"Je dois avouer une de mes faiblesses au lecteur, j’adore les comptes-rendus publics de mandat de monsieur Delanoë.
D’abord parce que c’est toujours un grand moment de communication dont toutes les ficelles sont passionnantes à décoder, ensuite parce que ces réunions sont plus révélatrices d’un climat politique parisien réel que toutes les proclamations, déclarations d’intentions et autres professions de foi tonitruantes de l’équipe municipale du seizième, uniquement destinées à la consommation locale.
Cette réunion de compte-rendu de mandat a répondu à cet égard à toutes mes attentes et au-delà.
Quel était l’objectif politique à atteindre pour monsieur Delanoë ?
Montrer qu’après la houleuse réunion à la Mairie du seizième sur le stade Jean Bouin, d’où madame Hidalgo était sortie confuse et couverte de plaies et de bosses, monsieur Delanoë, Lui, n’hésitait pas affronter et à dompter, seul, cette bourgeoisie étriquée et égoïste, indifférente à la renommée rugbystique de Paris qu’Il incarne charnellement en Sa Personne même.
Disons le clairement, ce résultat a été atteint.
Ce qui est intéressant, donc, n’est pas ce qui a été dit, insipide et parfois mensonger, mais la façon dont ce brillant résultat a été obtenu.
Je vais m’efforcer d’en mettre en évidence les grosses ficelles.
1) Créer un climat :
La rue des Bauches était littéralement en état de siège, police, gardes du corps, portique de sécurité, vigiles, je n’ai pas vu de tireurs d’élite sur les toits ni de couverture aérienne, mais c’était limite…
Tout ça vous avait un petit côté Santiago du Chili grande époque qui vous mettait tout de suite dans l’ambiance surtout pour parler d’un stade.
2) Faire la salle :
J’ai bien l’impression que par rapport à la dernière fois, le nombre de place assise avait été restreint et que des groupes compacts de supporters de Delanoë étaient positionnés sur les deux ailes…comme au rugby…
Beaucoup de gens ont donc assisté debout à ce compte rendu de mandat, ce qui au bout d’une heure a toujours pour effet d’émousser significativement la pugnacité du public.
3) Endormir le public :
Un compte-rendu de mandat est évidemment un plaidoyer « pro domo », c’est la loi du genre, mais enfin quelqu’un se dévouera t’il pour expliquer à monsieur Delanoë que les électeurs savent faire la différence entre comptabilité publique et tour de magie… ?
Cela nous éviterait d’entendre ce que nous avons entendu, à savoir que, malgré la crise, la Ville de Paris maintiendra sa politique de logements social, d’aides diverses aux plus défavorisés, sa politique scolaire, sa politique de recrutement de personnels, sa politique d’investissements etc. sans inconvénients majeurs pour les Parisiens.
On a bien entendu parler à un moment donné, de hausse de l’endettement et d’accroissement des impôts, mais de façon si bénigne, si indolore, si socialement justifiée et d’ailleurs annoncée à l’avance avec une grande transparence lors de la dernière campagne municipale que seuls des esprits chagrins pourraient s’en offusquer.
Après un tel conditionnement, l’idée subliminale induite est que s’opposer à un projet pour Jean Bouin d’un Maire aussi admirable relève de la mauvaise foi et de l’égoïsme : comment suspecter un tel gestionnaire de gabegie ?
Bien vu techniquement ça…c’est habile.
4) Faire de fausses colères pour impressionner les participants :
Lorsqu’on en est arrivé au vif du sujet, à savoir Jean Bouin, les interventions du public ont été de qualité inégale, parfois longues, redondantes, un peu maladroites, mais ont été cependant toujours pertinentes.
Il est aisé dans un tel contexte de trouver un mot dans le discours de ses opposants pour pouvoir rebondir dessus et faire passer ses messages en plaçant ses opposants en position d’infériorité sémantique.
Dans ce cas précis, ce fut le mot « spectateurs », utilisé maladroitement pour désigner l’assistance citoyenne qui permit à monsieur Delanoë de faire passer habilement l’idée qu’il était, Lui, légitime parce qu’Elu de tous les Parisiens et que toute contestation de son action est par nature illégitime, pour ne pas dire anti-démocratique.
La fausse indignation du Maire de Paris était parfaitement bien jouée, chapeau l’artiste !!!
5) Botter en touche pour les questions gênantes :
Lorsqu’il s’agit de vrais problèmes, comme par exemple le devenir des activités sportives des milliers d’élèves du seizième arrondissement qui seront perturbées par le démarrage des travaux sur Jean Bouin, j’ai admiré la qualité de procrastination du Maire de Paris repassant le problème à ses adjoints, à de « larges concertations », à de « futurs rendez-vous », à un « dialogue citoyen », à une participation future autant qu’hypothétique au conseil de quartier « Auteuil Sud »…etc.
Il n’est pas allé jusqu’à la création d’une commission pour améliorer les « solutions » d’ores et déjà prévues par la Mairie de Paris à ce problème, mais il n’aurait pas fallu beaucoup insister pour qu’il en envisage la création.
La seule chose que j’ai retenu de cet échange, c’est que quoiqu’il arrive les travaux commenceront à la date prévue…Un point c’est tout… !!!
6) Refiler la patate chaude aux copains :
J’ai admiré l’habileté politicienne qui consiste, pour le Maire de Paris, à rappeler que la solution hippodrome d’Auteuil qui avait été envisagée pour les scolaires a subi de tels retards dans sa mise en œuvre qu’il a fallu mettre en place des solutions de dépannage, certes imparfaites, mais que ce n’est pas la Mairie de Paris qui est décisionnaire dans ce cas précis et n’est donc pas responsable de la situation.
Enfin, bref, du grand, du très grand art, fait par un communicateur hors pair.
Certes, le fond est désespérant mais la forme est incomparable.
Sur ce, monsieur Delanoë a tourné les talons ainsi qu’une bonne partie de l’assistance toute étonnée, pour ne pas dire mécontente qu’il ne se soit pas trouvé un seul – un seul !!! – élu de la majorité municipale pour être présent et soutenir ainsi les habitants de l’arrondissement, leurs électeurs.
Les optimistes penseront qu’il s’agissait pour eux de ne pas cautionner par leur présence ce qui allait être dit, les pessimistes penseront qu’il s’agit en fait d’une « opposition de Sa Majesté » et que dans un tel contexte de connivence c’est une chose de s’en prendre à madame Hidalgo, une autre à monsieur Delanoë.
Chacun, selon ses propres critères retiendra l’interprétation qui lui convient.
En tout cas je tiens à rassurer tout le monde, un nom n’a jamais été prononcé : c’est celui de monsieur Guazzini…c’est dire tout l’intérêt de ce compte-rendu de mandat.
Jean Marie Saugey
Conseiller de quartier « Muette Nord »
http://www.paris16info.org/
D’abord parce que c’est toujours un grand moment de communication dont toutes les ficelles sont passionnantes à décoder, ensuite parce que ces réunions sont plus révélatrices d’un climat politique parisien réel que toutes les proclamations, déclarations d’intentions et autres professions de foi tonitruantes de l’équipe municipale du seizième, uniquement destinées à la consommation locale.
Cette réunion de compte-rendu de mandat a répondu à cet égard à toutes mes attentes et au-delà.
Quel était l’objectif politique à atteindre pour monsieur Delanoë ?
Montrer qu’après la houleuse réunion à la Mairie du seizième sur le stade Jean Bouin, d’où madame Hidalgo était sortie confuse et couverte de plaies et de bosses, monsieur Delanoë, Lui, n’hésitait pas affronter et à dompter, seul, cette bourgeoisie étriquée et égoïste, indifférente à la renommée rugbystique de Paris qu’Il incarne charnellement en Sa Personne même.
Disons le clairement, ce résultat a été atteint.
Ce qui est intéressant, donc, n’est pas ce qui a été dit, insipide et parfois mensonger, mais la façon dont ce brillant résultat a été obtenu.
Je vais m’efforcer d’en mettre en évidence les grosses ficelles.
1) Créer un climat :
La rue des Bauches était littéralement en état de siège, police, gardes du corps, portique de sécurité, vigiles, je n’ai pas vu de tireurs d’élite sur les toits ni de couverture aérienne, mais c’était limite…
Tout ça vous avait un petit côté Santiago du Chili grande époque qui vous mettait tout de suite dans l’ambiance surtout pour parler d’un stade.
2) Faire la salle :
J’ai bien l’impression que par rapport à la dernière fois, le nombre de place assise avait été restreint et que des groupes compacts de supporters de Delanoë étaient positionnés sur les deux ailes…comme au rugby…
Beaucoup de gens ont donc assisté debout à ce compte rendu de mandat, ce qui au bout d’une heure a toujours pour effet d’émousser significativement la pugnacité du public.
3) Endormir le public :
Un compte-rendu de mandat est évidemment un plaidoyer « pro domo », c’est la loi du genre, mais enfin quelqu’un se dévouera t’il pour expliquer à monsieur Delanoë que les électeurs savent faire la différence entre comptabilité publique et tour de magie… ?
Cela nous éviterait d’entendre ce que nous avons entendu, à savoir que, malgré la crise, la Ville de Paris maintiendra sa politique de logements social, d’aides diverses aux plus défavorisés, sa politique scolaire, sa politique de recrutement de personnels, sa politique d’investissements etc. sans inconvénients majeurs pour les Parisiens.
On a bien entendu parler à un moment donné, de hausse de l’endettement et d’accroissement des impôts, mais de façon si bénigne, si indolore, si socialement justifiée et d’ailleurs annoncée à l’avance avec une grande transparence lors de la dernière campagne municipale que seuls des esprits chagrins pourraient s’en offusquer.
Après un tel conditionnement, l’idée subliminale induite est que s’opposer à un projet pour Jean Bouin d’un Maire aussi admirable relève de la mauvaise foi et de l’égoïsme : comment suspecter un tel gestionnaire de gabegie ?
Bien vu techniquement ça…c’est habile.
4) Faire de fausses colères pour impressionner les participants :
Lorsqu’on en est arrivé au vif du sujet, à savoir Jean Bouin, les interventions du public ont été de qualité inégale, parfois longues, redondantes, un peu maladroites, mais ont été cependant toujours pertinentes.
Il est aisé dans un tel contexte de trouver un mot dans le discours de ses opposants pour pouvoir rebondir dessus et faire passer ses messages en plaçant ses opposants en position d’infériorité sémantique.
Dans ce cas précis, ce fut le mot « spectateurs », utilisé maladroitement pour désigner l’assistance citoyenne qui permit à monsieur Delanoë de faire passer habilement l’idée qu’il était, Lui, légitime parce qu’Elu de tous les Parisiens et que toute contestation de son action est par nature illégitime, pour ne pas dire anti-démocratique.
La fausse indignation du Maire de Paris était parfaitement bien jouée, chapeau l’artiste !!!
5) Botter en touche pour les questions gênantes :
Lorsqu’il s’agit de vrais problèmes, comme par exemple le devenir des activités sportives des milliers d’élèves du seizième arrondissement qui seront perturbées par le démarrage des travaux sur Jean Bouin, j’ai admiré la qualité de procrastination du Maire de Paris repassant le problème à ses adjoints, à de « larges concertations », à de « futurs rendez-vous », à un « dialogue citoyen », à une participation future autant qu’hypothétique au conseil de quartier « Auteuil Sud »…etc.
Il n’est pas allé jusqu’à la création d’une commission pour améliorer les « solutions » d’ores et déjà prévues par la Mairie de Paris à ce problème, mais il n’aurait pas fallu beaucoup insister pour qu’il en envisage la création.
La seule chose que j’ai retenu de cet échange, c’est que quoiqu’il arrive les travaux commenceront à la date prévue…Un point c’est tout… !!!
6) Refiler la patate chaude aux copains :
J’ai admiré l’habileté politicienne qui consiste, pour le Maire de Paris, à rappeler que la solution hippodrome d’Auteuil qui avait été envisagée pour les scolaires a subi de tels retards dans sa mise en œuvre qu’il a fallu mettre en place des solutions de dépannage, certes imparfaites, mais que ce n’est pas la Mairie de Paris qui est décisionnaire dans ce cas précis et n’est donc pas responsable de la situation.
Enfin, bref, du grand, du très grand art, fait par un communicateur hors pair.
Certes, le fond est désespérant mais la forme est incomparable.
Sur ce, monsieur Delanoë a tourné les talons ainsi qu’une bonne partie de l’assistance toute étonnée, pour ne pas dire mécontente qu’il ne se soit pas trouvé un seul – un seul !!! – élu de la majorité municipale pour être présent et soutenir ainsi les habitants de l’arrondissement, leurs électeurs.
Les optimistes penseront qu’il s’agissait pour eux de ne pas cautionner par leur présence ce qui allait être dit, les pessimistes penseront qu’il s’agit en fait d’une « opposition de Sa Majesté » et que dans un tel contexte de connivence c’est une chose de s’en prendre à madame Hidalgo, une autre à monsieur Delanoë.
Chacun, selon ses propres critères retiendra l’interprétation qui lui convient.
En tout cas je tiens à rassurer tout le monde, un nom n’a jamais été prononcé : c’est celui de monsieur Guazzini…c’est dire tout l’intérêt de ce compte-rendu de mandat.
Jean Marie Saugey
Conseiller de quartier « Muette Nord »
http://www.paris16info.org/