1 - A Roger Gicquel, le gouvernement reconnaissant
"La France a peur" : par ces mots lugubres prononcés le 19 février 1976 au «vingt heures» de ce qui fut la première chaîne de télévision avant de devenir TF1, le présentateur vedette de l'époque, Roger Gicquel, lançait au visage de ses compatriotes une formule qui fit mouche et installa pour longtemps la question de la sécurité au coeur du débat politique.
Comme je parle d'un temps que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître, je leur apprendrais que ce fameux Gicquel avait des faux airs d'Helmut Schmidt, le chancelier allemand de l'époque. En ces heures lointaines, grâce à lui, notre télévision semblait presque aussi puissante que le gouvernement de la solide et vertueuse Allemagne ...
La France a-t-elle moins peur aujourd'hui ? Que nenni ! La crainte est même devenue le ressort principal du pouvoir.
Prenons les dernières élections départementales. On devait voter pour une institution croupion dont les compétences ne sont pas encore clairement définies, donner un chèque à blanc à nos gouvernants en les laissant libres de décider ensuite quelles seront les compétences précises des collectivités dont on désignaient pourtant les élus. On pouvait penser qu'un si faible enjeu conduisît à une logique et massive abstention. Mais non, il y eut plus de votants que lors du dernier scrutin. Pourquoi ? Manuel Valls d'un côté, Nicolas Sarkozy de l'autre sont parvenus à faire peur à l'électorat en agitant l'épouvantail du Front national.
Décidément, ce dernier est devenu l'idiot utile du système. On parle beaucoup en ce moment d'un nouveau tripartisme qui viendrait remplacer le duopole PS/UMP qui nous régit par alternance depuis 1981. En réalité, le Front national est le chien d'un jeu à deux quilles. Il est suffisamment puissant pour couper l'une des têtes du monstre bicéphale dit UMPS afin de laisser l'autre se nourrir à sa guise. Comme elle finit par étouffer de gloutonnerie, le FN la coupe à son tour mais l'autre tête repousse alors et entame sa propre entreprise boulimique.
Les Frontistes sont définitivement des protestataires : ils crient, vitupèrent mais ne font que favoriser la perpétuation du pouvoir. Bourreau du régime, le FN tranche les cous mais ne touche pas à la couronne. Au contraire, pour convaincre un électorat majoritaire de continuer à voter pour eux, les deux partis de gouvernement se recentrent discrètement entre les premier et second tours et finissent par se ressembler davantage encore.
Ce gouvernement par la peur n'est du reste qu'une facette d'une méthode de pouvoir qui prend de plus en plus d’ampleur.
Observons par exemple ce qu'il advient de Syriza, Podemos et autres mouvements contestataires de l'ordre européen établi. Francfort, Berlin et Bruxelles amènent le trublion grec à résipiscence, ce qui n'est pas trop difficile tant il avait préparé de manière brouillonne et excessivement optimiste les lendemains de son succès électoral. Tremblez, vous Européens, Français, Espagnols ou Italiens qui osez mettre en doute l’éternité de l'euro ! Si vous ne vous passez pas la corde athénienne autour du cou, vous finirez ruinés. Autant continuer à voter sagement pour ceux qui vous disent que votre travail et vos économies sont gérés au mieux par ces maîtres distants. Faites comme votre Mou-Président national qui a immédiatement sacrifié la gauche grecque pour obtenir un répit d’Angela Merkel sur la question de ses propres déficits. Il avait peur.
Et la peur régnait aussi sur la ville, à Paris, cette semaine, au prétexte de pollution atmosphérique. D’invisibles particules pénétraient dans nos poumons, sans odeur ni bruit, pour mieux nous tuer à petit feu. Tout était biaisé dans cette affaire : l’impartialité de l’organisme qui effectue les calculs, les lieux d’installation des capteurs, la jonglerie entre les différents types de polluants qu’on met en avant tour à tour pour alimenter l’angoisse, les normes qu’on abaisse toujours plus vite que la pollution ne recule, etc. Au jour de la circulation alternée, il n’y avait pas de pollution. Peu importe : les politiciens pouvaient prendre des décisions arbitraires et jouir de leur pouvoir en régnant par la peur.
Ces peurs, où diable nous mènent-elles ? Elles conduisent à la servitude, brident les imaginations, perpétuent les problèmes. Hormis un discours plus ferme face à l'immigration mal intégrée, la «futurex» UMP n'a rien livré pour l'instant d'un projet qui permettrait à la France de réformer sa bureaucratie pléthorique. Cela ne l'empêche pas de gagner les élections puisque la peur favorise le regroupement craintif autour de vieux logos remodelés par quelque agence de com'.
Pour que ce climat de peur continue de régner longtemps encore, il faudra toutefois qu'il y ait un peu de grain à moudre et qu'un temps orageux sur les marchés financiers ne vienne pas gâter la reprise annoncée. Et c'est là que le bât blesse ...
2 - Destructeurs de richesse et ralentisseurs de croissance
Depuis trois mois, le mage Hollande sort ses grimoires et nous parle d'alignement de planètes, de prix du pétrole, de taux d'intérêt, de taux de change de l'euro et d'assouplissement quantitatif. Ces astres rendraient la fameuse reprise imminente. Pourtant, on a vu récemment que le brouillard éclipse les éclipses, que les cieux sont parfois facétieux. Mis à part la tardive et insuffisante correction de la surévaluation de l'euro, les autres facteurs énoncés conduisent surtout à la formation d'une nouvelle bulle sur les marchés financiers.
Ces derniers sont satisfaits. Les liquidités disponibles s'orientent vers la bourse et les taux d'intérêt ne reflètent plus rien du risque d'insolvabilité réelle des emprunteurs, y compris des Etats. Les ingrédients d'une nouvelle crise du type de celle des "subprimes"sont tous réunis dès lors qu’on compare un jour la rentabilité fragile des entreprises et le cours de leurs actions. Dès que les gros intervenants, les plus puissants et les mieux informés sur les marchés, décideront de prendre leur bénéfice pour satisfaire leurs propres actionnaires, la bulle pourra gentiment exploser, laissant gouvernements et banquiers centraux Grosjean comme devant. Mais il doit s’agir de pessimisme injustifié. Il existe un moins un domaine où les braves gens sont priés de ne pas avoir peur ...
3 - Gallet ? Rien !
Le pauvre Mathieu Gallet a l’air pincé et un peu trop propre sur lui, c’est certain. Peut-être même est-il arrogant avec le personnel, qui sait ? Il a surtout deux défauts majeurs aux yeux des syndicats de Radio-France : il vient de la droite et il a parlé de réduire, très peu rassurez-vous, la gabegie pour faire face au déficit croissant de cet établissement. On lui cherche donc les poux qu’on trouve toujours sur la chevelure d’un dirigeant d’entreprise importante si on la passe au peigne fin. Des travaux dispendieux décidés avant lui mais qu’il n’a pas su arrêter à temps, le recrutement d’individus qu’il connaissait déjà et estimait pour leur collaboration dans d’autres sociétés, etc. L’ancien président, Jean-Luc Hees, était davantage apprécié des syndicats et nul ne songe à lui reprocher les travaux de réfection du site dont le coût total atteint désormais 500 millions d’euros. Il faut dire qu’il se vantait d’avoir maintenu à l’unité près les effectifs de la «maison», aux frais des contribuables naturellement. Pendant ce temps, Radio-France continue d’entretenir un «Orchestre philharmonique de Radio France», un «Orchestre national de France», un «Choeur de Radio-France» et une «Maîtrise de Radio-France», ouf ! C’est beau, c’est grand, c’est généreux ...
La droite, dans cette affaire, a un avant-goût des cabales et campagnes de dénigrement qu’elle affronterait instantanément si elle entreprenait un jour de faire le ménage dans la masse boboisante des cultureux qui vivent aux crochets de la République. Une Thatcher n’y suffirait pas, c’est dire à quel point nous sommes encore éloignés de la solution ...
Mais il ne faut pas avoir peur.
"La France a peur" : par ces mots lugubres prononcés le 19 février 1976 au «vingt heures» de ce qui fut la première chaîne de télévision avant de devenir TF1, le présentateur vedette de l'époque, Roger Gicquel, lançait au visage de ses compatriotes une formule qui fit mouche et installa pour longtemps la question de la sécurité au coeur du débat politique.
Comme je parle d'un temps que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître, je leur apprendrais que ce fameux Gicquel avait des faux airs d'Helmut Schmidt, le chancelier allemand de l'époque. En ces heures lointaines, grâce à lui, notre télévision semblait presque aussi puissante que le gouvernement de la solide et vertueuse Allemagne ...
La France a-t-elle moins peur aujourd'hui ? Que nenni ! La crainte est même devenue le ressort principal du pouvoir.
Prenons les dernières élections départementales. On devait voter pour une institution croupion dont les compétences ne sont pas encore clairement définies, donner un chèque à blanc à nos gouvernants en les laissant libres de décider ensuite quelles seront les compétences précises des collectivités dont on désignaient pourtant les élus. On pouvait penser qu'un si faible enjeu conduisît à une logique et massive abstention. Mais non, il y eut plus de votants que lors du dernier scrutin. Pourquoi ? Manuel Valls d'un côté, Nicolas Sarkozy de l'autre sont parvenus à faire peur à l'électorat en agitant l'épouvantail du Front national.
Décidément, ce dernier est devenu l'idiot utile du système. On parle beaucoup en ce moment d'un nouveau tripartisme qui viendrait remplacer le duopole PS/UMP qui nous régit par alternance depuis 1981. En réalité, le Front national est le chien d'un jeu à deux quilles. Il est suffisamment puissant pour couper l'une des têtes du monstre bicéphale dit UMPS afin de laisser l'autre se nourrir à sa guise. Comme elle finit par étouffer de gloutonnerie, le FN la coupe à son tour mais l'autre tête repousse alors et entame sa propre entreprise boulimique.
Les Frontistes sont définitivement des protestataires : ils crient, vitupèrent mais ne font que favoriser la perpétuation du pouvoir. Bourreau du régime, le FN tranche les cous mais ne touche pas à la couronne. Au contraire, pour convaincre un électorat majoritaire de continuer à voter pour eux, les deux partis de gouvernement se recentrent discrètement entre les premier et second tours et finissent par se ressembler davantage encore.
Ce gouvernement par la peur n'est du reste qu'une facette d'une méthode de pouvoir qui prend de plus en plus d’ampleur.
Observons par exemple ce qu'il advient de Syriza, Podemos et autres mouvements contestataires de l'ordre européen établi. Francfort, Berlin et Bruxelles amènent le trublion grec à résipiscence, ce qui n'est pas trop difficile tant il avait préparé de manière brouillonne et excessivement optimiste les lendemains de son succès électoral. Tremblez, vous Européens, Français, Espagnols ou Italiens qui osez mettre en doute l’éternité de l'euro ! Si vous ne vous passez pas la corde athénienne autour du cou, vous finirez ruinés. Autant continuer à voter sagement pour ceux qui vous disent que votre travail et vos économies sont gérés au mieux par ces maîtres distants. Faites comme votre Mou-Président national qui a immédiatement sacrifié la gauche grecque pour obtenir un répit d’Angela Merkel sur la question de ses propres déficits. Il avait peur.
Et la peur régnait aussi sur la ville, à Paris, cette semaine, au prétexte de pollution atmosphérique. D’invisibles particules pénétraient dans nos poumons, sans odeur ni bruit, pour mieux nous tuer à petit feu. Tout était biaisé dans cette affaire : l’impartialité de l’organisme qui effectue les calculs, les lieux d’installation des capteurs, la jonglerie entre les différents types de polluants qu’on met en avant tour à tour pour alimenter l’angoisse, les normes qu’on abaisse toujours plus vite que la pollution ne recule, etc. Au jour de la circulation alternée, il n’y avait pas de pollution. Peu importe : les politiciens pouvaient prendre des décisions arbitraires et jouir de leur pouvoir en régnant par la peur.
Ces peurs, où diable nous mènent-elles ? Elles conduisent à la servitude, brident les imaginations, perpétuent les problèmes. Hormis un discours plus ferme face à l'immigration mal intégrée, la «futurex» UMP n'a rien livré pour l'instant d'un projet qui permettrait à la France de réformer sa bureaucratie pléthorique. Cela ne l'empêche pas de gagner les élections puisque la peur favorise le regroupement craintif autour de vieux logos remodelés par quelque agence de com'.
Pour que ce climat de peur continue de régner longtemps encore, il faudra toutefois qu'il y ait un peu de grain à moudre et qu'un temps orageux sur les marchés financiers ne vienne pas gâter la reprise annoncée. Et c'est là que le bât blesse ...
2 - Destructeurs de richesse et ralentisseurs de croissance
Depuis trois mois, le mage Hollande sort ses grimoires et nous parle d'alignement de planètes, de prix du pétrole, de taux d'intérêt, de taux de change de l'euro et d'assouplissement quantitatif. Ces astres rendraient la fameuse reprise imminente. Pourtant, on a vu récemment que le brouillard éclipse les éclipses, que les cieux sont parfois facétieux. Mis à part la tardive et insuffisante correction de la surévaluation de l'euro, les autres facteurs énoncés conduisent surtout à la formation d'une nouvelle bulle sur les marchés financiers.
Ces derniers sont satisfaits. Les liquidités disponibles s'orientent vers la bourse et les taux d'intérêt ne reflètent plus rien du risque d'insolvabilité réelle des emprunteurs, y compris des Etats. Les ingrédients d'une nouvelle crise du type de celle des "subprimes"sont tous réunis dès lors qu’on compare un jour la rentabilité fragile des entreprises et le cours de leurs actions. Dès que les gros intervenants, les plus puissants et les mieux informés sur les marchés, décideront de prendre leur bénéfice pour satisfaire leurs propres actionnaires, la bulle pourra gentiment exploser, laissant gouvernements et banquiers centraux Grosjean comme devant. Mais il doit s’agir de pessimisme injustifié. Il existe un moins un domaine où les braves gens sont priés de ne pas avoir peur ...
3 - Gallet ? Rien !
Le pauvre Mathieu Gallet a l’air pincé et un peu trop propre sur lui, c’est certain. Peut-être même est-il arrogant avec le personnel, qui sait ? Il a surtout deux défauts majeurs aux yeux des syndicats de Radio-France : il vient de la droite et il a parlé de réduire, très peu rassurez-vous, la gabegie pour faire face au déficit croissant de cet établissement. On lui cherche donc les poux qu’on trouve toujours sur la chevelure d’un dirigeant d’entreprise importante si on la passe au peigne fin. Des travaux dispendieux décidés avant lui mais qu’il n’a pas su arrêter à temps, le recrutement d’individus qu’il connaissait déjà et estimait pour leur collaboration dans d’autres sociétés, etc. L’ancien président, Jean-Luc Hees, était davantage apprécié des syndicats et nul ne songe à lui reprocher les travaux de réfection du site dont le coût total atteint désormais 500 millions d’euros. Il faut dire qu’il se vantait d’avoir maintenu à l’unité près les effectifs de la «maison», aux frais des contribuables naturellement. Pendant ce temps, Radio-France continue d’entretenir un «Orchestre philharmonique de Radio France», un «Orchestre national de France», un «Choeur de Radio-France» et une «Maîtrise de Radio-France», ouf ! C’est beau, c’est grand, c’est généreux ...
La droite, dans cette affaire, a un avant-goût des cabales et campagnes de dénigrement qu’elle affronterait instantanément si elle entreprenait un jour de faire le ménage dans la masse boboisante des cultureux qui vivent aux crochets de la République. Une Thatcher n’y suffirait pas, c’est dire à quel point nous sommes encore éloignés de la solution ...
Mais il ne faut pas avoir peur.