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L'art dominant




Bernard Arnault aime à se faire photographier devant un grand tableau de Dubuffet de sa collection personnelle.

Goûtera-t-il cette merveilleuse citation du même Dubuffet : "Comme autrefois le seigneur prévaricateur, pour obtenir l'absolution, fondait une abbaye, aujourd'hui il fonde un musée"?



L'art dominant
Autant être franc et massif : le bâtiment de Gehry au bois de Boulogne est magnifique et la façade contemporaine de la Samaritaine sur la rue de Rivoli, imaginée par l'agence Sanaa, serait probablement du plus bel effet.

Pour autant, les méthodes suivies pour les imposer sont de petits bijoux de manipulation, aussi admirables que leurs principes constructifs.

Rappelons ce qu'une presse au garde-à-vous omet de dire au sujet de la fondation LVMH. Elle a été autorisée alors qu'aucun bâtiment ne devait dépasser un étage dans ce lieu insigne et protégé qu'est le bois de Boulogne au prix des pires magouilles juridiques et politiques. Il a fallu que la mairie delanoiste fasse semblant de croire que ses 47 mètres de haut ne formait qu'un étage grâce à une mezzanine. Puis que, du fait d'annulations au contentieux, un accord subreptice, avalisé par la droite, la gauche et même les communistes, conduise à l'adoption d'une loi de validation législative qui a permis à Arnault de s'asseoir sur une décision de justice. Allez donc construire un cabanon dans le bois de Boulogne et vous verrez ce qui va vous arriver très vite ! Bref, une nouvelle illustration de la célèbre formule de La fontaine, "Selon que vous serez puissant ou misérable ...".

Pour la Samaritaine, le scandale est à peu près semblable. Pour affirmer que le remplacement de bâtiments remontant à 1850 en pierre par une façade ultra-contemporaine en verre satisfait aux prescriptions du règlement d'urbanisme qui prévoit de respecter l'homogénéité des lieux, il faut un sacré sens de l'innovation jurisprudentielle. C'est pourtant probablement vers quoi, après des guerillas contentieuses, on s'oriente. Selon que vous soyez Arnault ou n'importe qui d'autre ...

Les rapports antiques du pouvoir, de l'argent, de l'architecture et de l'art ne changent guère. Ces derniers sont importants aux gens de pouvoir parce qu'ils permettent de faire communier le peuple et ses maîtres dans des lieux et des vénérations qui renforcent l'ordre établi. La Pologne fut autrefois évangélisée grâce des grands retables qu'on promenait de village en village et qui figuraient le triste sort des damnés. L'évergétisme et le mécénat sont les deux mamelles de la vache d'or qui nourrit les milieux artistiques.

Autrefois, on fondait des abbayes, aujourd'hui on fonde un musée, c'est bien cela ?



Mardi 21 Octobre 2014
Serge Federbusch






1.Posté par lecteur attentif le 24/10/2014 13:00
Vous auriez juste du être moins "massif", et douter un peu plus de la beauté que vous accordez au bâtiment de Gehry ou à la façade de SANAA... Quand vous dites que quelque chose est beau, il faut y inclure tout ! La construction, les artisans, la philosophie du lieu, l'argent dépensé, etc.
Dommage que vous sabordé votre article dès l'entame.

2.Posté par Phil75 le 07/11/2014 06:57
"Elle a été autorisée alors qu'aucun bâtiment ne devait dépasser un étage dans ce lieu insigne et protégé qu'est le bois de Boulogne au prix des pires magouilles juridiques et politiques."

Le fait que quelques nantis s'arrogent le droit de défigurer à leur aise une ville aussi emblématique que Paris laisse mal augurer de l'état de notre démocratie. A Washington, même si vous vous appelez Bill Gates ou Warren Buffett, vous ne pourrez jamais construire un édifice plus haut que le Capitole...

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