Le président empêché règle ses comptes et toute la presse se gausse : François Hollande voit des responsables à son échec politique partout sans jamais s’interroger sur ses propres erreurs. Les frondeurs et Macron en prennent notamment pour leur grade au terme de rabâchages peu convaincants.
Remontons le temps.
Ce n’est pas tant Macron qui fit obstacle à François Hollande que Manuel Valls, quand il décida de franchir le Rubicon parisien qui sépare Matignon de l’Elysée et qu’on appelle la Seine. Le fait que François Hollande ait accepté l’idée de concourir à des « primaires » à gauche fut la cause directe de tous ses déboires : le ridicule de devoir affronter son Premier ministre lors de cette phase de qualification était de nature à refroidir plus vaillant que lui.
Et c’est précisément de vaillance dont Hollande manqua le plus. Il lui fallait forcer à nouveau le destin, affronter les moqueries, se séparer de tous ceux qui le menaçaient dans son gouvernement, au sein ou autour du parti socialiste et assumer le risque de la déflagration.
Il fallait également qu’Hollande écarte son entourage, notamment la camarilla d’énarques, au premier rang desquels figurait son vieil ami et secrétaire général de l’Elysée Jean-Pierre Jouyet, qui lui dirent et redirent qu’il était cuit. Ils surent le convaincre qu’il devait céder la place au modèle dernier cri mis en rayon par l’oligarchie : Macron, le chouchou des patrons du CAC 40 et de la presse.
Hollande leur céda et Jouyet fut rapidement remercié par Macron qui lui accorda le beau poste d’ambassadeur à Londres. En fait de pré-retraite, beaucoup s’en satisferaient.
Il est probable que François Hollande a regretté son discours de renoncement dans les jours mêmes qui ont suivi sa lugubre intervention de décembre 2016.
Comme pour accentuer les remords de l’ancien président, peu de temps après éclatait le « Penelopegate », minable histoire de petits profits où François Fillon fut déchiré par une meute qui n’avait besoin que d’aboiements pour se regrouper. Le révélation opportune et tardive de ces tripatouillages relève certes d’une forme de complot. Pourquoi les arrangements douteux de Fillon avec sa famille n’avaient-ils pas été révélés auparavant ? Fillon devint la balle d’un jeu de ping-pong entre la presse et le Parquet national financier. On imagine François Hollande se désolant de ne pouvoir bénéficier des convulsions du candidat de la droite.
C’est donc de cran et d’opiniâtreté dont Hollande manqua le plus. Comme jadis, quand sa quasi ex-compagne, Ségolène Royal, lui brûla la politesse pour se déclarer candidate à l’élection de 2007. Ou comme en 2005, quand Laurent Fabius bafoua son autorité de premier secrétaire du PS au moment du referendum européen. 2017 retissa ces vieux fils, montrant que 2012 n’avait été qu’un accident de l’Histoire et François Hollande un président de circonstance.
On comprend du reste qu’en fait de concours de circonstances l’élection d’Emmanuel Macron, indépendamment des soutiens ploutocratiques qui l’ont fait roi, est de nature à achever de donner des regrets à François Hollande. Il peut légitimement se dire qu’avec un tout petit peu plus de détermination, la chance lui aurait peut-être souri une deuxième fois. Comme il est dur de n’avoir pas su croire en soi-même jusqu’au bout !
Reste le débat sur le bilan de son mandat de président dont François Hollande tente de nous convaincre qu’il a été mésestimé. C’est là, plus encore que dans la narration des intrigues et trahisons réelles ou supposées de ses ministres et dignitaires, que François Hollande est le moins convaincant.
Son choix principal a en réalité consisté à attendre que la reprise mondiale, qualifiée d’alignement des planètes, redonne à la France un peu de grain à moudre. En attendant, François Hollande se borna à ponctionner fiscalement et socialement ceux qui n’avaient pas voté pour lui, singulièrement les familles nombreuses de la classe moyenne. Mais la reprise fut trop molle et trop tardive, du fait d’une surévaluation persistante de l’euro et des pesanteurs de la dépense publique.
C’est donc une absence à peu près complète de courage réformateur qui caractérise son bilan. Et elle est bien dans la logique de sa défaillance personnelle quand il s’est agi d’assumer ses choix.
François Hollande peut vraiment se mordre les doigts en constatant, furieux, que son successeur ne fait guère mieux que lui : il multiplie les réformettes et espère que les planètes ne se « désaligneront » pas. Mais les mêmes causes produisent les mêmes effets. Que François Hollande prenne donc son mal en patience ; dans quelque temps Emmanuel Macron lui ressemblera comme deux gouttes d’eau. Jamais Brutus ne survit longtemps à César, toutes proportions historiques gardées s'entend.