L'accumulation d'on ne sait quelle énergie dans le corps de Franz Xaver Messerschmidt le menaçait à tout moment d'une déflagration qui l'aurait éparpillé aux quatre vents. On doit se féliciter qu'il parvint à la dévier vers la sculpture, illustrant à merveille les bienfaits de la sublimation freudienne avant l'heure. Ah, ces Viennois ! Sexualité contrariée, penchants inavouables, haine de soi ? Peu importe, ces portraits crispés et convulsifs sont des merveilles d'anatomie grotesque qui auraient pu être fondus par des Romains de l'Antiquité comme par Jeff Koons. Messerschmidt, un bombardier à lui tout seul !
Autre intérêt de se rendre au Louvre en ce moment, l'exposition de sculptures de Tony Cragg, dispersées de-ci de-la dans le musée. Sous des formes aléatoires qui évoquent les érosions qu'on trouve parfois au bord des falaises granitiques rongées par l'océan, l'astucieux britannique stratifie des couches de bois et de matériau composite. Curieusement, ces plis font penser à ceux du cou de Messerschmidt. Mais c'est sûrement un hasard. En tous cas, la très belle sculpture rouge qui trône actuellement à l'entrée de la Pyramide mériterait d'y rester définitivement tant elle se marie étrangement bien avec la géométrie du lieu.