Lorsque les bombes et fusils mitrailleurs de l’islamisme ont tué cent trente personnes à Paris et Saint Denis, le 13 novembre 2015, François Hollande, bien qu’il fût par sa politique de l’autruche face au fondamentalisme en France et ses forfanteries en Syrie largement responsable de cette situation, tenait l’occasion de retourner la vie politique en sa faveur.
Il s’y prit plutôt bien la première semaine, jouant de l’émotion populaire et parlementaire à Versailles et dans la cour des invalides. Il s’empara du thème de la déchéance de nationalité pour les jihadistes dont la paternité revenait à la droite et même à l’extrême-droite, faisant fi des clivages politiques traditionnels pour rechercher autant pragmatiquement que symboliquement des peines susceptibles de gêner vraiment cette génération confite dans la haine de la France.
Bien sûr, déchoir de leur nationalité des individus qui n’en ont que faire serait moins efficace que rétablir la peine de mort pour les terroristes, mettre leurs têtes à prix pour rendre leurs mouvements difficiles ou expulser leurs familles afin que leur entourage, lassé et touché, finisse par prendre lui-même en charge le dur travail d’éradication des criminels. Mais ne rêvons pas trop, il faudra encore quelques attentats pour que ces indicibles préconisations acquièrent droit de cité dans le débat public.
Quoi qu’il en soit, la déchéance de nationalité s’engagea sur un chemin de croix médiatique et parlementaire, dans un équipage chaotique avec la constitutionnalisation de l’état d‘urgence. Certes la mesure était plus complexe qu’il ne fut initialement envisagé, les engagements internationaux de la France empêchant de créer des apatrides. Il fallut donc la borner aux binationaux, mais l’on tombait alors dans le piège de la rupture d’égalité. La droite, tout aussi rouée qu’un président dont les manœuvres habituelles empêchent qu’on lui fasse crédit de la moindre sincérité, ne put résister à la tentation de lui mettre des bâtons dans les roues.
Sans majorité dans les assemblées et perdant progressivement son soutien dans l’opinion, il a dû prendre acte de l’impossibilité à faire adopter sa réforme. Le jeu politicien va désormais consister, à gauche comme à droite, à faire porter aux autres le chapeau de l’échec. Mais François Hollande est président et il lui incombait de trouver les moyens, sur un sujet aussi sensible, de parvenir à ses fins. Quels que soient les efforts de ses communicants et la complaisance des médias, il en aura forcément la responsabilité.
Il existait pourtant une alternative. Mais il fallait une audace gaullienne pour s’en emparer. L’article 11 de la constitution, dont les termes ont déjà été largement sollicités par le passé, permet de soumettre au peuple un projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics ou même, depuis 2008, sur des questions sociales. Et le Conseil constitutionnel s’interdit de juger de la constitutionnalité d’une réforme adoptée selon cette procédure.
Si François Hollande en avait eu le cran, il aurait tordu la lettre du texte pour en capturer l’esprit. Quand la révision a commencé à s’enliser, il lui fallait passer en force, en appeler au peuple sur cette question sociale entre toutes et, s’il était suivi sur ce sujet, dissoudre l’Assemblée dans la foulée. Sans doute n’aurait-il pas eu de « majorité présidentielle » très nette, mais il aurait à tout le moins limité considérablement la casse.
N’est pas de Gaulle ni même Mitterrand qui veut. François Hollande a sans doute gaspillé aujourd’hui, engoncé dans l’excessive prudence de l’homme d’appareil, sa dernière chance de sauver son trône en 2017.
C’est bien le drame du quinquennat : cinq ans, c’est trop court pour muer de politicien en homme d’Etat.