Liliane Marchais n’a pas fait ses valises, comme le lui suggéra jadis son Georges de mari lorsqu’il apprit, ou feignit d’apprendre, que Mitterrand voulait le cocufier sur fond de programme commun. Liliane Marchais, la semaine dernière, a juste pris un ticket de métro, quelques vieux camarades et elle s’en est allée, négligeant ses nombreux printemps, défendre la mémoire menacée de Jojo dont la nouvelle municipalité UMP de Villejuif a entrepris de faire disparaître toute trace sur les plaques communales. Exit pourtant l’esplanade Marchais, le dernier combat de Liliane semble perdu.
Il faut dire que Georges, l’ancien enrôlé de chez Messerschmidt, l’homme du bilan globalement positif de l’URSS et du soutien indéfectible aux dictatures communistes, n’est pas de ceux dont on a souci de prendre la défense posthume. Du reste, s’il demeure encore une place de la bataille de Stalingrad à Paris, les soviétiques eux-mêmes avaient montré l’exemple, dès les années 1960, en faisant disparaître toute référence y compris indirecte à Staline, satrape qui les fit tant souffrir. Et le caviardage des photographies officielles de rassemblements politiques et de défilés du 1er mai sur la Place rouge, où les proscrits disparaissaient mystérieusement des tribunes et des groupes, fut bel et bien l’ancêtre bureaucratique de Photoshop.
Pourtant «des morts on ne dit rien ou on dit du bien», enseignaient sagement les Romains. Cette vindicte de Villejuif a un je-ne-sais-quoi de dérisoire. Elle fait penser à un Delanoë tout aussi grotesque débaptisant la rue Richepance en 2001 à Paris au prétexte que ce dernier, général révolutionnaire, avait suivi l’ordre de Bonaparte de rétablir l’esclavage en Guadeloupe. Bonaparte, quant à lui, échappa à la risible vendetta socialiste du politiquement correct. Trop puissant sans doute ...
Les tentatives de manipulation ou d’effacement mémoriels sont fréquentes chez les régimes peu sûrs d’eux-mêmes et enclins à la démagogie. La cocasse interdiction de jure ou de facto de la diffusion d’Exodus, suspecté de sionisme militant par les pays arabes, nous en fournit une illustration concomitante. Montrer qu’il y avait des Juifs en Terre promise bien avant ce qu’on nomme l’islam ou les Arabes est du plus mauvais goût. Résultat : ce neopeplum censuré au Maroc et en Egypte va bientôt s’attirer des spectateurs rien que par solidarité contre l’obscurantisme. Il faut dire que les pharaons avaient parfois tendance à faire effacer le nom de leurs prédécesseurs des obélisques et autres monuments destinés à perpétuer leur mémoire. La première femme chef d’Etat de l’histoire humaine, Hatchepsout, en fit les frais, victime de machisme il y a trois mille cinq cents ans. Son successeur la jalousait. Rien de nouveau sous le soleil.
Exodus n’a pas à lutter sur ce seul front. Il est également la cible des protestations d’associations noires qui dénoncent le fait que les hommes à la peau foncée y soient assimilés aux gens de basse extraction.
A quoi bon rappeler à ces moralistes rétrospectifs l’inscription que Sésostris III, le grand pharaon dont on célèbre le règne par une magnifique exposition en ce moment même à Lille, avait fait graver sur une stèle installée près d’une des cataractes commandant la descente du Nil : «La traversée de cette frontière par terre ou par eau, en barque ou avec des troupeaux, est interdite à tout noir, à la seule exception de ceux qui désirent la franchir pour vendre ou acheter dans quelque comptoir.
Ces derniers seront traités de façon hospitalière, mais il est à jamais interdit à tout noir, dans tous les cas, de descendre le fleuve en barque au-delà de Heh.» A cette époque, le régime faisait visiblement peu de cas du politiquement correct ou de l’hospitalité migratoire. L’ancêtre de Zemmour, scribe accroupi, eut tôt fait, s’il n’était juif, d’ordonner le bannissement des lointains parents de Dieudonné. Ou de les faire exécuter.
Depuis des temps immémoriaux, la vallée du Nil fut le lieu du brassage de nombreuses populations, Nubiens négroïdes compris. Mais la civilisation pharaonique s’est construite et fortifiée par la ségrégation raciale, une hiérarchie sociale très pesante et la brutalité nationaliste. C’est ainsi. A en croire l’Ancien testament, Cecil B. DeMille et Ridley Scott, les Hébreux en firent largement les frais. Et, aujourd’hui, la haine arabe contre Israël et les Juifs suinte de ces hostilités ancestrales entretenues. Philistins/Palestiniens contre Hébreux/Juifs, là aussi, rien de nouveau sous le soleil.
Le 21ème siècle aurait pu être celui de l’affranchissement des peuples et d’un internationalisme rationnel et apaisé. Il suffit d’un film de série B pour démontrer que ce ne sera pas le cas. Quand le présent nous échappe, attaquons nous au passé, il ne peut plus se défendre.
Il faut dire que Georges, l’ancien enrôlé de chez Messerschmidt, l’homme du bilan globalement positif de l’URSS et du soutien indéfectible aux dictatures communistes, n’est pas de ceux dont on a souci de prendre la défense posthume. Du reste, s’il demeure encore une place de la bataille de Stalingrad à Paris, les soviétiques eux-mêmes avaient montré l’exemple, dès les années 1960, en faisant disparaître toute référence y compris indirecte à Staline, satrape qui les fit tant souffrir. Et le caviardage des photographies officielles de rassemblements politiques et de défilés du 1er mai sur la Place rouge, où les proscrits disparaissaient mystérieusement des tribunes et des groupes, fut bel et bien l’ancêtre bureaucratique de Photoshop.
Pourtant «des morts on ne dit rien ou on dit du bien», enseignaient sagement les Romains. Cette vindicte de Villejuif a un je-ne-sais-quoi de dérisoire. Elle fait penser à un Delanoë tout aussi grotesque débaptisant la rue Richepance en 2001 à Paris au prétexte que ce dernier, général révolutionnaire, avait suivi l’ordre de Bonaparte de rétablir l’esclavage en Guadeloupe. Bonaparte, quant à lui, échappa à la risible vendetta socialiste du politiquement correct. Trop puissant sans doute ...
Les tentatives de manipulation ou d’effacement mémoriels sont fréquentes chez les régimes peu sûrs d’eux-mêmes et enclins à la démagogie. La cocasse interdiction de jure ou de facto de la diffusion d’Exodus, suspecté de sionisme militant par les pays arabes, nous en fournit une illustration concomitante. Montrer qu’il y avait des Juifs en Terre promise bien avant ce qu’on nomme l’islam ou les Arabes est du plus mauvais goût. Résultat : ce neopeplum censuré au Maroc et en Egypte va bientôt s’attirer des spectateurs rien que par solidarité contre l’obscurantisme. Il faut dire que les pharaons avaient parfois tendance à faire effacer le nom de leurs prédécesseurs des obélisques et autres monuments destinés à perpétuer leur mémoire. La première femme chef d’Etat de l’histoire humaine, Hatchepsout, en fit les frais, victime de machisme il y a trois mille cinq cents ans. Son successeur la jalousait. Rien de nouveau sous le soleil.
Exodus n’a pas à lutter sur ce seul front. Il est également la cible des protestations d’associations noires qui dénoncent le fait que les hommes à la peau foncée y soient assimilés aux gens de basse extraction.
A quoi bon rappeler à ces moralistes rétrospectifs l’inscription que Sésostris III, le grand pharaon dont on célèbre le règne par une magnifique exposition en ce moment même à Lille, avait fait graver sur une stèle installée près d’une des cataractes commandant la descente du Nil : «La traversée de cette frontière par terre ou par eau, en barque ou avec des troupeaux, est interdite à tout noir, à la seule exception de ceux qui désirent la franchir pour vendre ou acheter dans quelque comptoir.
Ces derniers seront traités de façon hospitalière, mais il est à jamais interdit à tout noir, dans tous les cas, de descendre le fleuve en barque au-delà de Heh.» A cette époque, le régime faisait visiblement peu de cas du politiquement correct ou de l’hospitalité migratoire. L’ancêtre de Zemmour, scribe accroupi, eut tôt fait, s’il n’était juif, d’ordonner le bannissement des lointains parents de Dieudonné. Ou de les faire exécuter.
Depuis des temps immémoriaux, la vallée du Nil fut le lieu du brassage de nombreuses populations, Nubiens négroïdes compris. Mais la civilisation pharaonique s’est construite et fortifiée par la ségrégation raciale, une hiérarchie sociale très pesante et la brutalité nationaliste. C’est ainsi. A en croire l’Ancien testament, Cecil B. DeMille et Ridley Scott, les Hébreux en firent largement les frais. Et, aujourd’hui, la haine arabe contre Israël et les Juifs suinte de ces hostilités ancestrales entretenues. Philistins/Palestiniens contre Hébreux/Juifs, là aussi, rien de nouveau sous le soleil.
Le 21ème siècle aurait pu être celui de l’affranchissement des peuples et d’un internationalisme rationnel et apaisé. Il suffit d’un film de série B pour démontrer que ce ne sera pas le cas. Quand le présent nous échappe, attaquons nous au passé, il ne peut plus se défendre.