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Brüno cru, Brüno cuit



Les critiques de cinéma sont décontenancés par cette joviale satire qui innove plus qu'il n'y paraît. Et si l'on rit parfois tout en éprouvant un sentiment de malaise, cela n'ôte rien à la force comique du film, assez étonnante.



Brüno cru, Brüno cuit
Comme Borat, Brüno est un film méthodique, une sorte d'anti "caméra cachée".

Contrairement aux sketchs télévisés de ce genre, la caméra est ici bien visible et c'est souvent parce qu'elles se savent filmées que les victimes de Brüno tolèrent ses questions stupides, ses divagations provocatrices et son comportement inqualifiable. En fait, Baron Cohen nous montre à quel point les comportements humains sont aujourd'hui déformés dès qu'une caméra apparaît et que les gens se savent enregistrés. La caméra est bien le vrai dieu de notre époque, qui nous observe, nous scrute, menace de révéler aux autres nos errements et comptabilise nos fautes. Face à elle, chacun se tient à carreau et Baron Cohen s'amuse à pousser la limite de l'auto-censure jusqu'au point de rupture. Il s'inspire un peu d'un fameux test où, sous prétexte d'expérience scientifique et de consentement des cobayes, la plupart des individus envoient des décharges électriques à des patients - en fait des acteurs - jusqu'à franchir la dose létale. Bien triste est notamment la scène où une mère de famille, visiblement au désespoir, accepte qu'on pratique une liposuccion sur sa gosse pour qu'elle puisse enregistrer un film et gagner un peu d'argent.

Ne soyons pas dupes : les méthodes de Baron Cohen pour parvenir à ses fins sont saumâtres et hypocrites. Il est probable qu'il paie certaines des personnes filmées. Comment expliquer, autrement, que les intellectuels israéliens ou palestiniens qu'il fait débattre autour de questions d'une ânerie sans nom (confondre par exemple humous et hamas !) ne se lèvent pas en lui claquant la porte au nez.

Mais qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse, à savoir le spectacle toujours consternant et souvent désopilant des dévoiements en tout genre, de l'obscénité et même de la barbarie que la puissance des média peut susciter aujourd'hui.

Si Baron Cohen est supportable et même attachant, c'est aussi parce que ses films inaugurent un genre nouveau tout en plongeant leurs racines dans de vieux sols comiques. Comme Borat, Brüno est une sorte de Don Quichotte moderne, accompagné d'un Sancho Panza, écuyer et souffre-douleur, à l'assaut des moulins à vent contemporains de l'immense Amérique. Il est un Candide, qui se fait fouetter et rosser, un personnage tout droit issu du Roman comique de Scarron, etc. Si nous ne lui en voulons pas, c'est qu'il prend de sérieux risques, comme lorsqu'il va interviewer un prétendu ancien chef des brigades d'Al Aqsa en injuriant Ben Laden ou qu'il se promène en short sexy et phylactères chez les juifs orthodoxes de Mea Shearim, qui réagissent du reste très mal.

Il est aussi une sorte de Charlot perdu chez les fashionistas, les sados-masos et les amateurs de catch. Enfin, il a de la tendresse pour son propre personnage et ne se contente pas d'accabler les faibles, comme lorsqu'il se moque des adoptions d'enfants africains par les stars du show-biz ou des vendeurs de causes humanitaires.

Bref, Brüno nous fait rire, nous surprend et nous fait même (un peu) méditer. Si ça ne vous suffit pas, n'y allez pas ...

Dimanche 26 Juillet 2009
Serge Federbusch





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