Ephémère et volatil ...
N’étaient les sondages qui le voient invariablement gagnant au soir du second tour, la campagne de François Hollande pédalait dangereusement dans le vide. Le candidat était en train de se désincarner. Comme un mauvais symbole, sa nouvelle affiche lui fait un visage cireux et artificiel qui a suscité l’ironie jusque dans les colonnes du Nouvel Observateur. La nervosité de Pierre Moscovici, assurant qu’il ne s’inquiétait pas de la remontée de Sarkozy, était la meilleure preuve de cette fébrilité croissante.
Il fallait donc d’urgence, pour l’équipe de campagne du socialiste, réinvestir le réel. Et, pour cela, quoi de mieux qu’un calendrier, des dates précises qui permettent aux électeurs de se figurer concrètement les lendemains qui chantent, de se projeter dans cette France entièrement socialiste qui leur est proposée ? Ainsi le rêve serait purgé du trouble et François Hollande redeviendrait concret, immédiat, palpable.
La première année de rupture avec la politique actuelle, telle qu’elle ressort de cet «agenda du changement» est donc découpée en trois tranches. A chaque mesure correspond un texte de loi ou un décret qui en seraient les supports. Cela fait sérieux. Hélas, le fond du propos l’est beaucoup moins ...
1 - La première phase est censée durer 54 jours, du 6 mai au 29 juin. C’est un vrai feu d’artifice de mesures et mesurettes avec un objectif évident : consolider la victoire socialiste aux législatives.
Nous ne voulons pas rabattre immédiatement cette joie militante, mais il ne faudrait d’abord pas perdre de vue que, même en cas de victoire de François Hollande, Nicolas Sarkozy sera encore président de la République jusqu’au 16 mai, ce qui ampute déjà ce calendrier frénétique d’un cinquième de sa durée. Mais passons ...
Et commençons par la première mesure : un pur symbole, la baisse de 30 % de la rémunération du chef de l’Etat et des membres du gouvernement. Admettons que François Hollande conserve peu ou prou le même nombre de ministres et secrétaires d’Etat que la moyenne des gouvernements socialistes du passé, soit environ 20 et 20. Et soyons précis dans nos calculs, ils ne seront que plus pimentés. L’économie pour la République sur une année pleine serait très exactement de 76 233 euros sur le traitement du président et de 1 982 016 euros pour les membres du gouvernement. A peine plus de deux millions par an.
A côté de cette recette gigantesque, la seconde mesure, immédiatement palpable pour les familles, serait une gratification donnée aux électeurs pour avoir voté socialiste : l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire. Rapprochons maintenant le coût de cette deuxième mesure des recettes de la première. L’allocation de rentrée scolaire a engendré une charge budgétaire pour l’Etat de 1,49 milliard d’euros en 2011. Ainsi, la promesse hollandaise se chiffre, immédiatement, à 372,5 millions d’euros. 186 fois l’économie permise par la baisse des rémunérations gouvernementales ! Cette simple comparaison des deux premières mesures de l’agenda en dit long sur l’équilibre en recettes et en dépenses du projet Hollande !
Car, à l’ouverture du bal des dépenses, il y a plus de danseurs qu’à celui des recettes.
Et le plus inquiétant est que, souvent, les premières ne sont pas chiffrées. Ainsi, le blocage du prix des carburants pour trois mois ouvre une boîte de Pandore si d’aventure le cours du brut a la fâcheuse idée de continuer sur sa lancée.
On sait comment on entre dans une logique de blocage mais on ne sait jamais comment on en sort. Trois mois sont vite passés. Le gouvernement compensera-t-il alors les pertes de recettes des compagnies pétrolières ? Qu’importe, les législatives seront derrière nous.
D’autres symboles sont certes moins coûteux, comme la possibilité immédiate pour les sexagénaires ayant commencé à travailler à 18 ans et ayant 41 années de cotisations de partir à la retraite à 60 ans. Sachant que les dispositifs «carrières longues» de MM. Raffarin et Woerth le permettaient déjà pour ceux qui ont travaillé à 17 ans, l’impact sera très faible mais permettra de faire croire aux plus naïfs que la retraite à 60 ans est de retour.
De même, les coups de menton adressés à l’Europe sous la forme d’un mémorandum sur la croissance ne mangeront pas de pain. Ils ne règleront rien à la question de fond : François Hollande osera-t-il provoquer une crise avec les Allemands et les agences de notation en renonçant à la règle d’or budgétaire ? Mais, là encore, peu importe, les urnes auront rendu leur verdict.
2 - Une fois passé ce blitzkrieg électoraliste, viendrait la seconde étape, entre le 3 juillet et le 2 août, sous la forme d’une session extraordinaire du parlement.
On retrouve alors le flou général des 60 propositions de François Hollande, dont seuls quelques détails se détachent avec précision, à portée purement symbolique. S’agissant des niches fiscales par exemple, il n’est question que du «plafonnement ou de la suppression de niches». On appréciera le passage du «des» au «de».
Les «surtaxes sur les banques et les compagnies pétrolières» ne sont pas quantifiées. Il faut dire que ces super-méchants de la finance et des carburants, dans le «comics» socialiste, auront déjà du fil à retordre avec les blocages et plafonnements qu’on voudra leur imposer. Idem pour le fameux taux de l’IR à 75 %, dont l’agenda se garde bien de rappeler son inconstitutionnalité certaine, laquelle a contraint le candidat socialiste à préciser récemment qu’il s’accompagnerait d’un nouveau bouclier fiscal.
Bah ! Tout se règlera par la parlote. On convoquera donc une énième «grande conférence pour la croissance et l’emploi» et on ouvrira un «débat national sur la transition énergétique», manière de botter en touche sur la question délicate de la fermeture progressive de centrales nucléaires. Et n’oublions pas ce sommet de novlangue : la « mise en place de la commission de préparation de l’acte II de l’exception culturelle» ! Cette commission de préparation sera-t-elle précédée d’un comité préparatoire ?
Le seul objectif un tant soit peu chiffré de cette phase sera le lancement de recrutements dans l’éducation nationale, dans le cadre des 60 000 postes prévus en cinq ans. En revanche, rien n’est dit sur les ministères et administrations où des emplois seront détruits, puisque l’objectif du maintien global des effectifs de la fonction publique est réaffirmé.
En bref, d’ici la fin de l’été, François Hollande n’aura, en deux étapes, que répandu successivement le flou réglementaire (jusqu’à fin juin) puis le flou législatif (jusqu’à fin juillet) ...
3 - S’ouvrirait alors le troisième temps de la valse et tous les autres chantiers promis par le candidat socialiste, jusqu’en juin 2013.
Les annonces s’entrechoquent et les dispositifs se chevauchent. Le vocabulaire à connotation gauchisante, sans doute pour faire pièce à Jean-Luc Mélenchon, se superpose à des mesures ayant pour vocation de renforcer le clientélisme local. Ainsi, l’invocation fort imprécise de «la lutte contre les licenciements boursiers et les restructurations sauvages» ou celle d’énigmatiques «contrats de relocalisation» amusent la galerie quand le renforcement des sanctions pour non-respect de la loi SRU en matière de logements sociaux, la capacité donnée aux régions d’investir dans les entreprises ou la suppression du conseiller territorial tendent à conforter beaucoup plus concrètement les gros bataillons d’élus socialistes et à élargir leurs clientèles.
Les lois mauvaises du marché sont conjurées pour la fixation des loyers ou la tarification dans les hôpitaux. Et les recrutements dans l’éducation et la justice se poursuivent, toujours sans aucune économie mentionnée ! Il en faudra, de la croissance, pour convaincre le monde que les finances publiques de la France seront équilibrées en 2017 !
Reste à dire un mot des mesures «sociétales», où d’ordinaire la «gauche» excelle. Le droit au mariage et à l’adoption pour tous les couples est naturellement réitéré. Mais, curieusement, le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales se fait beaucoup plus évasif. Il n’est mentionné qu’allusivement par les termes : «Droit de vote. Loi électorale». Il ne faudrait pas effaroucher l’électeur tout de même !
En définitive, cet agenda sent la précipitation. Il fallait ordonner dans le temps, sans souci de cohérence ni de coordination, les mesures prônées par le candidat Hollande. Mais le compactage de son programme ne fait qu’en souligner les incohérences et les ambiguïtés.
Si les médias ou les camps adverses prennent le temps de gratter un tant soit peu les choses, l’effet d’annonce attendu se transformera vite en effet boomerang. Heureusement pour François Hollande, dès le lendemain, il ne sera plus question que du programme de Sarkozy. Le pullulement informatif a du bon !
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Il fallait donc d’urgence, pour l’équipe de campagne du socialiste, réinvestir le réel. Et, pour cela, quoi de mieux qu’un calendrier, des dates précises qui permettent aux électeurs de se figurer concrètement les lendemains qui chantent, de se projeter dans cette France entièrement socialiste qui leur est proposée ? Ainsi le rêve serait purgé du trouble et François Hollande redeviendrait concret, immédiat, palpable.
La première année de rupture avec la politique actuelle, telle qu’elle ressort de cet «agenda du changement» est donc découpée en trois tranches. A chaque mesure correspond un texte de loi ou un décret qui en seraient les supports. Cela fait sérieux. Hélas, le fond du propos l’est beaucoup moins ...
1 - La première phase est censée durer 54 jours, du 6 mai au 29 juin. C’est un vrai feu d’artifice de mesures et mesurettes avec un objectif évident : consolider la victoire socialiste aux législatives.
Nous ne voulons pas rabattre immédiatement cette joie militante, mais il ne faudrait d’abord pas perdre de vue que, même en cas de victoire de François Hollande, Nicolas Sarkozy sera encore président de la République jusqu’au 16 mai, ce qui ampute déjà ce calendrier frénétique d’un cinquième de sa durée. Mais passons ...
Et commençons par la première mesure : un pur symbole, la baisse de 30 % de la rémunération du chef de l’Etat et des membres du gouvernement. Admettons que François Hollande conserve peu ou prou le même nombre de ministres et secrétaires d’Etat que la moyenne des gouvernements socialistes du passé, soit environ 20 et 20. Et soyons précis dans nos calculs, ils ne seront que plus pimentés. L’économie pour la République sur une année pleine serait très exactement de 76 233 euros sur le traitement du président et de 1 982 016 euros pour les membres du gouvernement. A peine plus de deux millions par an.
A côté de cette recette gigantesque, la seconde mesure, immédiatement palpable pour les familles, serait une gratification donnée aux électeurs pour avoir voté socialiste : l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire. Rapprochons maintenant le coût de cette deuxième mesure des recettes de la première. L’allocation de rentrée scolaire a engendré une charge budgétaire pour l’Etat de 1,49 milliard d’euros en 2011. Ainsi, la promesse hollandaise se chiffre, immédiatement, à 372,5 millions d’euros. 186 fois l’économie permise par la baisse des rémunérations gouvernementales ! Cette simple comparaison des deux premières mesures de l’agenda en dit long sur l’équilibre en recettes et en dépenses du projet Hollande !
Car, à l’ouverture du bal des dépenses, il y a plus de danseurs qu’à celui des recettes.
Et le plus inquiétant est que, souvent, les premières ne sont pas chiffrées. Ainsi, le blocage du prix des carburants pour trois mois ouvre une boîte de Pandore si d’aventure le cours du brut a la fâcheuse idée de continuer sur sa lancée.
On sait comment on entre dans une logique de blocage mais on ne sait jamais comment on en sort. Trois mois sont vite passés. Le gouvernement compensera-t-il alors les pertes de recettes des compagnies pétrolières ? Qu’importe, les législatives seront derrière nous.
D’autres symboles sont certes moins coûteux, comme la possibilité immédiate pour les sexagénaires ayant commencé à travailler à 18 ans et ayant 41 années de cotisations de partir à la retraite à 60 ans. Sachant que les dispositifs «carrières longues» de MM. Raffarin et Woerth le permettaient déjà pour ceux qui ont travaillé à 17 ans, l’impact sera très faible mais permettra de faire croire aux plus naïfs que la retraite à 60 ans est de retour.
De même, les coups de menton adressés à l’Europe sous la forme d’un mémorandum sur la croissance ne mangeront pas de pain. Ils ne règleront rien à la question de fond : François Hollande osera-t-il provoquer une crise avec les Allemands et les agences de notation en renonçant à la règle d’or budgétaire ? Mais, là encore, peu importe, les urnes auront rendu leur verdict.
2 - Une fois passé ce blitzkrieg électoraliste, viendrait la seconde étape, entre le 3 juillet et le 2 août, sous la forme d’une session extraordinaire du parlement.
On retrouve alors le flou général des 60 propositions de François Hollande, dont seuls quelques détails se détachent avec précision, à portée purement symbolique. S’agissant des niches fiscales par exemple, il n’est question que du «plafonnement ou de la suppression de niches». On appréciera le passage du «des» au «de».
Les «surtaxes sur les banques et les compagnies pétrolières» ne sont pas quantifiées. Il faut dire que ces super-méchants de la finance et des carburants, dans le «comics» socialiste, auront déjà du fil à retordre avec les blocages et plafonnements qu’on voudra leur imposer. Idem pour le fameux taux de l’IR à 75 %, dont l’agenda se garde bien de rappeler son inconstitutionnalité certaine, laquelle a contraint le candidat socialiste à préciser récemment qu’il s’accompagnerait d’un nouveau bouclier fiscal.
Bah ! Tout se règlera par la parlote. On convoquera donc une énième «grande conférence pour la croissance et l’emploi» et on ouvrira un «débat national sur la transition énergétique», manière de botter en touche sur la question délicate de la fermeture progressive de centrales nucléaires. Et n’oublions pas ce sommet de novlangue : la « mise en place de la commission de préparation de l’acte II de l’exception culturelle» ! Cette commission de préparation sera-t-elle précédée d’un comité préparatoire ?
Le seul objectif un tant soit peu chiffré de cette phase sera le lancement de recrutements dans l’éducation nationale, dans le cadre des 60 000 postes prévus en cinq ans. En revanche, rien n’est dit sur les ministères et administrations où des emplois seront détruits, puisque l’objectif du maintien global des effectifs de la fonction publique est réaffirmé.
En bref, d’ici la fin de l’été, François Hollande n’aura, en deux étapes, que répandu successivement le flou réglementaire (jusqu’à fin juin) puis le flou législatif (jusqu’à fin juillet) ...
3 - S’ouvrirait alors le troisième temps de la valse et tous les autres chantiers promis par le candidat socialiste, jusqu’en juin 2013.
Les annonces s’entrechoquent et les dispositifs se chevauchent. Le vocabulaire à connotation gauchisante, sans doute pour faire pièce à Jean-Luc Mélenchon, se superpose à des mesures ayant pour vocation de renforcer le clientélisme local. Ainsi, l’invocation fort imprécise de «la lutte contre les licenciements boursiers et les restructurations sauvages» ou celle d’énigmatiques «contrats de relocalisation» amusent la galerie quand le renforcement des sanctions pour non-respect de la loi SRU en matière de logements sociaux, la capacité donnée aux régions d’investir dans les entreprises ou la suppression du conseiller territorial tendent à conforter beaucoup plus concrètement les gros bataillons d’élus socialistes et à élargir leurs clientèles.
Les lois mauvaises du marché sont conjurées pour la fixation des loyers ou la tarification dans les hôpitaux. Et les recrutements dans l’éducation et la justice se poursuivent, toujours sans aucune économie mentionnée ! Il en faudra, de la croissance, pour convaincre le monde que les finances publiques de la France seront équilibrées en 2017 !
Reste à dire un mot des mesures «sociétales», où d’ordinaire la «gauche» excelle. Le droit au mariage et à l’adoption pour tous les couples est naturellement réitéré. Mais, curieusement, le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales se fait beaucoup plus évasif. Il n’est mentionné qu’allusivement par les termes : «Droit de vote. Loi électorale». Il ne faudrait pas effaroucher l’électeur tout de même !
En définitive, cet agenda sent la précipitation. Il fallait ordonner dans le temps, sans souci de cohérence ni de coordination, les mesures prônées par le candidat Hollande. Mais le compactage de son programme ne fait qu’en souligner les incohérences et les ambiguïtés.
Si les médias ou les camps adverses prennent le temps de gratter un tant soit peu les choses, l’effet d’annonce attendu se transformera vite en effet boomerang. Heureusement pour François Hollande, dès le lendemain, il ne sera plus question que du programme de Sarkozy. Le pullulement informatif a du bon !
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