine Weill-Raynal
Conseillère du troisième arrondissement
C'est un pavé qui vient d'être jeté dans la mare des pétitionniaires de tout poil et qui éclabousse jusqu'au Conseil de Paris. Un livre, "La mémoire du Plomb", publié par le journaliste Karl Laske, apporte un nouvel éclairage sur le véritable pedigree du terroriste italien Cesare Battisti et sur les soutiens dont le militant d'extrême gauche à bénéficié en France pour échapper à son extradition.
En mars 2004, on s'en souvient, la majorité municipale rose-rouge-vert avait en effet voté un voeu - à peine grandiloquent - plaçant le terroriste "repenti" italien Cesare Battisti "sous la protection de la ville de Paris" ( voir le texte des débats de l'époque ICI). En dépit de son caractère inédit et très novateur en matière judiciaire, cette motion avait tout de même fait grincer quelques dents : à l'époque, Cesare Battisti était sous le coup d'une mesure d'extradition. Les Italiens le réclamaient en raison de son implication directe dans quatre assassinats commis dans les années 80 en Italie au nom de la dictature du prolétariat. Battisti avait participé directement ou indirectement à l'assassinat d'un gardien de prison, d'un agent de police, d'un boucher et d'un bijoutier. La justice transalpine qui l'avait condamné par contumace à la prison à perpétuité avait fini par le retrouver coulant des jours heureux sur les bords de la Seine où il s'était reconverti en auteur de romans policiers à succès.
Cette demande d'extradition souleva immédiatement un tollé parmi certaines grandes consciences parisiennes. Tous ou presque y allèrent de leur couplet pour prendre la défense de l'ancien terroriste. L'argument massue repris en choeur fut l'évocation d'une "jurisprudence Mitterrand" qui accordait parait-il le droit d'asile en France aux valeureux repentis des "années de plomb" italiennes.
Cesare Battisti fut l'un des grands combats de la saison Hiver-Printemps 2004. Des pétitionnaires de gauche signèrent d'une seule main pour exiger des autorités françaises qu'elles refusent les oukases de la justice italienne. François Hollande, à l'époque premier secrétaire du Parti Socialiste, rendit même visite à Battisti dans sa cellule de prison où il attendait d'être renvoyé à Rome dès que le feu vert serait définitivement donné. Et le Conseil de Paris, présidé par Bertrand Delanoë, vota donc une résolution solennelle de soutien à Battisti en invoquant le respect du droit et surtout celui de la parole donnée de son vivant par François Mitterrand. Ce qui devait arriver arriva. Cesare Battisti fut libéré et profita de la première occasion pour fuir en Amérique du Sud où il se trouve toujours.
Or, dans son livre - remarquablement documenté - le journaliste Karl Laske dévoile la gigantesque supercherie médiatique organisée à l'époque, visant à faire du truand Battisti une sorte de saint laïque. Karl Laske, qui n'est pas un excité d'extrême droite puisqu'il travaille pour Mediapart après avoir officié à Libération, produit ainsi une note du Garde des Sceaux de l'époque adressée à François Mitterrand. Dans cette note datée d'avril 1983, Robert Badinter passe en revue le cas d'activistes italiens sollicitant l'asile en France. Se déclarant favorable à une telle mesure, le cabinet du garde des sceaux ajoute expressément: "il est par contre exclu qu'il en soit de même à l'égard de Cesare Battisti".
En 2004, les élus parisiens de gauche n’avaient pas besoin d’être de grands clercs pour avoir connaissance du dossier accablant de Cesare Battisti. Pour ne pas être abusé, il aurait même suffit d'écouter ce qui se disait de l'autre côté des Alpes. Même la gauche italienne, dans toutes ses composantes, s'indignait du délire des pétitionnaires germanopratins. Comment nos édiles ont pu abuser de leur mandat pour accorder la "protection" de la ville à un assassin aujourd'hui en fuite?
Depuis, Bertrand Delanoë a exprimé des regrets - mais du bout des lèvres - que cette malheureuse motion ait été votée. Il en faudrait peut-être un peu plus. Comment effacer la déclaration aussi grotesque que honteuse en faveur de Battisti? Seule une autre déclaration solennelle permettra de rendre justice aux victimes italiennes du terrorisme et laver le déshonneur que le Conseil de Paris s'est infligé à lui-même.
Martine Weill-Raynal
Conseillère du troisième arrondissement