Alors que Delanoë et Girard s’apprêtent, une nouvelle fois, à communiquer à jet continu pour l’ouverture du 104 rue d’Aubervilliers (avec près de deux ans de retard tout de même …), la fêêête risque d’être gâchée par de sordides questions d’argent. Ce mammouth, excentré et isolé et qui a coûté près de 120 millions d’euros à construire, assèche les crédits municipaux de fonctionnement et fait des victimes collatérales qui commencent à se rebeller. Seuls les super-pistonnés en sortiront indemnes, comme en témoigne le sort du théâtre du Rond Point et de l’inénarrable Jean-Michel Ribes, son bienheureux directeur.
Commençons donc par le 104.
Avant même d’être ouvert, ce haut lieu présumé de la culture parisienne crée la polémique car les conditions financières de son exploitation sont ambiguës. Ainsi, le festival du livre et de la presse écologiques s'y déroulera du 22 au 23 novembre. Ses organisateurs en ont eu pour leurs frais : plus de 14.000 euros pour une location. Quoi de plus normal, selon l'adjoint au maire à la culture, puisque ce lieu municipal est en même temps un lieu commercial. Mais une association peut, pour 2 euros par heure, bénéficier d'un local, ce qui fait 96 euros pour les deux jours du festival du salon du livre ! De 14.000 euros à 96 euros, qui décide ?
Les directeurs actuels de l'établissement, Robert Cantarella et Frédéric Fisbach, indiquent, selon le Parisien du 1er octobre, qu'ils n'étaient pas au courant de la somme demandée à l'association. Les responsables de l'association, de leur côté, indiquent que l'on ne leur a jamais proposé un lieu pour 2 euros de l'heure. Ce doit être un problème d’acoustique propre à ces grands halls… « Bousculer les frontières » entre les pratiques artistiques et les publics, c'est l'objectif fixé au 104 par la ville de Paris. Pour l'instant, la seule « bousculée » est cette association qui doit débourser les trois quarts de son budget annuel pour organiser une manifestation qui correspond pourtant au cahier des charges de ce lieu municipal.
Christophe Girard affirme au passage que le fonctionnement de ce nouvel établissement doit tendre à un équilibre financier. Ce ne sera pas facile car la subvention annuelle de fonctionnement prévue par la ville : moins de 10 millions d’euros, fait sourire le petit monde de la culture parisienne au vu de la taille de l’établissement. Du reste, ce louable souci d’équilibre est en contradiction avec les principes affirmés de favoriser les associations. Et il est encore plus en porte-à-faux avec la création d'un établissement public de coopération culturelle (Epcc). Rappelons que le préfet de Paris avait retoqué la création du 104 en tant qu'établissement public industriel et commercial (Epic). En effet, le préfet craignait que les seules ressources réelles de cet établissement proviennent des subventions. Bref, la confusion règne sur la nature exacte de ce lieu et les conditions futures de son exploitation. Passés l’effet de nouveauté et quelques défilés de mode et mis à part les loyers d’un ou deux lieux de restauration, le 104 sera contraint de tendre sa sébile à la ville. Et elle sera profonde.
Il y a pourtant impérieuse nécessité de resserrer les cordons de la bourse pour une mairie qui ploie désormais sous les frais des 6.000 agents recrutés sous la précédente mandature et qui cherche des économies partout.
Apparaissent donc les premières victimes collatérales du 104.
Les plus faibles ou les moins politiquement dociles d’abord, comme le théâtre Mouffetard ou le Silvia Montfort. Pour leur tordre le cou, Girard et Delanoë ont commandé un rapport à l’inoxydable Faivre d’Arcier. Ce dernier a pondu un texte qui s’en prend à la faiblesse de l’influence de ces établissements dans le « paysage théâtral parisien ». Déduire qu’un théâtre peu aidé a moins d’audience qu’un autre gorgé de subventions pour éliminer le premier, c’est tirer parti de sa propre turpitude, comme disent les juristes.
D’autres directeurs de théâtre, plus réactifs ou mieux connectés politiquement, ont allumé immédiatement un contre-feu. Ainsi, le dirigeant du Théâtre de la Bastille, Jean-Marie Hordé, a mis les pieds dans le plat à l’occasion d’un édito paru dans son dans son journal. "Beaucoup d'initiatives nouvelles ont été prises ces dernières années par la Ville de Paris. Peut-être sont-elles légitimes (sic) ... Ce qui l'est moins, c'est de créer des établissements nouveaux aux dépens des anciens dont beaucoup ont fait leurs preuves. Ainsi de la Bastille, de la Cité internationale ou du Théâtre Paris-Villette pour n'en citer que trois, essentiels à mes yeux (...) ". Interrogé par un journaliste du Monde, il passe à l’attaque en piqué : "Des dépenses culturelles font-elles une politique ? Il y a deux ans, je n'aurais jamais écrit ce texte. Mais le tandem Delanoë-Girard s'est perverti dans la communication. Il y a de leur part une indifférence intéressée à tout ce qui n'est pas immédiatement pétillant."
Signalons à ce brave homme que le problème n’a pas deux ans mais plus de sept. Dès les débuts de la mandature, la superficialité, le paraître immédiat et l’effet de feu d’artifice ont caractérisé l’ensemble des politiques municipales.
Dans ce sauve-qui-peut, certains peuvent cependant garder le sourire : les plus pistonnés. Au premier rang desquels figure Jean-Michel Ribes, patron du théâtre du Rond Point. Ce militant actif qui, bien que nommé et nourri par la mairie, s’est permis d’intervenir à plusieurs reprises dans la campagne municipale, n’est jamais avare de son soutien à un pauvre petit Delanoë en difficulté. Il a bien appris sa leçon : tous les problèmes viennent de l’Etat et notamment de Sarkozy.
Ribes est d’ailleurs l’auteur de ces formidables paroles : « J'ai longtemps cherché une définition de la culture, et le président m'a bien aidé. La culture c'est tout ce que n'est pas Sarkozy ». Sitôt Delanoë critiqué pour le 104, il monte au créneau et récidive : "On a un chef de l'Etat qui n'a aucun regard sur la culture. La création de lieux importants à Paris va redonner de la force à tous les arts et créer des passerelles". Ce soutien n’est pas tout à fait désintéressé puisqu’on apprend, au passage, que Ribes pourra répéter son "prochain spectacle avec Isabelle Carré au 104 » !
Ribes est en réalité un professionnel de la subvention, d’où qu’elle vienne. Son théâtre reçoit cette année 1.885.000 euros de la ville et … autant de l’Etat. Heureusement que Sarkozy ne regarde pas de ce côté-ci de la culture, pour reprendre les paroles de Ribes ! Mises bout à bout, ces sucreries dépassent les 40 euros par place vendue. Petit veinard, aucune disette ne le menace, lui. Ces subsides ont encore augmenté de plus de 7 % cette année. S'y ajoute environ 70.000 euros pour remplacer des monte-décors et des strapontins. Le succès est donc tel qu'il n'y a plus de fauteuil ? Largement, en tous cas, de quoi sauver Mouffetard ou Montfort.
Au passage, Delanopolis pose une question à la cantonade. Quelqu’un sait-il combien est rémunéré Ribes pour ses fonctions de directeur de théâtre ? Et y ajoute-t-il quelque chose pour les piécettes qu’il met en scène dans son propre établissement ? La réponse mériterait d’être donnée aux Parisiens. Sinon, il faudra la trouver par soi-même. Mon Dieu quelle époque …
Le plus triste, dans toute cette histoire, c’est de penser que Ribes fit ses premiers pas à l’ombre de l’artiste talentueux, fertile et indépendant d’esprit que fut Roland Topor. Il nous manque bien, celui-là. O tempora, O mores …
Commençons donc par le 104.
Avant même d’être ouvert, ce haut lieu présumé de la culture parisienne crée la polémique car les conditions financières de son exploitation sont ambiguës. Ainsi, le festival du livre et de la presse écologiques s'y déroulera du 22 au 23 novembre. Ses organisateurs en ont eu pour leurs frais : plus de 14.000 euros pour une location. Quoi de plus normal, selon l'adjoint au maire à la culture, puisque ce lieu municipal est en même temps un lieu commercial. Mais une association peut, pour 2 euros par heure, bénéficier d'un local, ce qui fait 96 euros pour les deux jours du festival du salon du livre ! De 14.000 euros à 96 euros, qui décide ?
Les directeurs actuels de l'établissement, Robert Cantarella et Frédéric Fisbach, indiquent, selon le Parisien du 1er octobre, qu'ils n'étaient pas au courant de la somme demandée à l'association. Les responsables de l'association, de leur côté, indiquent que l'on ne leur a jamais proposé un lieu pour 2 euros de l'heure. Ce doit être un problème d’acoustique propre à ces grands halls… « Bousculer les frontières » entre les pratiques artistiques et les publics, c'est l'objectif fixé au 104 par la ville de Paris. Pour l'instant, la seule « bousculée » est cette association qui doit débourser les trois quarts de son budget annuel pour organiser une manifestation qui correspond pourtant au cahier des charges de ce lieu municipal.
Christophe Girard affirme au passage que le fonctionnement de ce nouvel établissement doit tendre à un équilibre financier. Ce ne sera pas facile car la subvention annuelle de fonctionnement prévue par la ville : moins de 10 millions d’euros, fait sourire le petit monde de la culture parisienne au vu de la taille de l’établissement. Du reste, ce louable souci d’équilibre est en contradiction avec les principes affirmés de favoriser les associations. Et il est encore plus en porte-à-faux avec la création d'un établissement public de coopération culturelle (Epcc). Rappelons que le préfet de Paris avait retoqué la création du 104 en tant qu'établissement public industriel et commercial (Epic). En effet, le préfet craignait que les seules ressources réelles de cet établissement proviennent des subventions. Bref, la confusion règne sur la nature exacte de ce lieu et les conditions futures de son exploitation. Passés l’effet de nouveauté et quelques défilés de mode et mis à part les loyers d’un ou deux lieux de restauration, le 104 sera contraint de tendre sa sébile à la ville. Et elle sera profonde.
Il y a pourtant impérieuse nécessité de resserrer les cordons de la bourse pour une mairie qui ploie désormais sous les frais des 6.000 agents recrutés sous la précédente mandature et qui cherche des économies partout.
Apparaissent donc les premières victimes collatérales du 104.
Les plus faibles ou les moins politiquement dociles d’abord, comme le théâtre Mouffetard ou le Silvia Montfort. Pour leur tordre le cou, Girard et Delanoë ont commandé un rapport à l’inoxydable Faivre d’Arcier. Ce dernier a pondu un texte qui s’en prend à la faiblesse de l’influence de ces établissements dans le « paysage théâtral parisien ». Déduire qu’un théâtre peu aidé a moins d’audience qu’un autre gorgé de subventions pour éliminer le premier, c’est tirer parti de sa propre turpitude, comme disent les juristes.
D’autres directeurs de théâtre, plus réactifs ou mieux connectés politiquement, ont allumé immédiatement un contre-feu. Ainsi, le dirigeant du Théâtre de la Bastille, Jean-Marie Hordé, a mis les pieds dans le plat à l’occasion d’un édito paru dans son dans son journal. "Beaucoup d'initiatives nouvelles ont été prises ces dernières années par la Ville de Paris. Peut-être sont-elles légitimes (sic) ... Ce qui l'est moins, c'est de créer des établissements nouveaux aux dépens des anciens dont beaucoup ont fait leurs preuves. Ainsi de la Bastille, de la Cité internationale ou du Théâtre Paris-Villette pour n'en citer que trois, essentiels à mes yeux (...) ". Interrogé par un journaliste du Monde, il passe à l’attaque en piqué : "Des dépenses culturelles font-elles une politique ? Il y a deux ans, je n'aurais jamais écrit ce texte. Mais le tandem Delanoë-Girard s'est perverti dans la communication. Il y a de leur part une indifférence intéressée à tout ce qui n'est pas immédiatement pétillant."
Signalons à ce brave homme que le problème n’a pas deux ans mais plus de sept. Dès les débuts de la mandature, la superficialité, le paraître immédiat et l’effet de feu d’artifice ont caractérisé l’ensemble des politiques municipales.
Dans ce sauve-qui-peut, certains peuvent cependant garder le sourire : les plus pistonnés. Au premier rang desquels figure Jean-Michel Ribes, patron du théâtre du Rond Point. Ce militant actif qui, bien que nommé et nourri par la mairie, s’est permis d’intervenir à plusieurs reprises dans la campagne municipale, n’est jamais avare de son soutien à un pauvre petit Delanoë en difficulté. Il a bien appris sa leçon : tous les problèmes viennent de l’Etat et notamment de Sarkozy.
Ribes est d’ailleurs l’auteur de ces formidables paroles : « J'ai longtemps cherché une définition de la culture, et le président m'a bien aidé. La culture c'est tout ce que n'est pas Sarkozy ». Sitôt Delanoë critiqué pour le 104, il monte au créneau et récidive : "On a un chef de l'Etat qui n'a aucun regard sur la culture. La création de lieux importants à Paris va redonner de la force à tous les arts et créer des passerelles". Ce soutien n’est pas tout à fait désintéressé puisqu’on apprend, au passage, que Ribes pourra répéter son "prochain spectacle avec Isabelle Carré au 104 » !
Ribes est en réalité un professionnel de la subvention, d’où qu’elle vienne. Son théâtre reçoit cette année 1.885.000 euros de la ville et … autant de l’Etat. Heureusement que Sarkozy ne regarde pas de ce côté-ci de la culture, pour reprendre les paroles de Ribes ! Mises bout à bout, ces sucreries dépassent les 40 euros par place vendue. Petit veinard, aucune disette ne le menace, lui. Ces subsides ont encore augmenté de plus de 7 % cette année. S'y ajoute environ 70.000 euros pour remplacer des monte-décors et des strapontins. Le succès est donc tel qu'il n'y a plus de fauteuil ? Largement, en tous cas, de quoi sauver Mouffetard ou Montfort.
Au passage, Delanopolis pose une question à la cantonade. Quelqu’un sait-il combien est rémunéré Ribes pour ses fonctions de directeur de théâtre ? Et y ajoute-t-il quelque chose pour les piécettes qu’il met en scène dans son propre établissement ? La réponse mériterait d’être donnée aux Parisiens. Sinon, il faudra la trouver par soi-même. Mon Dieu quelle époque …
Le plus triste, dans toute cette histoire, c’est de penser que Ribes fit ses premiers pas à l’ombre de l’artiste talentueux, fertile et indépendant d’esprit que fut Roland Topor. Il nous manque bien, celui-là. O tempora, O mores …