Les Gentils Organisateurs de l'Hôtel de ville ont choisi le plein coeur de l'été, à la césure des mois de juillet et d'août, pour annoncer mezzo voce ce qui devrait provoquer un scandale dans toute ville démocratiquement gérée. Ni plus ni moins qu'un cadeau de plusieurs centaines de millions d'euros à un groupe privé, Unibail-Rodamco, sous la forme d'un simple permis de construire.
Pour le comprendre, il faut d'abord dissiper l'écran de fumée dressé par la mairie sur la question des tours. Ne nous attardons pas, en effet, sur les bâtiments de logements sociaux de 50 mètres de haut. La mairie n'est pas près de convaincre de l'utilité de ce type d'habitat qui, dans le monde entier, concentre les problèmes. D'ailleurs, elle le sait. Les gains politiques à en attendre : empiler quelques électeurs, ne seraient vraisemblablement pas supérieurs aux dégâts provoqués dans l'opinion parisienne par cette idée saugrenue. Les intentions de Delanoë sont largement simulées et aucun site précis ou aucun projet concret n'est suggéré pour les implanter, même du bout des lèvres.
Evacuons aussi cinq des six sites où la mairie parle de gestes architecturaux et de tours d'activités. Il s'agit pour l'heure d'une pure opération de communication car la ville n'est pas propriétaire des terrains mentionnés. Leur détenteur, Réseaux Ferrés de France généralement, n'a pas de volonté particulière d'y construire des tours. De plus, il faut obtenir un agrément de l'Etat pour ériger de tels bâtiments à usage de bureaux. La chose n'est pas gagnée vu la situation actuelle de sur-offre en région parisienne.
En réalité, le seul site où un propriétaire est à la fois désireux de construire une tour depuis des années, a un intérêt évident à le faire et les moyens de se lancer rapidement dans l'opération est celui du Parc des expositions de la porte de Versailles. Et qui est ce fameux propriétaire? Bingo! Vous avez gagné. Le groupe Unibail, via sa filiale Paris Expo, devenue il y a quelques mois Vipari.
Examinons attentivement ce dossier car il va faire parler de lui.
D'abord, le calendrier et la méthode de l'annonce fleurent bon le coup monté. Le 29 juillet, Anne Hidalgo, fait paraître dans "Libération", une tribune pour vanter les tours. Deux semaines après le débat au conseil de Paris, le retard dans le tempo est étonnant.
Le lendemain, tout s'éclaire, on apprend par le Nouvel Ob.fr qu'un projet du groupe Unibail consiste à dresser un bâtiment de 180 mètres de haut qui serait confié aux architectes Herzog et De Meuron. On évoque même un emplacement très précis : l'avenue Ernest Renan, entre Périph' et Maréchaux. Deux jours après, nouvelles "indiscrétions" de cet organe semi-officiel du delanoisme : il s'agit naturellement d'un hôtel de luxe, d'un nouveau Palais des congrès et de bureaux, mais ils seront accompagnés d'un colifichet pour faire bonne mesure, un "musée des langages du monde" censé colorer l'ensemble d'une vague teinture d'intérêt général. La forme du bâtiment serait une sorte de pyramide renversée. Et l'on découvre aussi que des équipes planchent sur le contenu du bâtiment depuis des mois et que le projet pourrait être bouclé d'ici la fin de l'année !
Ces annonces savamment distillées par des médias amis au plus creux de l'été sont une manière d'introduire subrepticement l'idée puis de faire mine de s'étonner des réactions quand les choses seront avancées et plus concrètes. "Comment ? Vous n'étiez-pas au courant ? Mais lisez donc le Nouvel Obs, c'est décidé depuis des mois !"
Maintenant, posons une question simple et de bon sens : où diable est l'intérêt pour la ville d'autoriser pareille construction ? Lorsqu'elle est propriétaire du foncier, la ville peut créer une ZAC et percevoir des droits à construire en vendant des parcelles à des promoteurs, cessions qui servent à financer des équipements publics dans le cadre d'un bilan financier global. Ici, rien de tout cela. Unibail est propriétaire et empochera l'intégralité des bénéfices à attendre d'un bâtiment idéalement situé au coeur du parc d'exposition qu'il gère. Son hôtel, ultra-commode pour les exposants et les visiteurs, ne court aucun risque pour ce qui concerne son taux de remplissage, au contraire de ceux déjà situés en dehors du parc. Et ce d'autant plus qu'il serait le premier avant longtemps à être implanté dans une tour bâtie dans Paris intra muros. Un privilège inouï donc.
On comprend mieux le souci de faire diversion avec un pseudo équipement public qui servira d'alibi. Les programmistes d'Unibail ont dû se creuser les méninges pour trouver cet étrange concept de musée des langages qui, c'est sûr, n'attirera pas de foules bigarrées ou malvenues dans cette tour huppée.
On peut évaluer le nombre de mètres carrés utilisables commercialement dans un immeuble de cette taille à 80.000. A 1000 euros par an de loyer au mètre-carré, -le chiffre est raisonnable- les recettes d'une simple location seraient de 80 millions d'euros annuels. Sur un terrain enclavé qui aujourd'hui ne vaut pas grand chose, point n'est besoin d'être banquier pour imaginer la culbute ! Il se dit même que si Unibail obtient cette faveur au Parc des expositions, il renoncera au projet de tour "Phare" à la Défense, bien plus risqué financièrement.
Si la Ville n'a que peu à en attendre et qu'Unibail a beaucoup à en espérer, comment se fait-il donc que Delanoë envisage pareille amabilité?
Deux explications viennent immédiatement à l'esprit.
La première et la plus évidente, est que le maire, désespérément à la recherche de coups médiatiques pour se faire passer pour un grand bâtisseur (comme le sont les chefs d'Etat, suivez son regard), est prêt à sous-traiter l'affaire à un groupe privé pourvu qu'il lui fournisse fissa les images qu'il pourra utiliser dans sa campagne. C'est un peu la logique Vélib appliquée à l'architecture. Sauf qu'ici, à la différence de Vélib', les recettes vont toutes ou presque dans la poche du privé.
Une fois encore, Delanoë, ce n'est pas le social-libéralisme, c'est le capitalo-festivisme : au big business l'argent, aux hommes politiques la com'. L'abaissement du politique se poursuit ...
Une seconde explication se trouve à quelques kilomètres de là : aux Halles, où la ville est engluée dans un projet fumeux dont elle peine à sortir, la Canopée de Berger, qui risque de coûter plusieurs centaines de millions d'euros pour installer pour l'essentiel, comme équipement public, le conservatoire de musique du 1er arrondissement. Unibail, qui gère le forum commercial via une autre filiale, aurait les moyens de renvoyer l'ascenseur de la "tour des expositions", en contribuant un peu plus qu'il ne le pourrait aux dépenses communes. Il aurait d'autant plus grâce à le faire que Delanoë a déjà cédé à ses instances en enterrant, en 2004, le magnifique projet de l'architecte Rem Koolhaas qui risquait de dévier les utilisateurs du RER du chemin de ses boutiques.
Naturellement, si certains lecteurs ont d'autres explications possibles et d'autres informations à fournir pour expliquer la générosité delanoienne, qu'ils le fassent, nous manquons d'imagination pour les choses affreuses.
Reste une cerise à déguster sur le gâteau que se prépare Unibail : le consensus autour de son projet. Déjà, le Nouvel Obs semble forcer la main des intéressés en claironnant que tous les politiques parisiens sont d'accord, notamment les élus du 15 ème arrondissement. Si l'on creuse un peu le sujet, on comprend comment Unibail va tenter d'anesthésier les éventuels détracteurs. Il y a quelques mois, sa filiale Paris Expo a fusionné, dans une nouvelle société détenue à 50-50 "Vipari", avec celle de la Chambre de Commerce et d'industrie de Paris spécialisée elle-aussi dans la gestion de halls d'exposition.
On sait généralement comment finissent les joint-ventures où le capital est partagé par moitié entre public et privé. Le public, moins riche, libre de ses mouvements et dynamique que le privé, est vite absorbé. Unibail a toutes les chances de mettre rapidement la main sur l'ensemble. En attendant, le nouveau groupe bénéficie de la légitimité et de l'image de service public de la C.C.I.P.
La boucle est bouclée et c'est pour le bien de Paris, de son image et de sa prospérité que l'opération "Tour des expositions" va être vendue à l'opinion. Un véritable "management de progrès social" et une collaboration exemplaire pérorera Delanoë.
Mais Delanopolis sait, lui, se souvenir de quelques principes de base de l'économie libérale, la vraie. La nouvelle "Vipari" est désormais en situation de quasi monopole en Île-de-France et en position dominante dans d'autres régions. Si l'on ajoute à ce fait, l'appui et les privilèges accordés par la puissance publique, ici la ville de Paris et la C.C.I.P., on ne peut aboutir qu'à une chose : le détournement de l'intérêt général au bénéfice de l'intérêt particulier.
Etre authentiquement social-libéral devrait donc conduire à exiger que, en échange du permis de construire qui lui serait délivré et de l'avantage considérable qu'il représente, la filiale passe majoritairement sous contrôle public, au moins pour ce qui concerne l'exploitation du bâtiment envisagé, ou qu'une taxe spéciale soit exceptionnellement prélevée pour redonner à la collectivité le profit de monopole qui en sera tiré.
Nous verrons bien si cette idée prospère dans les mois qui viennent.
Et nous y reviendrons pour nos lecteurs qui, soit dit en passant, ont montré une belle fidélité cet été malgré la désertion de l'auteur qui leur a préféré les poissons. Merci à eux (aux lecteurs, pas aux poissons qui avaient plutôt tendance à fuir, on les comprend!).
Pour le comprendre, il faut d'abord dissiper l'écran de fumée dressé par la mairie sur la question des tours. Ne nous attardons pas, en effet, sur les bâtiments de logements sociaux de 50 mètres de haut. La mairie n'est pas près de convaincre de l'utilité de ce type d'habitat qui, dans le monde entier, concentre les problèmes. D'ailleurs, elle le sait. Les gains politiques à en attendre : empiler quelques électeurs, ne seraient vraisemblablement pas supérieurs aux dégâts provoqués dans l'opinion parisienne par cette idée saugrenue. Les intentions de Delanoë sont largement simulées et aucun site précis ou aucun projet concret n'est suggéré pour les implanter, même du bout des lèvres.
Evacuons aussi cinq des six sites où la mairie parle de gestes architecturaux et de tours d'activités. Il s'agit pour l'heure d'une pure opération de communication car la ville n'est pas propriétaire des terrains mentionnés. Leur détenteur, Réseaux Ferrés de France généralement, n'a pas de volonté particulière d'y construire des tours. De plus, il faut obtenir un agrément de l'Etat pour ériger de tels bâtiments à usage de bureaux. La chose n'est pas gagnée vu la situation actuelle de sur-offre en région parisienne.
En réalité, le seul site où un propriétaire est à la fois désireux de construire une tour depuis des années, a un intérêt évident à le faire et les moyens de se lancer rapidement dans l'opération est celui du Parc des expositions de la porte de Versailles. Et qui est ce fameux propriétaire? Bingo! Vous avez gagné. Le groupe Unibail, via sa filiale Paris Expo, devenue il y a quelques mois Vipari.
Examinons attentivement ce dossier car il va faire parler de lui.
D'abord, le calendrier et la méthode de l'annonce fleurent bon le coup monté. Le 29 juillet, Anne Hidalgo, fait paraître dans "Libération", une tribune pour vanter les tours. Deux semaines après le débat au conseil de Paris, le retard dans le tempo est étonnant.
Le lendemain, tout s'éclaire, on apprend par le Nouvel Ob.fr qu'un projet du groupe Unibail consiste à dresser un bâtiment de 180 mètres de haut qui serait confié aux architectes Herzog et De Meuron. On évoque même un emplacement très précis : l'avenue Ernest Renan, entre Périph' et Maréchaux. Deux jours après, nouvelles "indiscrétions" de cet organe semi-officiel du delanoisme : il s'agit naturellement d'un hôtel de luxe, d'un nouveau Palais des congrès et de bureaux, mais ils seront accompagnés d'un colifichet pour faire bonne mesure, un "musée des langages du monde" censé colorer l'ensemble d'une vague teinture d'intérêt général. La forme du bâtiment serait une sorte de pyramide renversée. Et l'on découvre aussi que des équipes planchent sur le contenu du bâtiment depuis des mois et que le projet pourrait être bouclé d'ici la fin de l'année !
Ces annonces savamment distillées par des médias amis au plus creux de l'été sont une manière d'introduire subrepticement l'idée puis de faire mine de s'étonner des réactions quand les choses seront avancées et plus concrètes. "Comment ? Vous n'étiez-pas au courant ? Mais lisez donc le Nouvel Obs, c'est décidé depuis des mois !"
Maintenant, posons une question simple et de bon sens : où diable est l'intérêt pour la ville d'autoriser pareille construction ? Lorsqu'elle est propriétaire du foncier, la ville peut créer une ZAC et percevoir des droits à construire en vendant des parcelles à des promoteurs, cessions qui servent à financer des équipements publics dans le cadre d'un bilan financier global. Ici, rien de tout cela. Unibail est propriétaire et empochera l'intégralité des bénéfices à attendre d'un bâtiment idéalement situé au coeur du parc d'exposition qu'il gère. Son hôtel, ultra-commode pour les exposants et les visiteurs, ne court aucun risque pour ce qui concerne son taux de remplissage, au contraire de ceux déjà situés en dehors du parc. Et ce d'autant plus qu'il serait le premier avant longtemps à être implanté dans une tour bâtie dans Paris intra muros. Un privilège inouï donc.
On comprend mieux le souci de faire diversion avec un pseudo équipement public qui servira d'alibi. Les programmistes d'Unibail ont dû se creuser les méninges pour trouver cet étrange concept de musée des langages qui, c'est sûr, n'attirera pas de foules bigarrées ou malvenues dans cette tour huppée.
On peut évaluer le nombre de mètres carrés utilisables commercialement dans un immeuble de cette taille à 80.000. A 1000 euros par an de loyer au mètre-carré, -le chiffre est raisonnable- les recettes d'une simple location seraient de 80 millions d'euros annuels. Sur un terrain enclavé qui aujourd'hui ne vaut pas grand chose, point n'est besoin d'être banquier pour imaginer la culbute ! Il se dit même que si Unibail obtient cette faveur au Parc des expositions, il renoncera au projet de tour "Phare" à la Défense, bien plus risqué financièrement.
Si la Ville n'a que peu à en attendre et qu'Unibail a beaucoup à en espérer, comment se fait-il donc que Delanoë envisage pareille amabilité?
Deux explications viennent immédiatement à l'esprit.
La première et la plus évidente, est que le maire, désespérément à la recherche de coups médiatiques pour se faire passer pour un grand bâtisseur (comme le sont les chefs d'Etat, suivez son regard), est prêt à sous-traiter l'affaire à un groupe privé pourvu qu'il lui fournisse fissa les images qu'il pourra utiliser dans sa campagne. C'est un peu la logique Vélib appliquée à l'architecture. Sauf qu'ici, à la différence de Vélib', les recettes vont toutes ou presque dans la poche du privé.
Une fois encore, Delanoë, ce n'est pas le social-libéralisme, c'est le capitalo-festivisme : au big business l'argent, aux hommes politiques la com'. L'abaissement du politique se poursuit ...
Une seconde explication se trouve à quelques kilomètres de là : aux Halles, où la ville est engluée dans un projet fumeux dont elle peine à sortir, la Canopée de Berger, qui risque de coûter plusieurs centaines de millions d'euros pour installer pour l'essentiel, comme équipement public, le conservatoire de musique du 1er arrondissement. Unibail, qui gère le forum commercial via une autre filiale, aurait les moyens de renvoyer l'ascenseur de la "tour des expositions", en contribuant un peu plus qu'il ne le pourrait aux dépenses communes. Il aurait d'autant plus grâce à le faire que Delanoë a déjà cédé à ses instances en enterrant, en 2004, le magnifique projet de l'architecte Rem Koolhaas qui risquait de dévier les utilisateurs du RER du chemin de ses boutiques.
Naturellement, si certains lecteurs ont d'autres explications possibles et d'autres informations à fournir pour expliquer la générosité delanoienne, qu'ils le fassent, nous manquons d'imagination pour les choses affreuses.
Reste une cerise à déguster sur le gâteau que se prépare Unibail : le consensus autour de son projet. Déjà, le Nouvel Obs semble forcer la main des intéressés en claironnant que tous les politiques parisiens sont d'accord, notamment les élus du 15 ème arrondissement. Si l'on creuse un peu le sujet, on comprend comment Unibail va tenter d'anesthésier les éventuels détracteurs. Il y a quelques mois, sa filiale Paris Expo a fusionné, dans une nouvelle société détenue à 50-50 "Vipari", avec celle de la Chambre de Commerce et d'industrie de Paris spécialisée elle-aussi dans la gestion de halls d'exposition.
On sait généralement comment finissent les joint-ventures où le capital est partagé par moitié entre public et privé. Le public, moins riche, libre de ses mouvements et dynamique que le privé, est vite absorbé. Unibail a toutes les chances de mettre rapidement la main sur l'ensemble. En attendant, le nouveau groupe bénéficie de la légitimité et de l'image de service public de la C.C.I.P.
La boucle est bouclée et c'est pour le bien de Paris, de son image et de sa prospérité que l'opération "Tour des expositions" va être vendue à l'opinion. Un véritable "management de progrès social" et une collaboration exemplaire pérorera Delanoë.
Mais Delanopolis sait, lui, se souvenir de quelques principes de base de l'économie libérale, la vraie. La nouvelle "Vipari" est désormais en situation de quasi monopole en Île-de-France et en position dominante dans d'autres régions. Si l'on ajoute à ce fait, l'appui et les privilèges accordés par la puissance publique, ici la ville de Paris et la C.C.I.P., on ne peut aboutir qu'à une chose : le détournement de l'intérêt général au bénéfice de l'intérêt particulier.
Etre authentiquement social-libéral devrait donc conduire à exiger que, en échange du permis de construire qui lui serait délivré et de l'avantage considérable qu'il représente, la filiale passe majoritairement sous contrôle public, au moins pour ce qui concerne l'exploitation du bâtiment envisagé, ou qu'une taxe spéciale soit exceptionnellement prélevée pour redonner à la collectivité le profit de monopole qui en sera tiré.
Nous verrons bien si cette idée prospère dans les mois qui viennent.
Et nous y reviendrons pour nos lecteurs qui, soit dit en passant, ont montré une belle fidélité cet été malgré la désertion de l'auteur qui leur a préféré les poissons. Merci à eux (aux lecteurs, pas aux poissons qui avaient plutôt tendance à fuir, on les comprend!).