Le départ de l'adjoint à la culture est un soulagement, la fin d'une maltraitance pour les artistes des quartiers de Paris. Retour sur un gâchis. La gauche aura peu de temps pour recoudre le tissu d'un imaginaire collectif déchiré.
Humainement, Christophe Girard ne mérite pas toute l'irritation que ses airs de grands bourgeois, esthète et individualiste, tombé dans la politique suscitent. Bulle de charme et de bonnes manières, ce personnage dont Molière se serait sûrement inspiré pour parfaire son Don Juan (à moins que ce ne soit l'inverse), sera passé dans son époque sans la comprendre, comme un trader égaré en coupé sport dans une manif d'ouvriers. Croyant sincèrement que la politique n'était qu'une carrière faite de rapports d'affinités, de charme et de désamour pour sa personne, il sera resté 11 ans en poste à côté de tous les possibles. Obnubilé par des soucis d'images désuets, il en aura raté tout le sens et manqué la saveur. Vanité d'un profit sans mesure et d'une souffrance intime sans raison, attachant et décevant : une allégorie de notre temps.
Politiquement en revanche, son nom restera celui d'un des coups de couteau portés à l'âme de la ville. Son emprise sur la culture se confondant avec celle de l'argent restera le grand échec des années Delanoë. Si les squats d'artistes, les bars-culturels, les petits cabarets et théâtre sont les témoignages d'une volonté irréductible des "villageois" de Paris de vivre ensemble —les dernières barricades de la Commune de Paris en quelque sorte— il en aura été l'Adolphe Thiers ou plutôt le Dupanloup.
En 2001, avec l'arrivée de la gauche au pouvoir à Paris, il avait tout en main pour réaliser une transformation fraternelle de la ville et relancer un Paris festif et créatif décimé par Pompidou, Chirac et les Trente Glorieuses. Il n'aura été que le ministre maladroit des intérêts du luxe dans la capitale. Errant entre une stratégie évènementielle (Nuits Blanches...) pâle copie, 30 ans après, des années Lang, une conception datée des grands équipements (104) pour finir au plus bas de ce qu'un élu peut imaginer en termes de culture : l'expulsion systématique des équipes de proximités et leur remplacement par un réseaux de clientèle. Retirant d'une main les possibilités d'expression des habitants et les confiant de l'autre à ses obligés. Par exemple à la Forge le marché de l'art contre les gamins des écoles de Belleville : pathétique.
Faute de l'avoir convaincu d'être un héros, je l'ai conjuré de ne pas être un salaud. Faute de comprendre, d'accepter au moins que la culture à Paris ne se limite pas au patrimoine et au luxe, mais repose sur un troisième pied, l'expression spontanée et créative des habitant-es : le Paris populaire. Il y a quelques mois, alors qu'il se voyait ministre de la Culture, je lui ai redis ma conviction que s'il ne donnait pas vite un coup de braquet en faveur des lieux de quartiers qui sont l'âme de la ville, il ne garderait pas même son poste d'adjoint. Et que la gauche perdrait Paris bientôt si elle ne prenait pas au sérieux les besoins de ses quartiers. Qu'il fallait d'urgence renoncer à toute cette destruction en cours des équipes des théâtres et des salles de spectacle, des squats et des lieux conventionnés et en particulier sauver le Lavoir Moderne Parisien parce qu'il est le coeur du dernier quartier populaire de la ville. Que s'il s'obstinait, la chute du Lavoir serait sa chute.
« Tu as de l'or dans les mains m'avait-il dit en retour avec une certaine tendresse signe que l'homme privé l'emportait toujours sur le politique qui se voulait rusé, dommage que tu gâches ton talent en t'opposant à moi. » Ce qui dans sa bouche sonnait comme en "en refusant de m'aimer." Je lui ai redis ma conviction que cet « or » de Paris avait la particularité de n'être pas à posséder, mais à vivre. Et que notre richesse n'était pas de faire de l'argent avec mais de le servir en soutenant les artistes et les lieux qui le font émerger près des habitants dans des conditions si difficiles. Qu'il n'y avait pas à aimer ou pas un homme politique, mais qu'il y avait un projet à inventer, entre politiques et gens de culture, au service de ces provinciaux et étrangers mêlés qu'on appelle parisiens.
Aujourd'hui, l'élu expulseur est expulsé. C'est après la chute de Sarkozy un nouveau boulet de ces dernières années qui s'en va. Le sentiment n'est pourtant pas à la satisfaction mais à la tristesse. J'ai vu juste, je n'ai pas dévié malgré notre mise en danger matérielle, mais je n'ai pas su être entendu malgré mon obstination, bref je n'ai pas pu changer le cours des choses. A Paris comme en France avec l'élection de Hollande, la gauche a peu de temps pour tourner la page de la gauche caviar et recoudre un tissu social d'un pays que le rêve de l'argent, plus encore que la pauvreté à déchiré. Quand les rêves sont déchirés, c'est aux artistes de recoudre. Paris est une terre morte et c'est de l'autre côté du périph, dans le Grand Paris, que s'imaginent et se conçoivent les représentations nouvelles de notre identité collective qui seules nous permettront de vivre ensemble (je vous invite à ce propos à trainer vos guêtres du côté de la Fabrique à Rêves du 6B à St Denis http://www.far6b.org où je démarre une résidence d'idées et de débats, il y a beaucoup de très belles rencontres à faire).
Je pense à la souffrance généreuses des copains de galère artistes, Yabon Paname et Kty Catherine Poulain expulsés* Hervé Breuil du Lavoir et à tous les artistes objets des maltraitances de l'Hôtel de Ville : Les anciens du Théâtre de Fortune et des tous de lieux expulsés, ceux en lutte à la Forge quand la mairie repeint leurs sols en rose (...) ceux de L'avant Rue, Le Musée de la Poésie, le Paris-Villette, Le Grand Ecran... Et en face d'eux, faute d'avoir été mis à leur côtés, aux petits marquis égocentrés de son cabinet de l'Hôtel de Ville, Che Guevarra des brunchs et des carrés VIP qui n'ont même pas servi l'intérêt général, alors que l'intérêt général les gâtait. L'argent et le pouvoir auraient dû servir à inventer un nouvel idéal, ils n'auront servi qu'à abîmer Paris. Christophe Girard reste pour moi le nom triste d'un immense gâchis.
David Langlois-Malet
Humainement, Christophe Girard ne mérite pas toute l'irritation que ses airs de grands bourgeois, esthète et individualiste, tombé dans la politique suscitent. Bulle de charme et de bonnes manières, ce personnage dont Molière se serait sûrement inspiré pour parfaire son Don Juan (à moins que ce ne soit l'inverse), sera passé dans son époque sans la comprendre, comme un trader égaré en coupé sport dans une manif d'ouvriers. Croyant sincèrement que la politique n'était qu'une carrière faite de rapports d'affinités, de charme et de désamour pour sa personne, il sera resté 11 ans en poste à côté de tous les possibles. Obnubilé par des soucis d'images désuets, il en aura raté tout le sens et manqué la saveur. Vanité d'un profit sans mesure et d'une souffrance intime sans raison, attachant et décevant : une allégorie de notre temps.
Politiquement en revanche, son nom restera celui d'un des coups de couteau portés à l'âme de la ville. Son emprise sur la culture se confondant avec celle de l'argent restera le grand échec des années Delanoë. Si les squats d'artistes, les bars-culturels, les petits cabarets et théâtre sont les témoignages d'une volonté irréductible des "villageois" de Paris de vivre ensemble —les dernières barricades de la Commune de Paris en quelque sorte— il en aura été l'Adolphe Thiers ou plutôt le Dupanloup.
En 2001, avec l'arrivée de la gauche au pouvoir à Paris, il avait tout en main pour réaliser une transformation fraternelle de la ville et relancer un Paris festif et créatif décimé par Pompidou, Chirac et les Trente Glorieuses. Il n'aura été que le ministre maladroit des intérêts du luxe dans la capitale. Errant entre une stratégie évènementielle (Nuits Blanches...) pâle copie, 30 ans après, des années Lang, une conception datée des grands équipements (104) pour finir au plus bas de ce qu'un élu peut imaginer en termes de culture : l'expulsion systématique des équipes de proximités et leur remplacement par un réseaux de clientèle. Retirant d'une main les possibilités d'expression des habitants et les confiant de l'autre à ses obligés. Par exemple à la Forge le marché de l'art contre les gamins des écoles de Belleville : pathétique.
Faute de l'avoir convaincu d'être un héros, je l'ai conjuré de ne pas être un salaud. Faute de comprendre, d'accepter au moins que la culture à Paris ne se limite pas au patrimoine et au luxe, mais repose sur un troisième pied, l'expression spontanée et créative des habitant-es : le Paris populaire. Il y a quelques mois, alors qu'il se voyait ministre de la Culture, je lui ai redis ma conviction que s'il ne donnait pas vite un coup de braquet en faveur des lieux de quartiers qui sont l'âme de la ville, il ne garderait pas même son poste d'adjoint. Et que la gauche perdrait Paris bientôt si elle ne prenait pas au sérieux les besoins de ses quartiers. Qu'il fallait d'urgence renoncer à toute cette destruction en cours des équipes des théâtres et des salles de spectacle, des squats et des lieux conventionnés et en particulier sauver le Lavoir Moderne Parisien parce qu'il est le coeur du dernier quartier populaire de la ville. Que s'il s'obstinait, la chute du Lavoir serait sa chute.
« Tu as de l'or dans les mains m'avait-il dit en retour avec une certaine tendresse signe que l'homme privé l'emportait toujours sur le politique qui se voulait rusé, dommage que tu gâches ton talent en t'opposant à moi. » Ce qui dans sa bouche sonnait comme en "en refusant de m'aimer." Je lui ai redis ma conviction que cet « or » de Paris avait la particularité de n'être pas à posséder, mais à vivre. Et que notre richesse n'était pas de faire de l'argent avec mais de le servir en soutenant les artistes et les lieux qui le font émerger près des habitants dans des conditions si difficiles. Qu'il n'y avait pas à aimer ou pas un homme politique, mais qu'il y avait un projet à inventer, entre politiques et gens de culture, au service de ces provinciaux et étrangers mêlés qu'on appelle parisiens.
Aujourd'hui, l'élu expulseur est expulsé. C'est après la chute de Sarkozy un nouveau boulet de ces dernières années qui s'en va. Le sentiment n'est pourtant pas à la satisfaction mais à la tristesse. J'ai vu juste, je n'ai pas dévié malgré notre mise en danger matérielle, mais je n'ai pas su être entendu malgré mon obstination, bref je n'ai pas pu changer le cours des choses. A Paris comme en France avec l'élection de Hollande, la gauche a peu de temps pour tourner la page de la gauche caviar et recoudre un tissu social d'un pays que le rêve de l'argent, plus encore que la pauvreté à déchiré. Quand les rêves sont déchirés, c'est aux artistes de recoudre. Paris est une terre morte et c'est de l'autre côté du périph, dans le Grand Paris, que s'imaginent et se conçoivent les représentations nouvelles de notre identité collective qui seules nous permettront de vivre ensemble (je vous invite à ce propos à trainer vos guêtres du côté de la Fabrique à Rêves du 6B à St Denis http://www.far6b.org où je démarre une résidence d'idées et de débats, il y a beaucoup de très belles rencontres à faire).
Je pense à la souffrance généreuses des copains de galère artistes, Yabon Paname et Kty Catherine Poulain expulsés* Hervé Breuil du Lavoir et à tous les artistes objets des maltraitances de l'Hôtel de Ville : Les anciens du Théâtre de Fortune et des tous de lieux expulsés, ceux en lutte à la Forge quand la mairie repeint leurs sols en rose (...) ceux de L'avant Rue, Le Musée de la Poésie, le Paris-Villette, Le Grand Ecran... Et en face d'eux, faute d'avoir été mis à leur côtés, aux petits marquis égocentrés de son cabinet de l'Hôtel de Ville, Che Guevarra des brunchs et des carrés VIP qui n'ont même pas servi l'intérêt général, alors que l'intérêt général les gâtait. L'argent et le pouvoir auraient dû servir à inventer un nouvel idéal, ils n'auront servi qu'à abîmer Paris. Christophe Girard reste pour moi le nom triste d'un immense gâchis.
David Langlois-Malet