Rose radio
La première émission de Radio Hollande, diffusée sur le Web uniquement, a dû essuyer les plâtres d’une technique encore insuffisamment maîtrisée et, surtout, d’une méthodologie qui, à plusieurs reprises, s’est révélée contre-productive pour l’atteinte de l’objectif recherché : vanter le projet et la personne du candidat socialiste. En soi, la chose n’est pas très grave car cette diffusion est restée de bout en bout confidentielle. Démarrée avec environ 900 personnes connectées, elle s’est conclue avec, peu ou prou, le même nombre d’auditeurs, les variations se limitant à quelques dizaines selon les moments. L’intervention de Ségolène Royal, en troisième partie, n’a rien changé à ce score étale.
Le plus gros souci technique (peut-être était-ce dû à mon matériel ou à un problème de connexion qui m’était propre, mais j’en doute), fut l’écho difficilement supportable qui redoubla toutes les phrases, rendant l’écoute particulièrement pénible. Nos web-radiophonistes en herbe ont intérêt à corriger le tir fissa, sinon le public va se lasser à la vitesse grand V. Fin de nos conseils désintéressés, ne soyons pas trop généreux.
Là où le bât blessait le plus, ce n’était pas tant par ces difficultés vénielles, que par une conception hésitante et contre-productive de l’émission. Ses promoteurs ont en effet voulu mettre trop de participants, trop de thèmes, trop d’interventions extérieures. Ils n’ont pas su choisir entre copier le principe d’une véritable émission de radio et faire oeuvre de propagande pour François Hollande, lequel n’a rien gagné à cet exercice. En fait, les promoteurs de Radio Hollande ont voulu se faire plaisir en s’écoutant parler tout en oubliant qu’ils sont avant tout engagés dans une campagne électorale.
Des exemples ?
D’abord, un bon tiers de l’émission fut consacré à un débat un peu théorique sur la constitution de la cinquième république et la fonction présidentielle, où Pierre Lescure reprit du service pour interroger Guy Carcassonne, présenté comme le plus grand constitutionnaliste français. Il s’agissait d’égratigner Sarkozy et sa pratique trop personnelle du pouvoir, mais l’objectif ne fut pas du tout atteint. On entendit au soutien de cette démonstration, comme contre-exemple opposé à Sarkozy, la voix enregistrée de De Gaulle, en son temps conspué quotidiennement par la gauche pour son «exercice solitaire du pouvoir» ! «Mongénéral» fut louangé par Carcassonne et Lescure qui semblent n’avoir jamais lu «le coup d’Etat permanent», livre d’un ancien président socialiste à qui il ne firent curieusement presque jamais référence.
De manière gênante pour Hollande, la volonté de fustiger Sarkozy tourna dès lors dans le vide et, à la fin, ce dernier fut même qualifié de «notre président», preuve que certains socialistes ont du mal à retenir les termes de «candidat sortant» et, qu’à trop vouloir focaliser le débat sur leur adversaire, ils finissent par nourrir une sorte de fascination.
Bref, au terme de cet échange juridico-politique, Sarkozy était involontairement mis en valeur. On entendit également l’enregistrement d’un De Gaulle prononçant le célèbre «aidez-moi» lors de la tentative de putsch des généraux, étrange manière de banaliser l’appel lancé par l’actuel président dans des termes identiques aujourd’hui. A vouloir singer un débat scientifique et objectif alors qu’il ne s’agit que d’une émission de propagande, Radio Hollande a donc manqué les deux cibles.
Un autre tiers du temps d’antenne fut occupé par des interventions décousues d’une certaine Constance Rivière et de Samuel Jequier, spécialiste de sondages, où ces seconds couteaux (pardon pour eux et surtout pour Samuel, garçon sympathique et intelligent que j’ai connu autrefois), reprirent certains thèmes de campagne de Hollande sans rien ajouter de neuf dans le fond ou la forme. On y entendit par exemple la confirmation que la fermeture de tribunaux d’instance sous Sarkozy avait été une mauvaise chose mais qu’il n’était pas prévu de les rouvrir. Toujours la même technique hollandaise : des critiques certes factuelles mais des formules creuses pour les propositions. «On répartira mieux les compétences entre les juridictions» nous apprit ainsi l’intervenante, ce qui ne signifie absolument rien de concret si ce n’est ouvrir la boîte de Pandore du partage des contentieux entre les tribunaux, question extrêmement complexe et délicate.
De manière assez cocasse Samuel Jequier conclut son propos en expliquant que, dans le meilleur des cas pour Hollande, le rapport de forces au deuxième tour est actuellement de 51 à 52 % ! Pas de quoi doper l’optimisme des groupies socialistes !
Vint enfin la pièce de choix en la personne de Ségolène, qui s’est aguerrie aux émissions de radio et de télé depuis 2007 et parle désormais de manière plus audible. Hélas pour son ex-compagnon, il ne fut presque pas question de lui durant l’intervention de la célèbre poitevine. Ségolène ressassa ses idées et propositions de 2007, sur la croissance écologique, les PME, etc. Elle refusa de réagir aux tueries de Toulouse et Montauban, sous prétexte que cela n’était pas décent. Elle aurait dû expliquer cette position à ses petits camarades la semaine dernière ! On s’amusa à l’entendre répondre un sonore «bonjour» à un auditeur dont il nous avait été dit trois secondes plus tôt qu’il avait été enregistré sur un répondeur. Les questions semblaient naturellement téléguidées et pourtant n’étaient guère à même de mettre en valeur l’intervenante. Ségolène fut ainsi obligée de dire que ses camarades, une fois revenus au pouvoir, rétabliraient la retraite à 60 ans «pour les salariés qui ont une cotisation complète», manière de tout dire et de ne rien dire car, précisément, la question de la durée cotisation complète est le nerf de la guerre.
Elle se laissa aller à proférer des mensonges énormes comme lorsqu’elle dit que sous les cinq ans de Sarkozy, il y a eu 1 000 chômeurs en plus par jour, ce qui ferait une augmentation du nombre de sans-emploi de 1 825 000 en cinq ans. De quoi donner du grain à moudre aux spécialistes de «Désintox» demain, dans la presse.
En résumé, il va falloir que nos web-radiophonistes socialistes choisissent le lièvre après lequel ils veulent courir : imiter une vraie radio ou faire l’apologie de leur champion. Pour l’heure, ils échouent à l’un comme à l’autre.
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