Existe en rose !
1 - Souillé jusque dans son fondement
«La France sera toujours aux côtés des artistes comme je le suis aux côtés de Paul McCarthy, qui a été finalement souillé dans son œuvre, quel que soit le regard que l’on pouvait porter sur elle» a déclaré, empreint d'une solennité un peu forcée, François Hollande lors de l'inauguration pipolissime de la nouvelle fondation LVMH dans le bois de Boulogne.
Mais qui diable écrit donc ces discours mal fagotés, fautes de goût dans ce nouveau temple du prêt à porter et de l'art contemporain réunis ? Lacan se serait délecté du sens caché de cette formule, la notion d'oeuvre ayant un petit côté religieux et procréateur. La Vierge était par exemple grosse des oeuvres du Seigneur selon les écritures. Et l'on se réfère parfois à l'oeuvre de chair pour désigner pudiquement la bagatelle. Pour faire bonne mesure et parce qu'il n'ose pas afficher un soutien total à l'artiste plugeur, Hollande a toutefois relevé qu'on peut considérer le godemiché monumental de la place Vendôme de bien des manières. En tout, son courage est calculé. Il est tempéré jusque dans le rejet de la souillure.
Il n'y a pas qu'en France que la petite coterie internationale de l'art provocateur autoproclamé a sévi ces dernières années. L'italien Maurizio Catellan par exemple s'est distrait et a été fort bien rémunéré par des nouveaux riches en quête de frisson contestataire pour représenter un Jean-Paul II écrasé par une météorite ou pour dresser un doigt d'honneur marmoréen géant face à la bourse de Milan. Naturellement, les cibles sont toujours les mêmes et garantissent le bon repos des conformistes : George W. Bush, les prélats catholiques, les banquiers, etc. On n'imagine guère les mêmes s'en prenant à la Kaaba, à Obama ou aux journalistes par un détournement blasphématoire ou un rêve homicide. Trop dangereux ou trop mal vu ...
Tous ces gens revendiquent l'héritage de Marcel Duchamp qui parvint à être refusé par le salon des refusés. Mais Duchamp rendait hommage aux maîtres anciens par des touches minimalistes et à peine insolentes, en ajoutant par exemple moustache et formule ambiguë au portrait de Mona Lisa. Beaucoup n'ont toujours pas compris qu'il faut articuler distinctement L.H.O.O.Q. pour en saisir le sens.
Catellan, Mac Carthy ou Koons trahissent leurs intentions purement mercantiles et la faiblesse de leur inspiration par leur recours au gigantesque. Il s'agit d'en imposer. Leur art est tout entier dans son concept. Ce sont d'autres qu'eux qui fabriquent et parfois même dessinent leurs sculptures. Ils sont de simples récupérateurs/recycleurs de matériaux et d'idées, ne prennent aucun risque réel alors que le véritable artiste ne sait jamais, quand il apprête une toile ou entame un marbre, s'il parviendra à une résultat satisfaisant. Bref, ils n'explorent pas leurs propres limites mais tirent parti de celles des autres. Ce sont des démagogues dont la seule particularité est de s'adresser à un public riche et restreint. De quoi rassurer un socialiste français dansant du ventre devant la finance ennemie ...
En attendant, on ne voit toujours pas à l'UMP qui sera capable de dégonfler le plug élyséen. Sarkozy chante une vieille antienne et promet des referendums sur des sujets mineurs alors qu'il faudrait les utiliser pour réformer en profondeur la république et ses administrations.
Juppé se contente de surfer sur une vague atlantique de sondages favorables et le pauvre Fillon n'a plus assez de doigts pour compter les fidèles qui le trahissent. Le gouvernement vient de porter un coup de canif historique au principe d'universalité des prestations familiales mais la droite n'est pas capable de descendre massivement dans la rue pour le contraindre à reculer. Ce serait d'autant plus opportun que, même à gauche, de nombreuses voix s'élèvent pour critiquer une mesure qui étend indûment et dangereusement aux prestations sociales la logique de l'impôt.
Le seul succès de François Hollande, sa seule manière d'opérer depuis toujours consistent à énerver au sens premier du terme ses opposants ; à les enliser, les fatiguer, les dégoûter. Nom d'un plug, il y parvient, quitte à endormir la France.
2 - L'attrape-Macron
En apparence, Macron prend les députés frondeurs et autres crypto gauchistes du PS à rebrousse poil. Il parle de réformes des allocations chômage, de seuils sociaux, de la libéralisation des transports en autobus, de travail du dimanche, etc. Enfin ... il ne fait en réalité que les évoquer de manière ambiguë. Aussitôt, Hollande ou Cambadélis font savoir qu'il ne s'agit que de débats éthérés, pas même de propositions murmurées. Puis Valls dit tout et son contraire.
A ce degré de constance dans la cacophonie, on peut légitimement soupçonner une attitude concertée et une répartition des rôles. Quand président et premier secrétaire du PS s'adressent au marigot socialiste, le ministre de l'économie tente de faire croire à Bruxelles, Berlin et Francfort que la volonté réformatrice est bien là.
Le gros "hic" est que les mesures envisagées, concernant par exemple les professions réglementées, ne réduiraient en rien les déficits publics, souci premier de nos partenaires en Europe. Si elles étaient vraiment adoptées, elles amélioreraient peut-être un peu la croissance. Mais dans des proportions dérisoires au regard des effets de la politique de change de la BCE, du caractère dissuasif pour l'activité économique des hausses d'impôt décidées en début de quinquennat, de la loi Duflot, des combats d'arrière-garde des taxis, soutenus par le gouvernement, de la paralysie du pouvoir sur le dossier explosif du financement des régimes de retraites dont la faillite devient une perspective crédible ... Du reste, sur la plupart de ces sujets, l'action gouvernementale omet soigneusement de préciser que les notables locaux peuvent parfaitement et ont d'ailleurs fermement l'intention de la contrecarrer. Ainsi en est-il de la baisse des prélèvements, de l'embauche d'agents publics, du recours à l'emprunt, du travail du dimanche, de la règlementation locale des taxis et transports publics. On en est encore, alors que le commerce parisien est en crise grave, à se demander s'il est opportun d'autoriser les Galeries Lafayette et le Printemps à accueillir la clientèle du dimanche ! Pour autant que le TGV ne soit ni en grève ni trop en retard, Chinois, Russes et Arabes du Golfe ont vite fait d'aller à Londres acheter leurs sacs Birkin et leurs tailleurs Chanel.
Macron est un valet de trèfle manipulé devant la commission européenne par le joueur de bonneteau élyséen. Mais les temps sont durs et il y a de moins en moins de gogos à plumer.
Espérons qu'il en reste suffisamment à la Commission de Bruxelles pour croire - ou faire semblant de croire - que les déficits publics français ne dépasseront pas allégrement les 5 % du PIB cette année comme l'an prochain.
3 - Le grand bazarnement
Ségo est déchaînée et c'est comme cela qu'on l'aime. Grande Mammamouchi de la transition énergétique, la ministre de l'environnement, des transports et de l'heure d'hiver flingue à tout va. En une seule semaine, elle a réussi à abattre l'écotaxe, viser les sociétés d'autoroute et tirer sur les transporteurs routiers étrangers. Aussitôt, elle est "recadrée", mot du vocabulaire gouvernemental le plus utilisé ces derniers temps. En attendant, les services juridiques de l'Etat vont plancher pour éviter de dédommager Ecomouv', l'entreprise d'origine italienne victime des atermoiements et capitulations de l'exécutif. Et ils se demandent comment faire pour revenir sur les conditions en bitume doré que les sociétés d'autoroute ont obtenues il y a quelques années. Au même moment, Hollande réunit des patrons étrangers pour leur dire d'investir en France. L'exemple de la signature reniée dans le contrat des portiques va certainement les convaincre de céder aux sirènes gouvernementales...
4 - Heureusement il y a Libé
Tout à son entreprise de défense des éclopés gouvernementaux, Joffrin nous gratifie de "unes" rassérénantes. Le tort principal de l'autodidacte Proglio à EDF était de trop pactiser avec la CGT, ce que personne à gauche ne lui reprochera jamais. Sa vraie faute, selon Libé ? Il a été évincé parce que le gouvernement veut mettre un terme au poids des "réseaux". Et, pour cela, remplacé par ... un polytechnicien ingénieur des ponts ! Mais ce n'est pas un réseau sans doute. Enfin, cela permettra, conclut Libé, de mettre en oeuvre la transition énergétique si bien conduite par Ségolène.
Autre exemple de cette ligne éditoriale "philocialiste", les efforts démentiels du quotidien de la rue Béranger pour expliquer que les déclarations lénifiantes et filandreuses des Allemands sur une prétendue relance européenne sont un soutien au gouvernement français et un succès pour ce dernier. Il s'agit pourtant de formules creuses dont on nous annonce qu'elles seront précisées en décembre, après que la Commission se soit prononcée sur le projet de budget français donc. Une pure opération d'enfumage. Mais que n'écrirait pas un journal qui a été jusqu'à qualifier les clones technocratiques que sont Macron et Pellerin de "jeune garde sociale-démocrate", empruntant à un vocabulaire révolutionnaire pour décrire le conformisme le désespérant.