1 - "Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu" de Woody Allen.
Avouons que c'est à reculons que nous sommes allés à la rencontre de ce mystérieux personnage. Mais le climat pluvieux de Londres réussit mieux à Allen que les chaleurs de la Catalogne ( voir là). A croire que plus le cinéaste new-yorkais affronte une température élevée, plus son cinéma s'engourdit. Curieux paradoxe ...
En tous cas, le bel et sombre inconnu nous offre un film parfois légèrement verbeux (c'est le défaut récurrent de toute son oeuvre), mais, dans l'ensemble, enlevé, vif, piquant et stimulant. Allen a une longue expérience de la vie. Il entend démontrer que les gens ne sont heureux que dans l'illusion et la croyance irrationnelle. La réalité est dure et sordide : les intérêts qui s'affrontent, l'exploitation des faibles, la malhonnêteté comme seul moyen de s'en sortir. Chacun ment aux autres et à lui-même et seuls ceux qui croient à leur propre mensonge parviennent à trouver un peu de quiétude. Tristesse et tendresse à la fois, le mélange n'est pas facile à faire mais Woody y parvient avec brio. Il est impressionnant de parvenir à réaliser un film par an et de se tenir ce niveau de qualité et d'inventivité. Et puis Naomi Watts est épatante, comme d'habitude.
2 - Gérôme à Orsay.
La guéguerre entre les "pompiers" et les impressionnistes, qui fait figure d'archétype des batailles culturelles, avait fini, depuis l'ouverture du musée d'Orsay, par se solder par la victoire des derniers mais la reconnaissance tardive de certaines qualités chez les premiers.
L'exposition Gérôme, la première depuis plus de 100 ans à Paris, est extrêmement intéressante car elle permet de revoir l'oeuvre de celui qui fut sans doute le plus talentueux des peintres académiques qui luttèrent contre le courant nouveau.
On savait que Gérôme était un dessinateur brillant et un coloriste impressionnant : la conjonction des deux talents est rare et produit presque toujours des artistes importants comme Poussin, Ingres ou Picasso. Le qualificatif d'académique lui est inapproprié. Car Gérôme se joue des perspectives, des mises en scène, des lumières et des détails anatomiques avec la même facilité qu'Ingres.
Ses tableaux orientalistes sont des merveilles techniques, ses toiles historicistes des régals pour l'oeil comme pour l'esprit car les reconstitutions de l'antiquité ou de l'Ancien régime qu'il nous offre sont délicieuses et bien pensées.
Que peut-on alors lui reprocher ? Il était en réalité un artiste idéaliste qui savait s'appuyer sur une technique impitoyablement réaliste. La frontière entre peinture "académique" et "novatrice" est d'ailleurs fluctuante dans l'oeuvre de nombreux artistes : Puvis de Chavanne ou Renoir étaient-il l'un ou l'autre ? Il a fallu attendre les post-impressionnistes pour que la radicalité triomphe vraiment.
A y repenser, l'opprobre dont souffre encore Gérôme est d'origine clanique : c'est son engagement idiot et actif contre les impressionnistes, ses efforts pour leur nuire, les faire exclure des salons et des commandes publiques. Il est normal que ces derniers et leurs partisans, triomphants, aient cherché à se venger en le conspuant ou le moquant. A rebours, les reproches qui lui sont faits sont souvent infondés, comme par exemple quand Zola se moque du fait que ses tableaux soient reproduits massivement par l'estampe ou la photographie. Gérôme n'a fait qu'anticiper un mouvement de multiplication des supports qui triomphera plus tard et sera même revendiqué par Warhol ou beaucoup d'autres.
En tous cas, la guéguerre entre le "pompier" et l'impressionniste a eu un résultat désastreux : tour à tour, chacun a discrédité et neutralisé l'autre dans la constitution des collections publiques. On sait à quel point, depuis 1950, les musées français peinent à étoffer leurs collections impressionnistes et surtout post-impressionnistes. L'indigence des ensembles du douanier Rousseau, de Seurat, de Van Gogh ou Gauguin, présentés hors du musée d'Orsay est une honte pour la France.
Mais on réalise aussi, hélas, que le plus clair de l'oeuvre de Gérôme est désormais outre-atlantique. C'est l'intérêt et l'amertume de cette exposition passionnante de nous le montrer.
3 - Le Moyen-âge en Slovaquie
Le sujet peut sembler un peu austère et il faut bien avouer que l'onde artistique médiévale est arrivée avec retard et affaiblie en Slovaquie. Alors que Botticelli flamboyait, les peintres slovaques s'affairaient de manière un peu besogneuse et maladroite à leurs grands retables. Mais il est une exception de taille à ce méchant constat : un sculpteur du nom de Paul de Levoca, fabuleux de puissance réaliste et dont la découverte vaut à elle-seule le déplacement au musée du Moyen-âge.
4 - Archéologues à Angkor
On doit à James Bond la félicité de savoir qu'on vit deux fois ce qui permet à l'amateur de belles choses de mourir une première fois après avoir vu Venise puis une seconde après avoir contemplé Angkor, cette incroyable jungle de pierres et d'arbres. La petite exposition du musée Cernuschi ravira surtout ceux qui connaissent bien le site car, malgré la qualité des photographies, l'accrochage est un peu fatigant et le propos central : le rôle de l'école française d'Extrême-Orient dans la redécouverte et le sauvetage des lieux, s'adresse avant tout aux spécialistes. Mais il est bon de ne pas toujours se soucier de thématiques tape-à-l'oeil. Bravo donc à Cernuschi et son équipe.
Avouons que c'est à reculons que nous sommes allés à la rencontre de ce mystérieux personnage. Mais le climat pluvieux de Londres réussit mieux à Allen que les chaleurs de la Catalogne ( voir là). A croire que plus le cinéaste new-yorkais affronte une température élevée, plus son cinéma s'engourdit. Curieux paradoxe ...
En tous cas, le bel et sombre inconnu nous offre un film parfois légèrement verbeux (c'est le défaut récurrent de toute son oeuvre), mais, dans l'ensemble, enlevé, vif, piquant et stimulant. Allen a une longue expérience de la vie. Il entend démontrer que les gens ne sont heureux que dans l'illusion et la croyance irrationnelle. La réalité est dure et sordide : les intérêts qui s'affrontent, l'exploitation des faibles, la malhonnêteté comme seul moyen de s'en sortir. Chacun ment aux autres et à lui-même et seuls ceux qui croient à leur propre mensonge parviennent à trouver un peu de quiétude. Tristesse et tendresse à la fois, le mélange n'est pas facile à faire mais Woody y parvient avec brio. Il est impressionnant de parvenir à réaliser un film par an et de se tenir ce niveau de qualité et d'inventivité. Et puis Naomi Watts est épatante, comme d'habitude.
2 - Gérôme à Orsay.
La guéguerre entre les "pompiers" et les impressionnistes, qui fait figure d'archétype des batailles culturelles, avait fini, depuis l'ouverture du musée d'Orsay, par se solder par la victoire des derniers mais la reconnaissance tardive de certaines qualités chez les premiers.
L'exposition Gérôme, la première depuis plus de 100 ans à Paris, est extrêmement intéressante car elle permet de revoir l'oeuvre de celui qui fut sans doute le plus talentueux des peintres académiques qui luttèrent contre le courant nouveau.
On savait que Gérôme était un dessinateur brillant et un coloriste impressionnant : la conjonction des deux talents est rare et produit presque toujours des artistes importants comme Poussin, Ingres ou Picasso. Le qualificatif d'académique lui est inapproprié. Car Gérôme se joue des perspectives, des mises en scène, des lumières et des détails anatomiques avec la même facilité qu'Ingres.
Ses tableaux orientalistes sont des merveilles techniques, ses toiles historicistes des régals pour l'oeil comme pour l'esprit car les reconstitutions de l'antiquité ou de l'Ancien régime qu'il nous offre sont délicieuses et bien pensées.
Que peut-on alors lui reprocher ? Il était en réalité un artiste idéaliste qui savait s'appuyer sur une technique impitoyablement réaliste. La frontière entre peinture "académique" et "novatrice" est d'ailleurs fluctuante dans l'oeuvre de nombreux artistes : Puvis de Chavanne ou Renoir étaient-il l'un ou l'autre ? Il a fallu attendre les post-impressionnistes pour que la radicalité triomphe vraiment.
A y repenser, l'opprobre dont souffre encore Gérôme est d'origine clanique : c'est son engagement idiot et actif contre les impressionnistes, ses efforts pour leur nuire, les faire exclure des salons et des commandes publiques. Il est normal que ces derniers et leurs partisans, triomphants, aient cherché à se venger en le conspuant ou le moquant. A rebours, les reproches qui lui sont faits sont souvent infondés, comme par exemple quand Zola se moque du fait que ses tableaux soient reproduits massivement par l'estampe ou la photographie. Gérôme n'a fait qu'anticiper un mouvement de multiplication des supports qui triomphera plus tard et sera même revendiqué par Warhol ou beaucoup d'autres.
En tous cas, la guéguerre entre le "pompier" et l'impressionniste a eu un résultat désastreux : tour à tour, chacun a discrédité et neutralisé l'autre dans la constitution des collections publiques. On sait à quel point, depuis 1950, les musées français peinent à étoffer leurs collections impressionnistes et surtout post-impressionnistes. L'indigence des ensembles du douanier Rousseau, de Seurat, de Van Gogh ou Gauguin, présentés hors du musée d'Orsay est une honte pour la France.
Mais on réalise aussi, hélas, que le plus clair de l'oeuvre de Gérôme est désormais outre-atlantique. C'est l'intérêt et l'amertume de cette exposition passionnante de nous le montrer.
3 - Le Moyen-âge en Slovaquie
Le sujet peut sembler un peu austère et il faut bien avouer que l'onde artistique médiévale est arrivée avec retard et affaiblie en Slovaquie. Alors que Botticelli flamboyait, les peintres slovaques s'affairaient de manière un peu besogneuse et maladroite à leurs grands retables. Mais il est une exception de taille à ce méchant constat : un sculpteur du nom de Paul de Levoca, fabuleux de puissance réaliste et dont la découverte vaut à elle-seule le déplacement au musée du Moyen-âge.
4 - Archéologues à Angkor
On doit à James Bond la félicité de savoir qu'on vit deux fois ce qui permet à l'amateur de belles choses de mourir une première fois après avoir vu Venise puis une seconde après avoir contemplé Angkor, cette incroyable jungle de pierres et d'arbres. La petite exposition du musée Cernuschi ravira surtout ceux qui connaissent bien le site car, malgré la qualité des photographies, l'accrochage est un peu fatigant et le propos central : le rôle de l'école française d'Extrême-Orient dans la redécouverte et le sauvetage des lieux, s'adresse avant tout aux spécialistes. Mais il est bon de ne pas toujours se soucier de thématiques tape-à-l'oeil. Bravo donc à Cernuschi et son équipe.