1 - Commencez donc par rendre visite à Clemenceau, temporairement domicilié à Guimet. Le seul tigre ayant survécu dans la jungle politique française était passionné de bouddhisme et d'Asie. Il mit à profit sa très tardive retraite politique, après que ses congénères aient écarté sa candidature à la présidence de la République, pour faire un magnifique périple du Pakistan à Bali. A un âge où la plupart des hommes de cette époque avaient déjà décanillé, quelle santé et quel oeil encore pétillant ! Il aimait sincèrement l'art et son goût pour la collection l'avait déjà sauvé lorsqu'il mit en vente la plupart de ses estampes et objets d'art japonais à Drouot, après une cuisante défaite aux législatives dans les années 1890. Profitez en aussi pour faire un tour à sa "maison" près du Trocadéro, un rez-de-chaussée dont il ne fut pas chassé uniquement grâce à la générosité d'un milliardaire et admirateur américain. Nul n'est prophète en son pays, dites vous ?
2 - Il est trop tard car elle n'y a chanté qu'une fois la semaine dernière, mais dès qu'elle remettra les pieds à Paris précipitez vous pour écouter, à la Cigale ou ailleurs, la stupéfiante Cécile Mc Lorin-Salvant (photo ci-dessus). Haïtienne parlant aussi bien le français que l'anglais, elle est à 24 ans le digne successeur de Billie Holiday ou d'Ella Fitzgerald. Une maîtrise absolue de tous les genres du jazz, une diction parfaite, une originalité singulière du timbre, une présence sur scène étonnante, le tout accompagnée par un excellent trio de musiciens, en particulier un pianiste confondant de virtuosité. Bref, le 21ème siècle a trouvé sa nouvelle grande voix. Ne lui reste plus qu'à s'attirer les services d'un parolier à son niveau et le monde du jazz s'épuisera en saluts et vivats.
3 - Méditez à l'Orangerie, ou Werner Spies a puisé dans la fabuleuse collection de dessins d'Orsay pour y illustrer : "Les archives du rêve". Le fil conducteur est un peu artificiel mais c'est une occasion unique d'admirer des chefs d'oeuvre d'ordinaire à l'abri des yeux du public.
4 - Les pellicules n'en meurent pas toutes mais toutes sont atteintes
Dans la catégorie des films grand public, que nous prisons parce qu'elle est toujours le reflet d'un climat politique, quatre longs métrages souffrent tous du même défaut : un scénario bâclé par volonté de trop en faire pour étourdir le spectateur. Godzilla, Le dernier diamant, Sabotage et Kidon présentent curieusement la même faiblesse. Aux trois-quarts du film, c'est le dérapage dans le grotesque ou l'incohérent. C'est dommage, notamment pour "Sabotage" qui nous donne à revoir le talent de Schwartzie, incarnation du mâle dominant transatlantique qui a tout réussi dans la vie : argent, carrière politique et box-office. Pas mal pour un docteur en physique et en culture physique à la fois, d'humble extraction autrichienne. Ce film, montrant la névrose collective d'un commandos de super-flics de la DEA américaine, revenus de tout et du reste, aurait pu atteindre à une forme d'excellence s'il n'avait voulu donner d'explications à une manipulation trop confuse. Il faudrait que Godard songe à confier son plus beau rôle à Schwarzenegger, ils sont mûrs l'un pour l'autre désormais. Sinon, ce sera Depardieu ... Gare à lui.
5 - Ilya Khabakov nous saoule monumentalement dans son Monumenta du Grand Palais. C'est bien le vice d'une large fraction de l'art contemporain : emphase des moyens, prétention du discours, indigence de l'inspiration, banalité technique mal masquée par la grandiloquence. Si j'avais un euro à chaque fois que l'horripilante expression : "figure majeure de la scène artistique internationale" est reproduite par les nouveaux cuistres-curateurs d'exposition, j'offrirai gracieusement mes services à Fillipetti pour diriger le musée Picasso.
6 - Mapplethorpe au top dans le même Grand Palais.
Ô zizis, ô pétales, ô marbres à l'antique, que n'a-t-il tant souffert que dans cette famille artistique ? De la bien belle ouvrage en tout cas, Robert. A voir absolument.