Lundi 17 octobre 2011, les fossoyeurs delanoistes vont définitivement enterrer un service public vieux de cent onze ans avec la délibération mettant fin, au 31 décembre 2011, aux opérations de liquidation du Crecep.
Créé en 1900, le « Laboratoire de surveillance des sources de la ville de Paris » était le plus vieux laboratoire municipal de contrôle des eaux. Il avait survécu à la privatisation de la distribution en 1984, devenant même en 1987 le CRECEP, Centre de recherche et de contrôle des eaux de Paris, contrôleur « extérieur » de la SAGEP, ancien nom d'Eau de Paris. Outre cette fonction, le CRECEP était le laboratoire régional de contrôle sanitaire des eaux, agréé par le ministère de la santé comme laboratoire régional pour le contrôle sanitaire des eaux de distribution publique, des eaux embouteillées, minérales et thermales. Il était aussi agréé pour les analyses d’eau par le Ministère chargé de l’environnement.
En 2001, fort de plus de 160 agents et avec une qualité scientifique reconnue, le CRECEP était une structure solide. Il devait affronter trois difficultés mais avait tous les atouts pour y faire face avec le soutien de la ville :
- au plan scientifique, la forte personnalité de son directeur lui assurait une reconnaissance indéniable ;
- la vetusté de ses équipements et surtout de ses locaux était un handicap majeur, nécessitant des investissements lourds (estimés à l’époque à 15 millions d'euros) ;
- l’évolution du cadre juridique de ses activités, tant du fait de la réglementation européenne que de la jurisprudence du Conseil d’Etat, le contraignait à rentrer, pour une part significative de son travail, dans le cadre concurrentiel.
Pour répondre à ces contraintes, la création d’une société d’économie mixte était en cours en 2001. Pour des raisons doctrinales, (le projet de création d’une Sem avait suscité une grève en février 2001 et la nouvelle majorité l’assimilait à une privatisation), la municipalité de Delanoë décida en 2002 la création d’une régie autonome. Cette décision a été prise malgré un audit de février 2002 : commandité pour cadrer la création de la régie, cet audit rappelait malgré tout l’intérêt économique et fonctionnel de la solution "sem" !
La régie autonome fut donc créée en le 1er janvier 2003. Postérieurement à cette décision, deux nouveaux audits ont été effectués : le premier en 2003-2004 par l’inspection générale de la ville, consacré à l’ensemble des laboratoires de la ville (dont le CRECEP) ; le second en 2005-2007, par le conseil scientifique de la ville de Paris sur la valeur scientifique des travaux du CRECEP.
Ces deux audits confirmèrent l’excellence de la qualité scientifique des travaux du CRECEP mais rappelèrent les défis de modernisation des locaux et d’ouverture à la concurrence. Le rapport du conseil scientifique, soulignait ainsi : « la majorité des personnes rencontrées se félicitent que la ville de Paris possède son propre laboratoire de contrôle des eaux, qui peut lui assurer un service de qualité, indépendant du privé, indispensable en cas de problème sur un réseau ». Le rapport de l’inspection générale, appelait à la vigilance : après avoir rappelé que « beaucoup d’incertitudes » existent dans la situation du CRECEP, les rapporteurs écrivaient : « le CRECEP doit vivre et se développer dans un contexte concurrentiel. C’est une contrainte, mais c’est aussi une chance car cela l’oblige à s’organiser dans des conditions de compétitivité qui lui garantiront sa pérennité dans le cadre du service public parisien ».
Le problème est que les rapporteurs du conseil scientifique étaient très réalistes sur la qualité passée des prestations et les rapporteurs de l’inspection municipale très optimistes sur les effets des décisions du maire. Car moins de dix ans après, que s’est-il passé ?
Tout d’abord, les Delanoistes ont commencé par recruter un directeur, resté à peine un an, (pourquoi si peu de temps ?) puis ont désigné un fonctionnaire de grande qualité tant humaine que scientifique mais qui, après 35 ans de carrière à la ville de Paris et à trois ans de la retraite, n’avait probablement pas le profil indispensable à un manager confronté à l’irruption de la concurrence dans ce secteur.
Au-delà de ces problèmes de management, la mairie n’a jamais donné les moyens de sa survie au laboratoire, particulièrement en termes de modernisation des locaux de « l’outil de production » diraient certains partenaires de feu la gauche plurielle ; ce qui, par parenthèse, est curieux pour une municipalité qui passe son temps à se gargariser de sa « priorité à l’investissement ».
Par voie de conséquence, durant quatre ans, le CRECEP n’a pu conserver ses activités : l’ouverture à la concurrence a conduit les donneurs d’ordre publics à privilégier des laboratoires aussi qualifiés (voire plus compte tenu des retards d’investissement accumulés à partir de 2000). Dès lors, le personnel s’est retrouvé en surnombre mais, toujours aussi inconséquente et contradictoire, la mairie a refusé en un premier temps de le réduire. Compte tenu du fait que son budget devait être équilibré (principe de la régie autonome), la mairie n’a cessé de le subventionner… ce qui était illégal et a attiré les foudres du contrôle de légalité. La mairie n’en a d’abord pas tenu compte, jusqu’au moment où, de façon discrète mais désormais impérative, le préfet a interdit tout nouveau subventionnement - qui aurait pu valoir des recours pour distorsion de concurrence. Après un ultime chèque de 3,8M€ en 2008, la ville a alors sabordé le CRECEP ! bref, beaucoup d'argent dilapidé par absence de choix stratégique et louvoiements permanents pour cause d'affichage idéologique.
Le 1er janvier 2009, le CRECEP a donc été supprimé et une partie de ses effectifs transférés au nouvel établissement public municipal de l’eau. Les fonctions de contrôle sont désormais confiées à un laboratoire privé. La délibération de ce lundi 17 octobre 2011 vient définitivement (et en toute discrétion) clore cent onze années de qualité scientifique du service public municipal.
Bilan de la gestion Delanoë dans ce domaine comme dans d'autres ? La disparition d’un laboratoire public centenaire à la qualité scientifique reconnue ; le transfert de la fonction de contrôle à un laboratoire privé, le transfert de 50 employés dans l’établissement public qui gère l’eau de Paris depuis le 1er janvier 2009 (sachant que la fonction de contrôle n’est plus assumée par cette structure on se demande ce qu’ils font désormais …) ; 57 autres employés ont été réintégrés à la ville (dans quelles fonctions ?) et 23 ont "bénéficié d’un suivi personnalisé par l’entreprise SODIE, en charge du plan de sauvegarde de l’emploi », selon la délicate expression de la délibération…(19 ont retrouvé un emploi… ou sont en formation).
Pour faire bonne mesure, la ville de Paris devra encore éponger quelque 700 000 euros de déficit complémentaire en fonctionnement. Tout cela pour n'avoir pas voulu faire en temps l'investissement nécessaire pour sauver ce service, par ailleurs très performant.
Naturellement, cela se fait donc sans tambour ni trompette et aucun chantre de la gauche dure ou molle n’est venu chanter l’habituelle sérénade sur la casse du service public.
Remarquez, c’est normal, comme aurait dit le commandant Cousteau : quand Delanoë boit le bouillon, c’est le monde du silence !
Créé en 1900, le « Laboratoire de surveillance des sources de la ville de Paris » était le plus vieux laboratoire municipal de contrôle des eaux. Il avait survécu à la privatisation de la distribution en 1984, devenant même en 1987 le CRECEP, Centre de recherche et de contrôle des eaux de Paris, contrôleur « extérieur » de la SAGEP, ancien nom d'Eau de Paris. Outre cette fonction, le CRECEP était le laboratoire régional de contrôle sanitaire des eaux, agréé par le ministère de la santé comme laboratoire régional pour le contrôle sanitaire des eaux de distribution publique, des eaux embouteillées, minérales et thermales. Il était aussi agréé pour les analyses d’eau par le Ministère chargé de l’environnement.
En 2001, fort de plus de 160 agents et avec une qualité scientifique reconnue, le CRECEP était une structure solide. Il devait affronter trois difficultés mais avait tous les atouts pour y faire face avec le soutien de la ville :
- au plan scientifique, la forte personnalité de son directeur lui assurait une reconnaissance indéniable ;
- la vetusté de ses équipements et surtout de ses locaux était un handicap majeur, nécessitant des investissements lourds (estimés à l’époque à 15 millions d'euros) ;
- l’évolution du cadre juridique de ses activités, tant du fait de la réglementation européenne que de la jurisprudence du Conseil d’Etat, le contraignait à rentrer, pour une part significative de son travail, dans le cadre concurrentiel.
Pour répondre à ces contraintes, la création d’une société d’économie mixte était en cours en 2001. Pour des raisons doctrinales, (le projet de création d’une Sem avait suscité une grève en février 2001 et la nouvelle majorité l’assimilait à une privatisation), la municipalité de Delanoë décida en 2002 la création d’une régie autonome. Cette décision a été prise malgré un audit de février 2002 : commandité pour cadrer la création de la régie, cet audit rappelait malgré tout l’intérêt économique et fonctionnel de la solution "sem" !
La régie autonome fut donc créée en le 1er janvier 2003. Postérieurement à cette décision, deux nouveaux audits ont été effectués : le premier en 2003-2004 par l’inspection générale de la ville, consacré à l’ensemble des laboratoires de la ville (dont le CRECEP) ; le second en 2005-2007, par le conseil scientifique de la ville de Paris sur la valeur scientifique des travaux du CRECEP.
Ces deux audits confirmèrent l’excellence de la qualité scientifique des travaux du CRECEP mais rappelèrent les défis de modernisation des locaux et d’ouverture à la concurrence. Le rapport du conseil scientifique, soulignait ainsi : « la majorité des personnes rencontrées se félicitent que la ville de Paris possède son propre laboratoire de contrôle des eaux, qui peut lui assurer un service de qualité, indépendant du privé, indispensable en cas de problème sur un réseau ». Le rapport de l’inspection générale, appelait à la vigilance : après avoir rappelé que « beaucoup d’incertitudes » existent dans la situation du CRECEP, les rapporteurs écrivaient : « le CRECEP doit vivre et se développer dans un contexte concurrentiel. C’est une contrainte, mais c’est aussi une chance car cela l’oblige à s’organiser dans des conditions de compétitivité qui lui garantiront sa pérennité dans le cadre du service public parisien ».
Le problème est que les rapporteurs du conseil scientifique étaient très réalistes sur la qualité passée des prestations et les rapporteurs de l’inspection municipale très optimistes sur les effets des décisions du maire. Car moins de dix ans après, que s’est-il passé ?
Tout d’abord, les Delanoistes ont commencé par recruter un directeur, resté à peine un an, (pourquoi si peu de temps ?) puis ont désigné un fonctionnaire de grande qualité tant humaine que scientifique mais qui, après 35 ans de carrière à la ville de Paris et à trois ans de la retraite, n’avait probablement pas le profil indispensable à un manager confronté à l’irruption de la concurrence dans ce secteur.
Au-delà de ces problèmes de management, la mairie n’a jamais donné les moyens de sa survie au laboratoire, particulièrement en termes de modernisation des locaux de « l’outil de production » diraient certains partenaires de feu la gauche plurielle ; ce qui, par parenthèse, est curieux pour une municipalité qui passe son temps à se gargariser de sa « priorité à l’investissement ».
Par voie de conséquence, durant quatre ans, le CRECEP n’a pu conserver ses activités : l’ouverture à la concurrence a conduit les donneurs d’ordre publics à privilégier des laboratoires aussi qualifiés (voire plus compte tenu des retards d’investissement accumulés à partir de 2000). Dès lors, le personnel s’est retrouvé en surnombre mais, toujours aussi inconséquente et contradictoire, la mairie a refusé en un premier temps de le réduire. Compte tenu du fait que son budget devait être équilibré (principe de la régie autonome), la mairie n’a cessé de le subventionner… ce qui était illégal et a attiré les foudres du contrôle de légalité. La mairie n’en a d’abord pas tenu compte, jusqu’au moment où, de façon discrète mais désormais impérative, le préfet a interdit tout nouveau subventionnement - qui aurait pu valoir des recours pour distorsion de concurrence. Après un ultime chèque de 3,8M€ en 2008, la ville a alors sabordé le CRECEP ! bref, beaucoup d'argent dilapidé par absence de choix stratégique et louvoiements permanents pour cause d'affichage idéologique.
Le 1er janvier 2009, le CRECEP a donc été supprimé et une partie de ses effectifs transférés au nouvel établissement public municipal de l’eau. Les fonctions de contrôle sont désormais confiées à un laboratoire privé. La délibération de ce lundi 17 octobre 2011 vient définitivement (et en toute discrétion) clore cent onze années de qualité scientifique du service public municipal.
Bilan de la gestion Delanoë dans ce domaine comme dans d'autres ? La disparition d’un laboratoire public centenaire à la qualité scientifique reconnue ; le transfert de la fonction de contrôle à un laboratoire privé, le transfert de 50 employés dans l’établissement public qui gère l’eau de Paris depuis le 1er janvier 2009 (sachant que la fonction de contrôle n’est plus assumée par cette structure on se demande ce qu’ils font désormais …) ; 57 autres employés ont été réintégrés à la ville (dans quelles fonctions ?) et 23 ont "bénéficié d’un suivi personnalisé par l’entreprise SODIE, en charge du plan de sauvegarde de l’emploi », selon la délicate expression de la délibération…(19 ont retrouvé un emploi… ou sont en formation).
Pour faire bonne mesure, la ville de Paris devra encore éponger quelque 700 000 euros de déficit complémentaire en fonctionnement. Tout cela pour n'avoir pas voulu faire en temps l'investissement nécessaire pour sauver ce service, par ailleurs très performant.
Naturellement, cela se fait donc sans tambour ni trompette et aucun chantre de la gauche dure ou molle n’est venu chanter l’habituelle sérénade sur la casse du service public.
Remarquez, c’est normal, comme aurait dit le commandant Cousteau : quand Delanoë boit le bouillon, c’est le monde du silence !