Question : Ce qui fait en partie le succès du Front national, avant même l'adhésion à ses idées (les 40% d'intentions de vote pour le FN au Nord Pas de Calais ne veulent pas forcément dire que 40% des électeurs potentiels du FN veulent mettre les immigrés dehors "violemment") et souvent même sans leur donner du crédit (la politique économique du FN ne remporte pas forcément l'adhésion des français, et même de leurs propres électeurs), ne réside-t-il pas dans le fait que ce parti est perçu comme celui incarnant un "vrai" projet de changement/d'alternative ?
Réponse : Tout d’abord, le sentiment est largement répandu que le duopole Républicains/PS, au pouvoir depuis plus de trente ans, n’est qu’une alternative de façade. Ainsi, les récentes déclarations de Nicolas Sarkozy, qui avance comme des mesures fortes un rétablissement de la défiscalisation des heures supplémentaires ou un report à 63 ans de l’âge minimum de départ à la retraite, ne peuvent que renforcer le sentiment d’une différence ténue entre ces deux formations. Ce mouvement de balancier serait supportable si les bilans des gouvernements émanant de ces formations étaient probants. Or, ils sont pitoyables : la France s’endette de plus en plus pour toujours moins de croissance, avec des impositions de plus en plus élevées et des chômeurs toujours plus nombreux. Dans ces conditions, il est parfaitement logique et rationnel qu’une large fraction de l’électorat soit tentée d’aller voir ailleurs. Or, si l’extrême gauche de Mélenchon ou des écologistes a collaboré dans le passé avec les socialistes, le Front national est vierge de toute participation aux affaires nationales. C’est donc vers lui que l’électorat le plus protestataire va se tourner. La diabolisation du FN et la dénonciation de l’incompétence de ses dirigeants passent de moins en moins bien faute pour ses détracteurs d’afficher des résultats dont ils puissent se prévaloir.
Autre facteur déterminant : PS et Républicains, de plus en plus discrets car mal à l’aise sur le sujet, restent fidèles aux principes d’une Union européenne frappée d’un discrédit croissant. Tant que ces formations n’auront pas osé franchir le pas d’une dénonciation radicale de Schengen et de l’euro, ils ne pourront recoller à une opinion de plus en plus critique.
Enfin, bien sûr, il y a le sujet de l’immigration pour lequel le Front national est seul à avoir un mot d’ordre simple : stop aux nouvelles entrées. Comme pour l’Europe, les Républicains paient auprès d’un électorat qui y est très sensible le fait de ne pas assumer clairement un choix radical en ce domaine.
Bref, en temps de crise, un nombre grandissant de Français sont à la recherche de dirigeants désinhibés. Les Républicains sont frileux. Sarkozy avait siphonné les voix du FN en 2007 parce que, justement, il paraissait s’être libéré de ce que l’électorat de droite et plus largement l’électorat populaire perçoit comme de la bien-pensance.
Question : Comment expliquer que le FN bénéficie de ce mécanisme plus que tout autre parti, en particulier la droite qui est pourtant bien dans l'opposition ? Pourquoi les Républicains qui sont en position de contester ne sont-ils pas perçus comme une vraie formation alternative ? Pourquoi les autres forces politiques ne sont-elles pas créditées de la même capacité à incarner cette promesse de changement ?
Réponse : Une fois encore, beaucoup de Français ne sont pas du tout persuadés que les Républicains incarnent une véritable opposition. Pourquoi ? Je crois que les dirigeants de ce parti restent complexés vis-à-vis du qu’en-dira-t-on médiatique. Prenons par exemple la récupération cynique par Hollande de l’émotion créée par les récents crimes islamistes à Paris. La faillite gouvernementale dans ce domaine est totale. Les députés Républicains l’ont d’ailleurs dit à l’Assemblée lors du premier débat. Aussitôt, les médias à la solde du pouvoir ont poussé les hauts cris en les faisant passer pour d’odieux personnages irrespectueux des victimes et de l’union nationale. Et hop ! Complexés, ces députés ont aussitôt présenté des excuses. Quelle erreur ! Ils auraient dû au contraire argumenter et persister à dénoncer les carences du gouvernement, son incroyable passivité face à l’islamisme en France. S’ils s’étaient battus, l’opinion se serait retournée en leur faveur et contre Hollande mais ils se sont couchés et ont perdu sur tous les tableaux. Ils sont encore victimes du politiquement correct et ne parviennent pas à se libérer de la peur de déplaire. Donc, ils ne plaisent pas. Le Front national, lui, est dans une situation ultra-confortable : même s’il ne dit rien sur le sujet les Français interprèteront son silence comme une critique virulente des socialistes et de leur laxisme. Il joue sur du velours, comme on dit au casino.
Question : La montée du FN ne vient-elle pas, en partie, du fait que les partis traditionnels ont fait une erreur de diagnostic sur les causes de poussée du FN? N'ont-ils pas trop pensé que si le FN montait, et continue de monter, c'était parce que les idées du FN progressaient alors qu'en réalité celui-ci progresse parce que il a réussi à incarner en France LA solution alternative (quelque soit la crédibilité réelle de ces propositions) ?
Réponse : Naturellement, les partis dits traditionnels ont du mal à comprendre la situation parce qu’elle implique une autocritique profonde. La France est confrontée à des périls graves et, pendant ce temps, les Français sentent que ce qui préoccupe avant tout les dirigeants Républicains c’est de se positionner les uns par rapport aux autres avant les Primaires. Ils se surveillent, se censurent et, du coup, deviennent inaudibles.
Ce que Sarkozy, Juppé ou Fillon devraient faire, c’est se lâcher vraiment et oublier leurs concurrents pour ne plus penser qu’à formuler des propositions fortes sur les seules questions qui comptent désormais : le chômage, l’Europe, l’islam et l’immigration. Tout le reste est poursuite de vent comme on lit dans la Bible.
Ils parviendraient peut être alors à montrer que le FN n’est pas crédible quand il veut à la fois fermer les frontières et relancer les dépenses publiques et l’Etat providence. Une part importante de l’électorat est à même de comprendre que cela aboutirait très vite à une situation de type argentine : hyper-inflation et faillite. Mais, pour être audible dans cet exercice de critique du discours frontiste, il faudrait au préalable qu’ils reconnaissent que la technocratie européenne, l’islam réactionnaire ou l’impuissance des politiques migratoires deviennent odieux à un nombre grandissant de Français, ce que le Front national est seul à traduire ouvertement.
Question : En se trompant de diagnostic et donc en mettant en place des solutions erronées, les partis traditionnels n'ont-ils pas fait encore plus monter le Front National, en tout cas avec une telle ampleur ? Le FN en joue-t-il ? Comment et que risque-t-on? Les Français n'expriment-ils pas ainsi qu'ils ne veulent pas nécessairement des discours techniques démontant le programme du FN, ni de discours d'ordre moral ?
Réponse : Leur incapacité est de manière évidente la cause numéro un de la montée du Front national. Ce dernier n’a pas grand chose à faire pour en jouer. Il n’a qu’à observer les forces autodestructrices à l’oeuvre chez ses concurrents. Pour redresser la barre, ils doivent cesser de se focaliser sur le Front national lui-même pour ne parler que de ce qui fait monter le Front national, c’est à dire l’ulcération de l’opinion face à l’impuissance de l’Etat à affronter les problèmes exposés plus haut. Quand on voit à quel point les partis traditionnels se voilent la face, sans mauvais jeu de mot, face à la prolifération des accoutrements bigots dans l’espace public et que pas un n’a encore osé dire clairement qu’il étendrait à tous les services publics l’interdiction du port des signes religieux ostentatoires, on se dit que ces formations ont encore tout à faire pour reconquérir l’opinion. Nous sommes probablement à la veille d’un vrai bouleversement, avec un Front national largement en tête des Régionales, un séisme politique de premier ordre. Mais, tétanisés, il n’est même pas sûr que les Républicains parviennent à élaborer une réponse crédible.
Question : Quelle serait la solution pour la gauche ou la droite de gouvernement pour lutter efficacement contre la hausse du FN? La solution ne serait-elle pas pour les partis traditionnels de réussir à convaincre plutôt qu'à raisonner/moraliser les Français qu'ils sont réellement capables de les sortir du marasme, autrement que par des discours de "technocrates"?
Réponse : Il n’y a pas trente six solutions, à mon humble avis. Il faut que ces partis disent clairement que, désormais, le peuple doit parler et trancher : qu’un referendum doit décider de la réduction du nombre d’élus et des dépenses publiques, un autre de la politique migratoire, un autre de la réaffirmation d’une laïcité sans concession et un dernier de nos engagements européens. Ce recours solennel à la souveraineté populaire est la seule manière désormais de leur redonner de la crédibilité, de les ressourcer à la démocratie. Sinon, que ce soit en 2017 ou en 2022 au plus tard, ils sombreront. Du reste, il suffirait d’un ou deux massacres islamistes supplémentaires, du tassement d’une croissance déjà poussive et d’une pluralité de candidats à droite du fait de Primaires ratées, pour que, dès 2017, Marine Le Pen soit élue face à une gauche démonétisée et une droite atomisée.
Réponse : Tout d’abord, le sentiment est largement répandu que le duopole Républicains/PS, au pouvoir depuis plus de trente ans, n’est qu’une alternative de façade. Ainsi, les récentes déclarations de Nicolas Sarkozy, qui avance comme des mesures fortes un rétablissement de la défiscalisation des heures supplémentaires ou un report à 63 ans de l’âge minimum de départ à la retraite, ne peuvent que renforcer le sentiment d’une différence ténue entre ces deux formations. Ce mouvement de balancier serait supportable si les bilans des gouvernements émanant de ces formations étaient probants. Or, ils sont pitoyables : la France s’endette de plus en plus pour toujours moins de croissance, avec des impositions de plus en plus élevées et des chômeurs toujours plus nombreux. Dans ces conditions, il est parfaitement logique et rationnel qu’une large fraction de l’électorat soit tentée d’aller voir ailleurs. Or, si l’extrême gauche de Mélenchon ou des écologistes a collaboré dans le passé avec les socialistes, le Front national est vierge de toute participation aux affaires nationales. C’est donc vers lui que l’électorat le plus protestataire va se tourner. La diabolisation du FN et la dénonciation de l’incompétence de ses dirigeants passent de moins en moins bien faute pour ses détracteurs d’afficher des résultats dont ils puissent se prévaloir.
Autre facteur déterminant : PS et Républicains, de plus en plus discrets car mal à l’aise sur le sujet, restent fidèles aux principes d’une Union européenne frappée d’un discrédit croissant. Tant que ces formations n’auront pas osé franchir le pas d’une dénonciation radicale de Schengen et de l’euro, ils ne pourront recoller à une opinion de plus en plus critique.
Enfin, bien sûr, il y a le sujet de l’immigration pour lequel le Front national est seul à avoir un mot d’ordre simple : stop aux nouvelles entrées. Comme pour l’Europe, les Républicains paient auprès d’un électorat qui y est très sensible le fait de ne pas assumer clairement un choix radical en ce domaine.
Bref, en temps de crise, un nombre grandissant de Français sont à la recherche de dirigeants désinhibés. Les Républicains sont frileux. Sarkozy avait siphonné les voix du FN en 2007 parce que, justement, il paraissait s’être libéré de ce que l’électorat de droite et plus largement l’électorat populaire perçoit comme de la bien-pensance.
Question : Comment expliquer que le FN bénéficie de ce mécanisme plus que tout autre parti, en particulier la droite qui est pourtant bien dans l'opposition ? Pourquoi les Républicains qui sont en position de contester ne sont-ils pas perçus comme une vraie formation alternative ? Pourquoi les autres forces politiques ne sont-elles pas créditées de la même capacité à incarner cette promesse de changement ?
Réponse : Une fois encore, beaucoup de Français ne sont pas du tout persuadés que les Républicains incarnent une véritable opposition. Pourquoi ? Je crois que les dirigeants de ce parti restent complexés vis-à-vis du qu’en-dira-t-on médiatique. Prenons par exemple la récupération cynique par Hollande de l’émotion créée par les récents crimes islamistes à Paris. La faillite gouvernementale dans ce domaine est totale. Les députés Républicains l’ont d’ailleurs dit à l’Assemblée lors du premier débat. Aussitôt, les médias à la solde du pouvoir ont poussé les hauts cris en les faisant passer pour d’odieux personnages irrespectueux des victimes et de l’union nationale. Et hop ! Complexés, ces députés ont aussitôt présenté des excuses. Quelle erreur ! Ils auraient dû au contraire argumenter et persister à dénoncer les carences du gouvernement, son incroyable passivité face à l’islamisme en France. S’ils s’étaient battus, l’opinion se serait retournée en leur faveur et contre Hollande mais ils se sont couchés et ont perdu sur tous les tableaux. Ils sont encore victimes du politiquement correct et ne parviennent pas à se libérer de la peur de déplaire. Donc, ils ne plaisent pas. Le Front national, lui, est dans une situation ultra-confortable : même s’il ne dit rien sur le sujet les Français interprèteront son silence comme une critique virulente des socialistes et de leur laxisme. Il joue sur du velours, comme on dit au casino.
Question : La montée du FN ne vient-elle pas, en partie, du fait que les partis traditionnels ont fait une erreur de diagnostic sur les causes de poussée du FN? N'ont-ils pas trop pensé que si le FN montait, et continue de monter, c'était parce que les idées du FN progressaient alors qu'en réalité celui-ci progresse parce que il a réussi à incarner en France LA solution alternative (quelque soit la crédibilité réelle de ces propositions) ?
Réponse : Naturellement, les partis dits traditionnels ont du mal à comprendre la situation parce qu’elle implique une autocritique profonde. La France est confrontée à des périls graves et, pendant ce temps, les Français sentent que ce qui préoccupe avant tout les dirigeants Républicains c’est de se positionner les uns par rapport aux autres avant les Primaires. Ils se surveillent, se censurent et, du coup, deviennent inaudibles.
Ce que Sarkozy, Juppé ou Fillon devraient faire, c’est se lâcher vraiment et oublier leurs concurrents pour ne plus penser qu’à formuler des propositions fortes sur les seules questions qui comptent désormais : le chômage, l’Europe, l’islam et l’immigration. Tout le reste est poursuite de vent comme on lit dans la Bible.
Ils parviendraient peut être alors à montrer que le FN n’est pas crédible quand il veut à la fois fermer les frontières et relancer les dépenses publiques et l’Etat providence. Une part importante de l’électorat est à même de comprendre que cela aboutirait très vite à une situation de type argentine : hyper-inflation et faillite. Mais, pour être audible dans cet exercice de critique du discours frontiste, il faudrait au préalable qu’ils reconnaissent que la technocratie européenne, l’islam réactionnaire ou l’impuissance des politiques migratoires deviennent odieux à un nombre grandissant de Français, ce que le Front national est seul à traduire ouvertement.
Question : En se trompant de diagnostic et donc en mettant en place des solutions erronées, les partis traditionnels n'ont-ils pas fait encore plus monter le Front National, en tout cas avec une telle ampleur ? Le FN en joue-t-il ? Comment et que risque-t-on? Les Français n'expriment-ils pas ainsi qu'ils ne veulent pas nécessairement des discours techniques démontant le programme du FN, ni de discours d'ordre moral ?
Réponse : Leur incapacité est de manière évidente la cause numéro un de la montée du Front national. Ce dernier n’a pas grand chose à faire pour en jouer. Il n’a qu’à observer les forces autodestructrices à l’oeuvre chez ses concurrents. Pour redresser la barre, ils doivent cesser de se focaliser sur le Front national lui-même pour ne parler que de ce qui fait monter le Front national, c’est à dire l’ulcération de l’opinion face à l’impuissance de l’Etat à affronter les problèmes exposés plus haut. Quand on voit à quel point les partis traditionnels se voilent la face, sans mauvais jeu de mot, face à la prolifération des accoutrements bigots dans l’espace public et que pas un n’a encore osé dire clairement qu’il étendrait à tous les services publics l’interdiction du port des signes religieux ostentatoires, on se dit que ces formations ont encore tout à faire pour reconquérir l’opinion. Nous sommes probablement à la veille d’un vrai bouleversement, avec un Front national largement en tête des Régionales, un séisme politique de premier ordre. Mais, tétanisés, il n’est même pas sûr que les Républicains parviennent à élaborer une réponse crédible.
Question : Quelle serait la solution pour la gauche ou la droite de gouvernement pour lutter efficacement contre la hausse du FN? La solution ne serait-elle pas pour les partis traditionnels de réussir à convaincre plutôt qu'à raisonner/moraliser les Français qu'ils sont réellement capables de les sortir du marasme, autrement que par des discours de "technocrates"?
Réponse : Il n’y a pas trente six solutions, à mon humble avis. Il faut que ces partis disent clairement que, désormais, le peuple doit parler et trancher : qu’un referendum doit décider de la réduction du nombre d’élus et des dépenses publiques, un autre de la politique migratoire, un autre de la réaffirmation d’une laïcité sans concession et un dernier de nos engagements européens. Ce recours solennel à la souveraineté populaire est la seule manière désormais de leur redonner de la crédibilité, de les ressourcer à la démocratie. Sinon, que ce soit en 2017 ou en 2022 au plus tard, ils sombreront. Du reste, il suffirait d’un ou deux massacres islamistes supplémentaires, du tassement d’une croissance déjà poussive et d’une pluralité de candidats à droite du fait de Primaires ratées, pour que, dès 2017, Marine Le Pen soit élue face à une gauche démonétisée et une droite atomisée.