74 millions d'euros, une broutille. C'est ce qu'a accepté de payer un enchérisseur anonyme pour une sculpture à taille humaine d'Alberto Giacometti qui vécut une vie d'austère labeur, passant des décennies, dans son petit atelier du 14ème arrondissement, à fouailler le plâtre pour retrouver le fil perdu de l'art antique et des figurines étrusques. Il y parvint, nous laissant une oeuvre intemporelle.
Alors que des collectionneurs sacrifient des fortunes pour une seule pièce, que deviennent les quelque 700 dessins, peintures et sculptures laissés dans son atelier ? Giacometti est mort en 1966 et Annette, sa femme, en 1993, léguant tout son contenu à une fondation alors en cours de création afin que le public puisse en profiter. Oui mais voilà, un tel trésor suscite la convoitise. 44 ans après le décès de l'artiste et 17 ans après celui de sa veuve, l'encéphalogramme du projet est désespérément plat. Au début, il y eut les réticences du ministère de la culture qui n'aime pas les fondations privées. Il leur préfère les musées et pendant plusieurs années, il mena un combat de retardement au point qu'un député posa une question écrite au ministre pour s'émouvoir de la situation. C'était en 1999 et, depuis, les choses ont peu évolué. Il faut dire que quelques sangsues se sont posées sur l'héritage.
Roland Dumas, ex-avocat de Giacometti et de sa veuve, a ainsi été condamné en compagnie de Jacques Tajan, commissaire-priseur, après une vente aux enchères de 18 oeuvres de la succession -14 sculptures et quatre peintures- qui a rapporté plus de 6,5 millions d'euros. La Cour de cassation avait souligné que : "d'une part ... Jacques Tajan a utilisé pendant plusieurs années les sommes revenant à la succession Giacometti afin d'alimenter le fonds de roulement de sa propre étude qui a ainsi présenté une trésorerie positive, réalisé des économies de frais financiers et amélioré ses résultats. D'autre part, cette situation a été rendue possible grâce à un accord passé préalablement avec Roland Dumas, lequel a, en contrepartie, bénéficié d'honoraires ne correspondant pas aux prestations réalisées". C'est du propre !
Ce rappel à la loi n'a en tout cas pas permis d'accélérer l'ouverture de la fondation dans un immeuble pourtant acheté par Annette Giacometti avant de mourir. Car cette institution, désormais créée, et une association, dirigée par l'ex-secrétaire d'Annette, se disputent l'hôtel particulier censé abriter la collection. On peine à croire, cependant, qu'avec tous les moyens dont elle jouit (elle revendique des réserves financières confortables), la fondation n'ait pas trouvé une solution alternative.
Ce conflit ne peut d'ailleurs tout justifier. Lorsqu'on visite le site Internet de la fondation, plutôt rudimentaire vu les moyens dont elle dispose, voir en cliquant ici, on constate que la photothèque de la collection ne montre que 45 oeuvres ! Comme il est inenvisageable que les autres aient disparu (une exposition a d'ailleurs été organisée en 2007 à Beaubourg, c'est bien le moins), on ne peut qu'en conclure que le travail de photographie et de mise en ligne est trop lourd pour cette institution. Qui lui trouvera un stagiaire muni d'un appareil numérique ?
En résumé, de procès en dérives bureaucratiques, de chicayas entre ayants-droit en inertie, complots et jalousies, les Parisiens et tous les amateurs d'art sont privés depuis des décennies d'un musée que de généreux légataires avaient conçu et financé avant leur mort. Un parfait exemple de ratage à la française au moment où, à l'étranger, on paie des fortunes pour acquérir le centième dont on dispose gratuitement en France et qu'on expose tous les 36 du mois.
Et l'on ne vous parlera pas aujourd'hui de la désolante affaire de la collection d'Helmut Newton, dont les photographies sont parties en Allemagne car ce formidable artiste, portraitiste mordant des trente glorieuses, ne correspondait pas aux canons esthétiques de nos bureaucrates du regard.
Alors que des collectionneurs sacrifient des fortunes pour une seule pièce, que deviennent les quelque 700 dessins, peintures et sculptures laissés dans son atelier ? Giacometti est mort en 1966 et Annette, sa femme, en 1993, léguant tout son contenu à une fondation alors en cours de création afin que le public puisse en profiter. Oui mais voilà, un tel trésor suscite la convoitise. 44 ans après le décès de l'artiste et 17 ans après celui de sa veuve, l'encéphalogramme du projet est désespérément plat. Au début, il y eut les réticences du ministère de la culture qui n'aime pas les fondations privées. Il leur préfère les musées et pendant plusieurs années, il mena un combat de retardement au point qu'un député posa une question écrite au ministre pour s'émouvoir de la situation. C'était en 1999 et, depuis, les choses ont peu évolué. Il faut dire que quelques sangsues se sont posées sur l'héritage.
Roland Dumas, ex-avocat de Giacometti et de sa veuve, a ainsi été condamné en compagnie de Jacques Tajan, commissaire-priseur, après une vente aux enchères de 18 oeuvres de la succession -14 sculptures et quatre peintures- qui a rapporté plus de 6,5 millions d'euros. La Cour de cassation avait souligné que : "d'une part ... Jacques Tajan a utilisé pendant plusieurs années les sommes revenant à la succession Giacometti afin d'alimenter le fonds de roulement de sa propre étude qui a ainsi présenté une trésorerie positive, réalisé des économies de frais financiers et amélioré ses résultats. D'autre part, cette situation a été rendue possible grâce à un accord passé préalablement avec Roland Dumas, lequel a, en contrepartie, bénéficié d'honoraires ne correspondant pas aux prestations réalisées". C'est du propre !
Ce rappel à la loi n'a en tout cas pas permis d'accélérer l'ouverture de la fondation dans un immeuble pourtant acheté par Annette Giacometti avant de mourir. Car cette institution, désormais créée, et une association, dirigée par l'ex-secrétaire d'Annette, se disputent l'hôtel particulier censé abriter la collection. On peine à croire, cependant, qu'avec tous les moyens dont elle jouit (elle revendique des réserves financières confortables), la fondation n'ait pas trouvé une solution alternative.
Ce conflit ne peut d'ailleurs tout justifier. Lorsqu'on visite le site Internet de la fondation, plutôt rudimentaire vu les moyens dont elle dispose, voir en cliquant ici, on constate que la photothèque de la collection ne montre que 45 oeuvres ! Comme il est inenvisageable que les autres aient disparu (une exposition a d'ailleurs été organisée en 2007 à Beaubourg, c'est bien le moins), on ne peut qu'en conclure que le travail de photographie et de mise en ligne est trop lourd pour cette institution. Qui lui trouvera un stagiaire muni d'un appareil numérique ?
En résumé, de procès en dérives bureaucratiques, de chicayas entre ayants-droit en inertie, complots et jalousies, les Parisiens et tous les amateurs d'art sont privés depuis des décennies d'un musée que de généreux légataires avaient conçu et financé avant leur mort. Un parfait exemple de ratage à la française au moment où, à l'étranger, on paie des fortunes pour acquérir le centième dont on dispose gratuitement en France et qu'on expose tous les 36 du mois.
Et l'on ne vous parlera pas aujourd'hui de la désolante affaire de la collection d'Helmut Newton, dont les photographies sont parties en Allemagne car ce formidable artiste, portraitiste mordant des trente glorieuses, ne correspondait pas aux canons esthétiques de nos bureaucrates du regard.