Delanoë a envoyé, la semaine dernière, une lettre à la ministre du logement, Christine Boutin, pour l’alerter sur la situation des sans abris à Paris et solliciter un rendez-vous en compagnie de Rémi Féraud, maire du Xème arrondissement. Comme à son habitude, ce courrier, aussitôt mis en ligne sur le site internet de la ville et diffusé à tous les organes de presse, consiste à vanter son action tout en dénigrant celle de l’Etat, avec ce soupçon de bonne conscience et de fausse ingénuité qui caractérise les productions idéologiques de cette agence de communication qu'est devenue la mairie.
Pourtant, une fois encore, Delanoë serait mieux inspiré de balayer devant son parvis.
De quoi s’agit-il ? D'un amalgame entre la situation des SDF en général et celle des immigrés clandestins en particulier. Et, si le maire agit ainsi, c’est parce que, sur ce dernier sujet, il joue au pleureur pyromane.
Après avoir évoqué la situation de l’hébergement d’urgence et donné quelques chiffres sur le nombre de places créées par la ville (1000 en 7 ans, affirme-t-il, ce qui soit dit en passant n’est pas énorme), Delanoë en vient au cœur réel de ses préoccupations : la sorte de mini Sangatte qui est en train de se constituer dans le 10ème arrondissement, où des migrants illégaux désireux de se rendre en Angleterre et n’y parvenant pas ou ne cherchant d’ailleurs plus à y aller, s’installent pour des périodes de plus en plus longues près des gares du Nord et de l’Est.
Leurs principaux points de sédentarisation sont les squares Alban Satragne et Villemin, où des groupes de centaines de personnes ont été observés par moment, ce qui incommode de plus en plus les riverains, lesquels se plaignent à Féraud. Bonne conscience et grands principes n’ayant qu’un temps, ces édiles cherchent donc à repasser le mistigri à l’Etat. Cette triste situation, sait-on jamais, pourrait finir par agacer des électeurs qui risquent même - horresco referens - de leur en vouloir.
Le problème est que ces quémandeurs municipaux sont largement à l’origine de la situation qui les émeut tant aujourd’hui. Certes, ils n’ont pas inventé l’immigration clandestine ni l’attrait inexplicable du prolétariat mondial pour des terres où règne le néo-libéralisme. Mais ils ont mis en place une sorte de pompe aspirante qui contribue à drainer ceux qui les embarrassent tant aujourd’hui.
En matière d’immigration, les exemples des effets quasi-immédiats des signaux lancés par les pouvoirs publics quand ils adoptent une attitude plus souple sont légions. Qu’il se dise que, dans tel ou tel pays, les autorités sont plus accommodantes et, aussitôt, le nombre de clandestins augmente. On se souvient des images d’immigrants semblant surgir de nulle part ou arrivant par bateaux entiers lorsque la France, l’Italie ou l’Espagne entrouvrirent leurs frontières ces dernières décennies. Depuis plusieurs années en France, la politique gouvernementale est plus répressive, ce qui n’a pas manqué d’indigner les militants prônant le soutien aux sans-papiers.
La municipalité parisienne s’est associée très ostensiblement à leur combat. Sur le fronton de la mairie du Xème arrondissement, une banderole (encore une !) proclame depuis des années la solidarité des élus locaux avec les sans-papiers. Des séances de "parrainages républicains" ont été officiellement organisées. A plusieurs reprises, Véronique Dubarry, adjointe « verte » de Delanoë et conseillère du Xème, s’est opposée aux actions de la police pour évacuer les personnes qui se sont installées dans les squares susmentionnés. Les services de propreté de la mairie ne touchent jamais aux installations de fortune qui s’y trouvent. Les aménagements de la voirie favorisent d’ailleurs ces regroupements, notamment près de l’ancien hôpital Saint Lazare. Les associations qui aident les clandestins sont elles-mêmes aidées par la ville. Un collectif de soutien aux « exilés » s’est monté et les conseils de quartiers se sont impliqués. La mairie verse aussi des sommes importantes pour l’hébergement dans des hôtels dits de famille (qu’on disait autrefois de préfecture). Et ce, quand bien même ces établissements sont souvent dans des états très dégradés et justifieraient de mesures de fermeture administrative pour les risques qu’ils font courir à leurs occupants.
Dans ces conditions, il n’y a aucune raison de s’étonner que le problème de l’installation des sans-papiers se focalise à Paris et précisément dans ces quartiers. C’est la stricte conséquence de l’effet d’appel et même d’aimantation d’une politique soi-disant généreuse qui sert de marqueur idéologique à une « gauche » qui ne sait plus où elle en est sur la plupart des grands sujets de société. Quand on n’est plus d’accord sur rien, que certains se prétendent libéraux, que d’autres répugnent à ce terme, que les uns considèrent la Banque centrale européenne comme une vache sacrée, que d’autres voudraient lui faire rendre gorge, que tel souhaite augmenter les droits de douane, que tel autre proclame son attachement au libre-échange, que les uns sont pour un régime présidentiel et les autres pour un régime parlementaire, que celui-ci veut la fermeture des centrales nucléaires et celui-là leur développement, et que, finalement, le socialisme finit en plages urbaines et en vélos en libre-service, reste la délicieuse sensation de résister en volant au secours des clandestins.
Mais l’inconfortable réel finit toujours par frapper à la porte de la commode idéologie. Ces bonnes âmes courent alors pleurer au ministère et publient des lettres et des communiqués sans jamais mentionner leurs banderoles, leurs manifestations, leur face-à-face glorieux avec le commissaire du coin, leurs chaînes de solidarité et autres consignes municipales pour ne pas appliquer la loi. Ils ne sont d’ailleurs qu’au début de leurs émotions : le sévère ralentissement économique en Espagne et en Angleterre aura forcément des conséquences sur la « montée » de clandestins vers la France.
Christine Boutin sera vraiment bien aimable de recevoir messieurs Delanoë et Féraud. Face à eux, en tous cas, tout sentiment de culpabilité est superflu.
Pourtant, une fois encore, Delanoë serait mieux inspiré de balayer devant son parvis.
De quoi s’agit-il ? D'un amalgame entre la situation des SDF en général et celle des immigrés clandestins en particulier. Et, si le maire agit ainsi, c’est parce que, sur ce dernier sujet, il joue au pleureur pyromane.
Après avoir évoqué la situation de l’hébergement d’urgence et donné quelques chiffres sur le nombre de places créées par la ville (1000 en 7 ans, affirme-t-il, ce qui soit dit en passant n’est pas énorme), Delanoë en vient au cœur réel de ses préoccupations : la sorte de mini Sangatte qui est en train de se constituer dans le 10ème arrondissement, où des migrants illégaux désireux de se rendre en Angleterre et n’y parvenant pas ou ne cherchant d’ailleurs plus à y aller, s’installent pour des périodes de plus en plus longues près des gares du Nord et de l’Est.
Leurs principaux points de sédentarisation sont les squares Alban Satragne et Villemin, où des groupes de centaines de personnes ont été observés par moment, ce qui incommode de plus en plus les riverains, lesquels se plaignent à Féraud. Bonne conscience et grands principes n’ayant qu’un temps, ces édiles cherchent donc à repasser le mistigri à l’Etat. Cette triste situation, sait-on jamais, pourrait finir par agacer des électeurs qui risquent même - horresco referens - de leur en vouloir.
Le problème est que ces quémandeurs municipaux sont largement à l’origine de la situation qui les émeut tant aujourd’hui. Certes, ils n’ont pas inventé l’immigration clandestine ni l’attrait inexplicable du prolétariat mondial pour des terres où règne le néo-libéralisme. Mais ils ont mis en place une sorte de pompe aspirante qui contribue à drainer ceux qui les embarrassent tant aujourd’hui.
En matière d’immigration, les exemples des effets quasi-immédiats des signaux lancés par les pouvoirs publics quand ils adoptent une attitude plus souple sont légions. Qu’il se dise que, dans tel ou tel pays, les autorités sont plus accommodantes et, aussitôt, le nombre de clandestins augmente. On se souvient des images d’immigrants semblant surgir de nulle part ou arrivant par bateaux entiers lorsque la France, l’Italie ou l’Espagne entrouvrirent leurs frontières ces dernières décennies. Depuis plusieurs années en France, la politique gouvernementale est plus répressive, ce qui n’a pas manqué d’indigner les militants prônant le soutien aux sans-papiers.
La municipalité parisienne s’est associée très ostensiblement à leur combat. Sur le fronton de la mairie du Xème arrondissement, une banderole (encore une !) proclame depuis des années la solidarité des élus locaux avec les sans-papiers. Des séances de "parrainages républicains" ont été officiellement organisées. A plusieurs reprises, Véronique Dubarry, adjointe « verte » de Delanoë et conseillère du Xème, s’est opposée aux actions de la police pour évacuer les personnes qui se sont installées dans les squares susmentionnés. Les services de propreté de la mairie ne touchent jamais aux installations de fortune qui s’y trouvent. Les aménagements de la voirie favorisent d’ailleurs ces regroupements, notamment près de l’ancien hôpital Saint Lazare. Les associations qui aident les clandestins sont elles-mêmes aidées par la ville. Un collectif de soutien aux « exilés » s’est monté et les conseils de quartiers se sont impliqués. La mairie verse aussi des sommes importantes pour l’hébergement dans des hôtels dits de famille (qu’on disait autrefois de préfecture). Et ce, quand bien même ces établissements sont souvent dans des états très dégradés et justifieraient de mesures de fermeture administrative pour les risques qu’ils font courir à leurs occupants.
Dans ces conditions, il n’y a aucune raison de s’étonner que le problème de l’installation des sans-papiers se focalise à Paris et précisément dans ces quartiers. C’est la stricte conséquence de l’effet d’appel et même d’aimantation d’une politique soi-disant généreuse qui sert de marqueur idéologique à une « gauche » qui ne sait plus où elle en est sur la plupart des grands sujets de société. Quand on n’est plus d’accord sur rien, que certains se prétendent libéraux, que d’autres répugnent à ce terme, que les uns considèrent la Banque centrale européenne comme une vache sacrée, que d’autres voudraient lui faire rendre gorge, que tel souhaite augmenter les droits de douane, que tel autre proclame son attachement au libre-échange, que les uns sont pour un régime présidentiel et les autres pour un régime parlementaire, que celui-ci veut la fermeture des centrales nucléaires et celui-là leur développement, et que, finalement, le socialisme finit en plages urbaines et en vélos en libre-service, reste la délicieuse sensation de résister en volant au secours des clandestins.
Mais l’inconfortable réel finit toujours par frapper à la porte de la commode idéologie. Ces bonnes âmes courent alors pleurer au ministère et publient des lettres et des communiqués sans jamais mentionner leurs banderoles, leurs manifestations, leur face-à-face glorieux avec le commissaire du coin, leurs chaînes de solidarité et autres consignes municipales pour ne pas appliquer la loi. Ils ne sont d’ailleurs qu’au début de leurs émotions : le sévère ralentissement économique en Espagne et en Angleterre aura forcément des conséquences sur la « montée » de clandestins vers la France.
Christine Boutin sera vraiment bien aimable de recevoir messieurs Delanoë et Féraud. Face à eux, en tous cas, tout sentiment de culpabilité est superflu.