Rien de nouveau sous les oreilles
« Je dis ce que je fais, je fais ce que je dis » ; « L’Etat en veut à la ville de Paris » ; « Je relance l’investissement qui n’a jamais atteint un tel niveau », « Solidaire, je suis solidaire », etc., etc. On connaît les scies de la chanson municipale, fredonnée avec constance, parfois chantée à tue-tête depuis plus de dix ans.
Cette année, la sérénade a été susurrée mezza voce.
On a même eu, dans le grand air du troisième acte : « Ah ! Infâme Etat, trucideur des finances parisiennes », une étonnante série de couacs et de canards dans la chorale municipale entamée par l’étonnante ritournelle : « Les sous que le méchant François F. m’avait pris, je t’en fais cadeau mon bon François H. » entonnée par Delanoë lui-même le jour où il n’est pas devenu ministre.
Même si on connaît la chanson, il vaut la peine de détecter quelques rossignols dans le budget supplémentaire récemment présenté par la ville.
Relevons d’abord que ce document est particulièrement étique (sans h) et symptomatique de la gestion Delanoë :
1- L’information donnée aux conseillers de Paris ne tient même pas sur un pass Navigo mais sur un ticket de métro : les 222M€ de recettes de fonctionnement supplémentaires sont décrits (on devrait écrire expédiés) en un tableau et deux pages ; idem pour les dépenses. Ce budget est tellement transparent que bientôt on ne le verra même plus !!!
Cette absence de précision, on n’ose écrire cette opacité, est bien dommage car on en est réduit aux conjectures. Pour ne prendre que deux exemples :
- "Le monde" vient de nous apprendre ( voir notre autre article cette semaine sur la ténébreuse Flam ) qu’une fois de plus la ville de Paris a été condamnée à verser des indemnités à une entreprise indûment écartée d’un marché. La douloureuse pour le contribuable est quand même de plus d’un demi million d’euros (pour cette seule affaire car la ville a déjà été condamnée pour les contentieux antérieurs à payer quelque 2M€ à l’entreprise lésée !). Cette somme a-t-elle été inscrite au budget? Comment sera-t-elle payée ? Quand? La transparence, ce n’est pas se proclamer vertueux ; c’est donner les informations minimales aux élus parisiens et, au-delà, aux citoyens qui essaient (difficilement) de lire les documents budgétaires.
- Le rapport de présentation du budget a des allures de "Da Vinci code" qu’il faut décrypter. Prenons au hasard (p25 du rapport) la phrase « Vélib : +2,4M€, essentiellement pour le paiement de l’intéressement ». Comment la comprendre, quand on se souvient qu’il n’y a pas si longtemps, la mairie a fait voter un avenant pour minorer les indemnités théoriquement dues par J.C. Decaux ? Quelle est la part exacte de l’intéressement dans ce complément de dépenses? A quoi correspond le solde ? Combien Velib' coûte-t-il réellement alors que la communication municipale prétend que cela rapporte au budget ?
2 - Delanoë s’obstine à faire prendre des vessies pour des lanternes. Il clame ainsi : « Le budget d’investissement, dont le montant est le plus élevé jamais inscrit par la collectivité parisienne. (…) La mise en œuvre du programme d’investissement sur lequel s’est engagée la collectivité parisienne se poursuit avec une enveloppe de crédits de paiement inscrite au budget primitif 2012 historiquement élevée de 1 694 M€.
Or, au budget primitif, le niveau d’autorisations de programme nouvelles ( qui sont les investissements de demain) était particulièrement bas : 969M€. En mars dernier, en toute discrétion, 606M€ ont été annulés dont 160M€ pour le compte foncier qui porte sur le financement du logement social. Le réel disponible était donc de 363 M€. Avec les 172M€ de ce budget supplémentaire, les autorisations réelles sont de 535M€. Prétendre que l’effort d’investissement n’a jamais été si élevé est donc une vaste plaisanterie à destination des gogos des médias.
Comme à l’accoutumée, Delanoë se pose en modèle de rigueur gestionnaire, affectant quasiment tous les crédits supplémentaires à la solidarité. Quand on regarde le détail des inscriptions, on constate qu’il y a loin des affirmations péremptoires à la réalité des chiffres (et on comprend mieux pourquoi les explications sont si peu détaillées). En effet, que disent les chiffres?
1- Qu’au budget primitif 2012, la priorité proclamée aux dépenses sociales ne s’est pas traduite dans les faits. Petit rappel : la subvention au centre d’action sociale est passée de 225,6 M€ en 2001 à 316,5M€, soit une mirifique augmentation de 91 M€ en douze ans !... et les dépenses d’aide sociale légale de 461,8 M€ en 2001 à 612,7M€ prévus pour 2012… +150M€ en douze ans. Au budget supplémentaire, ce sont 6M€ au CAS et 57,2M€ au département qui sont rajoutés, soit un complément de 63,2M€. Bref, à peine l'inflation.
2- Qu’au budget primitif 2012, les augmentations sont concentrées sur quelques postes, dont d’ailleurs la mairie ne se félicite pas toujours dans ses documents budgétaires. L’exemple le plus frappant est celui de l’aide sociale à l’enfance, dont on apprend qu’elle progresse en raison de l’aide aux mineurs étrangers isolés (MIE). Citation : « Les dotations s’élèvent à 311,45 M€ contre 286,99 M€ en 2011, soit une progression de 8,5 %. Cette forte hausse des dépenses d’aide sociale à l’enfance est très largement liée au nombre grandissant de mineurs isolés étrangers (MIE) pris en charge. Paris et la Seine-Saint-Denis concentrent la quasi-totalité des MIE en France. ». Ainsi, loin des discours grandiloquents sur la solidarité, la principale hausse du budget d’aide sociale est subie et on a l’impression, comme l'an dernier, que les rédacteurs de ce passage regrettent que Paris et la Seine Saint Denis supportent seuls cette charge…
Et au budget supplémentaire, d’où vient l’augmentation de 57,2M€ pour le département ? Elle vient pour 40M€ à nouveau de l’accueil des mineurs étrangers isolés. En fait de solidarité, il s’agit ni plus ni moins que l’application obligée des textes légaux sur l’accueil d’une population en très forte croissance.
3- Les contorsions sur le méchant État.
On n’aura pas la cruauté de gloser sur la volatilisation de la dette de l’Etat en une décade de mai, entre l’élection de M. Hollande et sa visite à l’Hôtel de Ville, le jour de la formation du gouvernement Ayrault.
On ne prendra pas la peine de rappeler combien, avec les recettes transférées au titre des transferts de compétence, c’est à dire particulièrement les droits de mutation, on constate que Paris est gagnante dans les relations avec l’Etat.
On pourra même donner acte à Delanoë que, par rapport aux recettes réelles de 2011 (supérieures, par parenthèse, de plus 22M€ à ce qui était inscrit dans les budgets parisiens…), les prévisions actuelles sont en diminution. Ainsi, avec Ayrault, les concours de l'Etat passeront de 1 365 212 547euros 1 328 853 607 soit une baisse de -2,7 % Curieusement, on n'entend plus les protestations véhémentes de la mairie ...
Pourtant on pourrait comprendre que, contrairement à ce qui se faisait sous le précédent gouvernement (rappelons qu’entre 2007 et 2012, les concours de l’Etat étaient passées de 1,25milliard d’euros à 1,36 mds €, soit +100M€ ), la municipalité soit inquiète des coupes que le gouvernement Ayrault va pratiquer, au nom de la solidarité, bien sûr.
La vraie question est la suivante : en combien d’années (une ou deux) le gouvernement Ayrault annulera-t-il les hausses de concours de l’Etat accordés par le gouvernement Fillon?
Mais le meilleur est évidemment pour la fin : la méchante réforme de la taxe professionnelle voulue par l'affreux Sarkozy et qui devait évidemment être très néfaste pour les finances de Paris… va rapporter encore plus que prévu : 13,7M€ à la ville et 24,8M€ au département, soit 38,5M€ !!!
Là encore, Delanoë a du souci à se faire : dans un rapport rendu public le 26 juin dernier, le Sénat a regretté que cette réforme ait favorisé certaines collectivités et notamment le fait que « malgré le dispositif d’écrêtement des gains résultant de la réforme de la taxe professionnelle, les collectivités dont les ressources après réforme auraient excédé leurs ressources avant réforme sont bien les vraies gagnantes du nouveau système fiscal mis en place » (rapport Guéné p83).
« Des vraies gagnantes qui, malgré le dispositif d’écrêtement voient leurs ressources de CVAE augmenter »…une ville de Paris qui touche 38,5M€ de plus que prévu… Hum hum : ça sent la péréquation renforcée !
Avec tout ça, on peut facilement le prévoir, la mairie bientôt ramonée va vite regretter le temps béni du méchant gouvernement précédent et pourrait bien chanter avec amertume "Ramona", suave complainte sur le cocufiage du temps de nos grands-mères. Ramona, j´ai fait un rêve merveilleux ...
A redécouvrir ICI .
Cette année, la sérénade a été susurrée mezza voce.
On a même eu, dans le grand air du troisième acte : « Ah ! Infâme Etat, trucideur des finances parisiennes », une étonnante série de couacs et de canards dans la chorale municipale entamée par l’étonnante ritournelle : « Les sous que le méchant François F. m’avait pris, je t’en fais cadeau mon bon François H. » entonnée par Delanoë lui-même le jour où il n’est pas devenu ministre.
Même si on connaît la chanson, il vaut la peine de détecter quelques rossignols dans le budget supplémentaire récemment présenté par la ville.
Relevons d’abord que ce document est particulièrement étique (sans h) et symptomatique de la gestion Delanoë :
1- L’information donnée aux conseillers de Paris ne tient même pas sur un pass Navigo mais sur un ticket de métro : les 222M€ de recettes de fonctionnement supplémentaires sont décrits (on devrait écrire expédiés) en un tableau et deux pages ; idem pour les dépenses. Ce budget est tellement transparent que bientôt on ne le verra même plus !!!
Cette absence de précision, on n’ose écrire cette opacité, est bien dommage car on en est réduit aux conjectures. Pour ne prendre que deux exemples :
- "Le monde" vient de nous apprendre ( voir notre autre article cette semaine sur la ténébreuse Flam ) qu’une fois de plus la ville de Paris a été condamnée à verser des indemnités à une entreprise indûment écartée d’un marché. La douloureuse pour le contribuable est quand même de plus d’un demi million d’euros (pour cette seule affaire car la ville a déjà été condamnée pour les contentieux antérieurs à payer quelque 2M€ à l’entreprise lésée !). Cette somme a-t-elle été inscrite au budget? Comment sera-t-elle payée ? Quand? La transparence, ce n’est pas se proclamer vertueux ; c’est donner les informations minimales aux élus parisiens et, au-delà, aux citoyens qui essaient (difficilement) de lire les documents budgétaires.
- Le rapport de présentation du budget a des allures de "Da Vinci code" qu’il faut décrypter. Prenons au hasard (p25 du rapport) la phrase « Vélib : +2,4M€, essentiellement pour le paiement de l’intéressement ». Comment la comprendre, quand on se souvient qu’il n’y a pas si longtemps, la mairie a fait voter un avenant pour minorer les indemnités théoriquement dues par J.C. Decaux ? Quelle est la part exacte de l’intéressement dans ce complément de dépenses? A quoi correspond le solde ? Combien Velib' coûte-t-il réellement alors que la communication municipale prétend que cela rapporte au budget ?
2 - Delanoë s’obstine à faire prendre des vessies pour des lanternes. Il clame ainsi : « Le budget d’investissement, dont le montant est le plus élevé jamais inscrit par la collectivité parisienne. (…) La mise en œuvre du programme d’investissement sur lequel s’est engagée la collectivité parisienne se poursuit avec une enveloppe de crédits de paiement inscrite au budget primitif 2012 historiquement élevée de 1 694 M€.
Or, au budget primitif, le niveau d’autorisations de programme nouvelles ( qui sont les investissements de demain) était particulièrement bas : 969M€. En mars dernier, en toute discrétion, 606M€ ont été annulés dont 160M€ pour le compte foncier qui porte sur le financement du logement social. Le réel disponible était donc de 363 M€. Avec les 172M€ de ce budget supplémentaire, les autorisations réelles sont de 535M€. Prétendre que l’effort d’investissement n’a jamais été si élevé est donc une vaste plaisanterie à destination des gogos des médias.
Comme à l’accoutumée, Delanoë se pose en modèle de rigueur gestionnaire, affectant quasiment tous les crédits supplémentaires à la solidarité. Quand on regarde le détail des inscriptions, on constate qu’il y a loin des affirmations péremptoires à la réalité des chiffres (et on comprend mieux pourquoi les explications sont si peu détaillées). En effet, que disent les chiffres?
1- Qu’au budget primitif 2012, la priorité proclamée aux dépenses sociales ne s’est pas traduite dans les faits. Petit rappel : la subvention au centre d’action sociale est passée de 225,6 M€ en 2001 à 316,5M€, soit une mirifique augmentation de 91 M€ en douze ans !... et les dépenses d’aide sociale légale de 461,8 M€ en 2001 à 612,7M€ prévus pour 2012… +150M€ en douze ans. Au budget supplémentaire, ce sont 6M€ au CAS et 57,2M€ au département qui sont rajoutés, soit un complément de 63,2M€. Bref, à peine l'inflation.
2- Qu’au budget primitif 2012, les augmentations sont concentrées sur quelques postes, dont d’ailleurs la mairie ne se félicite pas toujours dans ses documents budgétaires. L’exemple le plus frappant est celui de l’aide sociale à l’enfance, dont on apprend qu’elle progresse en raison de l’aide aux mineurs étrangers isolés (MIE). Citation : « Les dotations s’élèvent à 311,45 M€ contre 286,99 M€ en 2011, soit une progression de 8,5 %. Cette forte hausse des dépenses d’aide sociale à l’enfance est très largement liée au nombre grandissant de mineurs isolés étrangers (MIE) pris en charge. Paris et la Seine-Saint-Denis concentrent la quasi-totalité des MIE en France. ». Ainsi, loin des discours grandiloquents sur la solidarité, la principale hausse du budget d’aide sociale est subie et on a l’impression, comme l'an dernier, que les rédacteurs de ce passage regrettent que Paris et la Seine Saint Denis supportent seuls cette charge…
Et au budget supplémentaire, d’où vient l’augmentation de 57,2M€ pour le département ? Elle vient pour 40M€ à nouveau de l’accueil des mineurs étrangers isolés. En fait de solidarité, il s’agit ni plus ni moins que l’application obligée des textes légaux sur l’accueil d’une population en très forte croissance.
3- Les contorsions sur le méchant État.
On n’aura pas la cruauté de gloser sur la volatilisation de la dette de l’Etat en une décade de mai, entre l’élection de M. Hollande et sa visite à l’Hôtel de Ville, le jour de la formation du gouvernement Ayrault.
On ne prendra pas la peine de rappeler combien, avec les recettes transférées au titre des transferts de compétence, c’est à dire particulièrement les droits de mutation, on constate que Paris est gagnante dans les relations avec l’Etat.
On pourra même donner acte à Delanoë que, par rapport aux recettes réelles de 2011 (supérieures, par parenthèse, de plus 22M€ à ce qui était inscrit dans les budgets parisiens…), les prévisions actuelles sont en diminution. Ainsi, avec Ayrault, les concours de l'Etat passeront de 1 365 212 547euros 1 328 853 607 soit une baisse de -2,7 % Curieusement, on n'entend plus les protestations véhémentes de la mairie ...
Pourtant on pourrait comprendre que, contrairement à ce qui se faisait sous le précédent gouvernement (rappelons qu’entre 2007 et 2012, les concours de l’Etat étaient passées de 1,25milliard d’euros à 1,36 mds €, soit +100M€ ), la municipalité soit inquiète des coupes que le gouvernement Ayrault va pratiquer, au nom de la solidarité, bien sûr.
La vraie question est la suivante : en combien d’années (une ou deux) le gouvernement Ayrault annulera-t-il les hausses de concours de l’Etat accordés par le gouvernement Fillon?
Mais le meilleur est évidemment pour la fin : la méchante réforme de la taxe professionnelle voulue par l'affreux Sarkozy et qui devait évidemment être très néfaste pour les finances de Paris… va rapporter encore plus que prévu : 13,7M€ à la ville et 24,8M€ au département, soit 38,5M€ !!!
Là encore, Delanoë a du souci à se faire : dans un rapport rendu public le 26 juin dernier, le Sénat a regretté que cette réforme ait favorisé certaines collectivités et notamment le fait que « malgré le dispositif d’écrêtement des gains résultant de la réforme de la taxe professionnelle, les collectivités dont les ressources après réforme auraient excédé leurs ressources avant réforme sont bien les vraies gagnantes du nouveau système fiscal mis en place » (rapport Guéné p83).
« Des vraies gagnantes qui, malgré le dispositif d’écrêtement voient leurs ressources de CVAE augmenter »…une ville de Paris qui touche 38,5M€ de plus que prévu… Hum hum : ça sent la péréquation renforcée !
Avec tout ça, on peut facilement le prévoir, la mairie bientôt ramonée va vite regretter le temps béni du méchant gouvernement précédent et pourrait bien chanter avec amertume "Ramona", suave complainte sur le cocufiage du temps de nos grands-mères. Ramona, j´ai fait un rêve merveilleux ...
A redécouvrir ICI .