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Ainsi donc, il faudrait que la France aille chercher son salut en Allemagne ? Espérons au moins qu’il ne s’agit que de son sauvetage financier et non d’un bras tendu à la manière des sombres années de la collaboration !
De toute façon, que les souverainistes et les germanophobes ne se fassent pas de souci : le énième plan « vous allez voir ce que vous allez voir » promu lundi dernier par le binôme Merkel/Sarkozy a toutes les chances d’échouer comme ceux qui l’ont précédé. Il s’agit avant tout d’un jeté de poudre aux yeux.
Tout d’abord, le « Mécanisme européen de stabilité», version pérenne du Fonds européen de stabilisation mis en place il n’y a guère plus d’un an, repose sur des garanties d’Etats eux-mêmes surendettés qui ne font que se soutenir entre eux. Un bonneteau joué à 7, 17 ou 27 reste un bonneteau. La majorité pour le mettre en œuvre, qualifiée ou non, a peu d’importance et les agences de notation ont raison lorsqu’elles dégradent les notes de tous à l’unisson. Sachant que la seule Espagne va devoir trouver 470 milliards d’euros d’ici à la fin de l’année 2013 pour faire face aux échéances de sa dette publique, ce « Mécanisme » sera de toute façon insuffisant quand bien même il serait mis en place en temps.
Par ailleurs, la « règle d’or », inscrite ou non dans la constitution, sera foulée aux pieds dès lors que, dans une situation de récession, les recettes fiscales fondront toujours plus vite que les économies budgétaires destinées à contrebalancer leur recul. Jamais des politiciens soumis à réélection n’accepteront vraiment de se mettre la tête sur le billot en entérinant les mesures nécessaires à un redressement qui, pareil à un mirage, s’éloignera à mesure que l’austérité durcira. Du reste, la vertueuse Germanie n’a respecté elle-même les règles de Maastricht relatives à la dette publique qu’une année sur onze depuis 1999.
En réalité, les annonces de lundi dernier sont l’arbre qui cache la (petite) forêt. La seule politique un tant soit peu efficace, puisqu’à effet immédiat, est celle qui est menée dans une relative discrétion par la Banque centrale européenne en ce moment même. Il s’agit du rachat, qui prend des allures inconditionnelles, des obligations pourries grecques, portugaises, espagnoles, italiennes et, demain, françaises ou allemandes. L’institution de Francfort en est déjà à 160 milliards d’euros ! Dans ces conditions, Sarkozy a raison : point n’est besoin d’eurobonds. La monétisation de la dette est en cours puisque ce refinancement par la BCE permet aux émetteurs et aux détenteurs de ces obligations de continuer à fonctionner et même à délivrer des crédits alors qu’ils devraient déjà être en faillite. Quand le sage de Francfort désigne le déficit, l’imbécile regarde l’eurobond …
Cette mystification n’est hélas qu’une nouvelle digue, la dernière peut-être, contre le tsunami qui roule vers nous. Car ces politiques ont un caractère commun : concoctées dans l’opacité, elles sont défensives et toujours en retard d’une guerre. La ligne Maginot économique d’aujourd’hui a ceci de grandiose qu’elle est bâtie par la France ET l’Allemagne. Maginot et Siegfried enfin réunis ! Mais les eurocrates ont beau écoper, la voie d’eau reste ouverte : la surévaluation de l’euro vis-à-vis du dollar et du yuan ainsi que le niveau des taux d’intérêts réels continueront de saigner à blanc les économies européennes. Pis encore, les mesures adoptées retardent l’indispensable baisse du taux de change de la monnaie unique en réconfortant artificiellement les détenteurs de la dette. Sur ce point aussi, les agences de notation font œuvre utile en dessillant les yeux de ceux qui ne veulent pas voir la réalité.
Tout cela risque de finir en un moratoire, lequel ne serait d’ailleurs qu’une forme de dévaluation pratiquée unilatéralement sur les créances possédées par ceux qui, hors d’Europe, ont eu la naïveté de prêter aux Européens. Mis en œuvre par l’ensemble des gouvernements de l’Union et négociés, si possible, avec les créanciers, ce rééchelonnement permettrait peut-être de sauver l’euro. Mais, à privilégier les replâtrages et les subterfuges, on risque des réactions désordonnées et l’explosion de l’Euroland.
Un vrai débat, en France, autour d’un référendum sur la « règle d’or » et de la modification des traités européens permettrait de dire enfin la vérité aux citoyens : la responsabilité de la crise est autant celle de peuples qui rêvaient de vivre à crédit que celle de dirigeants qui leur mentaient. Et l’arbitrage doit se faire entre dévaluation et austérité, sachant qu’elles conduisent toutes à appauvrir les consommateurs et sont chacune en partie nécessaires, même si elles ne frappent pas les mêmes agents économiques avec la même rigueur. Mais, à en juger par ce qui s’est passé en Grèce ou en Italie, le recours au vote populaire et au débat non censuré est la pire des choses aux yeux de ceux qui décident. Ayant vécu par les technocrates, l’Union européenne, dans sa version bruxelloise, risque de périr par eux.