Dans cette affaire de quasi-faillite grecque, tout le monde est plus ou moins coupable.
D'abord et avant tout les promoteurs de l'Euro, qui ont imposé à l'échelle continentale une devise surévaluée, gérée avec des objectifs (affichés) de pur rigorisme monétaire. Naturellement, une grande partie des économies européennes ne pouvait résister à pareil handicap de compétitivité. Pour adoucir les plaies économiques qu'il engendrait, les gouvernements concernés se sont laissés aller aux joies des déficits. D'autant plus aisément que la solidité de l'Euro permettait d'emprunter et facilitait la distribution de crédit par tout le secteur bancaire.
Il y avait bien sûr le garde-fou des fameux "critères de Maastricht". Mais c'était un épouvantail qui ne faisait peur à personne. Les "grands" pays, comme la France par exemple, pouvaient s'asseoir dessus et obtenir le report indéfini de l'échéance à laquelle ils devaient respecter ces fausses tables de la loi. Les "petits" pays n'avaient pas envie d'être les dindons de la farce et certains, comme la Grèce mais ce n'est pas la seule, ont manipulé comptes et statistiques pour dissimuler la dérive de leur situation et continuer à s'endetter massivement.
Les populations concernées n'avaient pas que des motifs de se plaindre. Certes, le chômage touchait celles et ceux qui travaillent dans les industries laminées par la mondialisation mais, globalement, la croissance se poursuivait, tout un chacun bénéficiait de prix à la consommation réduits grâce aux importations et l'Etat était là pour distribuer les aides et les secours aux plus fragilisés.
En Grèce, un mode de vie qui permet à une grande partie de la population de partir tôt à la retraite, d'avoir un appréciable temps libre, de payer peu d'impôts et, pour ceux qui le souhaitent, de travailler au noir, se révélait bien agréable dans ce magnifique pays. Voir les Grecs défiler en vitupérant le capitalisme est donc assez amusant, il faut bien le dire. Ils font penser aux chapardeurs qui cherchent à justifier leurs vols à l'étalage en expliquant qu'on les avaient provoqués en leur mettant sous le nez toutes ces marchandises ! Il n'en reste pas moins qu'ils avaient été poussés à agir ainsi par la malformation congénitale de l'Euro.
Parallèlement, les banquiers, ces affreux, sont la cible de critiques gauchistes, reprises par des gouvernements à la recherche de boucs-émissaires. Il est vrai que beaucoup d'entre eux n'ont pas été suffisamment sélectifs dans la distribution de crédits. Mais, avec des Etats et des banques centrales qui leur faisaient les gros yeux s'ils ne prêtaient pas assez, leur complaisance a des excuses. En tous cas, les voir vilipendés aujourd'hui comme strangulant des pauvres peuples est assez plaisant. Si les traders et les analystes financiers ont fini par tirer la sonnette d'alarme, c'est simplement pour protéger les prêteurs et les actionnaires. Ils n'ont fait - enfin ! - que leur métier.
Bref, dans ce crime de l'Acropolis-Express, tout le monde est un peu coupable. Pour s'en sortir, il faut donc que tout le monde fasse amende honorable et rectifie sa part d'erreurs. On n'en prend pas le chemin.
Les Eurocrates et les gouvernements devraient - c'est urgent - cesser de chanter la rengaine de l'Euro fort et arrêter de déclarer à tout bout de champ que la vile spéculation contre la devise européenne sera vaincue. Aujourd'hui, l'Euro est l'ennemi de l'Europe, un boulet qui l'entraîne vers le fond. Plus l'Euro baissera, mieux nos économies se porteront et la seule situation à même de rassurer à terme les investisseurs sur l'avenir économique de l'Europe est que ce carcan soit assoupli. Si les Eurocrates persistent dans cette erreur, l'Union européenne explosera. L'objectif de retour à une parité d'un Euro pour un Dollar devrait être affiché et claironné plutôt que considéré comme une apocalypse.
A cet égard, les mesures d'austérité annoncées récemment en France et ailleurs sont perverses. Frappant indistinctement toutes les dépenses publiques, elles sont peu crédibles car elles s'attaquent aux dépenses utiles comme inutiles et susciteront des résistances multiformes. Couplées à la défense d'un Euro surévalué, elles auront un effet déflationniste qui creusera les déficits publics. En réalité, elles ont tout d'un simple coup de com' révélant un début de panique devant le risque de voir la défiance des marchés gagner tous les pays de l'Union.
D'autant qu'elles sont incohérentes. Si les gouvernements et la Banque Centrale européenne voulaient vraiment défendre l'Euro, ils devraient également augmenter les taux d'intérêt, ce qui tuerait net la reprise et plomberait les comptes publics du fait de l'augmentation du service de la dette. On voit bien que la politique monétaire extérieure de l'Union est dans une nasse. Et les "spéculateurs", en l'attaquant, font oeuvre utile.
D'autres mesures sont mieux inspirées, même si elles sont dangereuses : en particulier le projet de forcer la BCE à racheter les obligations pourries des Etats. On ne pourra pas y échapper car le seul fonds de soutien aux pays en difficulté sera bien insuffisant au regard des sommes en cause : que pèsent 80 milliards d'euros mobilisables face aux centaines de milliards de dettes à refinancer ? Tout cela conduit à une chose : la planche à billet. Et révèle derechef l'incohérence des politiques menées qui, à la fois, prétendent à la rigueur et mettent un pied dans l'inflation. Mais, maintenant comme en 1931, mieux vaut sans doute vivre dans la douleur que mourir guéri.
La difficulté de l'exercice est que ce laxisme monétaire inavoué risque d'être trop tardif et, surtout, ne devrait pas être utilisé pour continuer à gaver d'anti-douleurs des sociétés atteintes d'une tumeur. Mais pour l'opérer dans les moins mauvaises conditions possibles ; en clair, pour réformer vraiment les secteurs sous-compétitifs qu'ils soient à statut public ou privé. On ne pourra faire accepter, par exemple, aux Français, la vérité sur l'assurance-maladie, l'hôpital et les retraites que si, parallèlement, on a retrouvé un peu de croissance grâce à la baisse de l'Euro. C'est tout le drame de la politique économique : il faut se donner un peu de facilité pour rendre possible une vraie rigueur réformatrice. Et non prétendre s'imposer la rigueur budgétaire (en la contournant dans les faits) pour ne rien réformer vraiment.
Une chose est sûre : dans les semaines qui viennent la construction européenne va jouer son avenir.
D'abord et avant tout les promoteurs de l'Euro, qui ont imposé à l'échelle continentale une devise surévaluée, gérée avec des objectifs (affichés) de pur rigorisme monétaire. Naturellement, une grande partie des économies européennes ne pouvait résister à pareil handicap de compétitivité. Pour adoucir les plaies économiques qu'il engendrait, les gouvernements concernés se sont laissés aller aux joies des déficits. D'autant plus aisément que la solidité de l'Euro permettait d'emprunter et facilitait la distribution de crédit par tout le secteur bancaire.
Il y avait bien sûr le garde-fou des fameux "critères de Maastricht". Mais c'était un épouvantail qui ne faisait peur à personne. Les "grands" pays, comme la France par exemple, pouvaient s'asseoir dessus et obtenir le report indéfini de l'échéance à laquelle ils devaient respecter ces fausses tables de la loi. Les "petits" pays n'avaient pas envie d'être les dindons de la farce et certains, comme la Grèce mais ce n'est pas la seule, ont manipulé comptes et statistiques pour dissimuler la dérive de leur situation et continuer à s'endetter massivement.
Les populations concernées n'avaient pas que des motifs de se plaindre. Certes, le chômage touchait celles et ceux qui travaillent dans les industries laminées par la mondialisation mais, globalement, la croissance se poursuivait, tout un chacun bénéficiait de prix à la consommation réduits grâce aux importations et l'Etat était là pour distribuer les aides et les secours aux plus fragilisés.
En Grèce, un mode de vie qui permet à une grande partie de la population de partir tôt à la retraite, d'avoir un appréciable temps libre, de payer peu d'impôts et, pour ceux qui le souhaitent, de travailler au noir, se révélait bien agréable dans ce magnifique pays. Voir les Grecs défiler en vitupérant le capitalisme est donc assez amusant, il faut bien le dire. Ils font penser aux chapardeurs qui cherchent à justifier leurs vols à l'étalage en expliquant qu'on les avaient provoqués en leur mettant sous le nez toutes ces marchandises ! Il n'en reste pas moins qu'ils avaient été poussés à agir ainsi par la malformation congénitale de l'Euro.
Parallèlement, les banquiers, ces affreux, sont la cible de critiques gauchistes, reprises par des gouvernements à la recherche de boucs-émissaires. Il est vrai que beaucoup d'entre eux n'ont pas été suffisamment sélectifs dans la distribution de crédits. Mais, avec des Etats et des banques centrales qui leur faisaient les gros yeux s'ils ne prêtaient pas assez, leur complaisance a des excuses. En tous cas, les voir vilipendés aujourd'hui comme strangulant des pauvres peuples est assez plaisant. Si les traders et les analystes financiers ont fini par tirer la sonnette d'alarme, c'est simplement pour protéger les prêteurs et les actionnaires. Ils n'ont fait - enfin ! - que leur métier.
Bref, dans ce crime de l'Acropolis-Express, tout le monde est un peu coupable. Pour s'en sortir, il faut donc que tout le monde fasse amende honorable et rectifie sa part d'erreurs. On n'en prend pas le chemin.
Les Eurocrates et les gouvernements devraient - c'est urgent - cesser de chanter la rengaine de l'Euro fort et arrêter de déclarer à tout bout de champ que la vile spéculation contre la devise européenne sera vaincue. Aujourd'hui, l'Euro est l'ennemi de l'Europe, un boulet qui l'entraîne vers le fond. Plus l'Euro baissera, mieux nos économies se porteront et la seule situation à même de rassurer à terme les investisseurs sur l'avenir économique de l'Europe est que ce carcan soit assoupli. Si les Eurocrates persistent dans cette erreur, l'Union européenne explosera. L'objectif de retour à une parité d'un Euro pour un Dollar devrait être affiché et claironné plutôt que considéré comme une apocalypse.
A cet égard, les mesures d'austérité annoncées récemment en France et ailleurs sont perverses. Frappant indistinctement toutes les dépenses publiques, elles sont peu crédibles car elles s'attaquent aux dépenses utiles comme inutiles et susciteront des résistances multiformes. Couplées à la défense d'un Euro surévalué, elles auront un effet déflationniste qui creusera les déficits publics. En réalité, elles ont tout d'un simple coup de com' révélant un début de panique devant le risque de voir la défiance des marchés gagner tous les pays de l'Union.
D'autant qu'elles sont incohérentes. Si les gouvernements et la Banque Centrale européenne voulaient vraiment défendre l'Euro, ils devraient également augmenter les taux d'intérêt, ce qui tuerait net la reprise et plomberait les comptes publics du fait de l'augmentation du service de la dette. On voit bien que la politique monétaire extérieure de l'Union est dans une nasse. Et les "spéculateurs", en l'attaquant, font oeuvre utile.
D'autres mesures sont mieux inspirées, même si elles sont dangereuses : en particulier le projet de forcer la BCE à racheter les obligations pourries des Etats. On ne pourra pas y échapper car le seul fonds de soutien aux pays en difficulté sera bien insuffisant au regard des sommes en cause : que pèsent 80 milliards d'euros mobilisables face aux centaines de milliards de dettes à refinancer ? Tout cela conduit à une chose : la planche à billet. Et révèle derechef l'incohérence des politiques menées qui, à la fois, prétendent à la rigueur et mettent un pied dans l'inflation. Mais, maintenant comme en 1931, mieux vaut sans doute vivre dans la douleur que mourir guéri.
La difficulté de l'exercice est que ce laxisme monétaire inavoué risque d'être trop tardif et, surtout, ne devrait pas être utilisé pour continuer à gaver d'anti-douleurs des sociétés atteintes d'une tumeur. Mais pour l'opérer dans les moins mauvaises conditions possibles ; en clair, pour réformer vraiment les secteurs sous-compétitifs qu'ils soient à statut public ou privé. On ne pourra faire accepter, par exemple, aux Français, la vérité sur l'assurance-maladie, l'hôpital et les retraites que si, parallèlement, on a retrouvé un peu de croissance grâce à la baisse de l'Euro. C'est tout le drame de la politique économique : il faut se donner un peu de facilité pour rendre possible une vraie rigueur réformatrice. Et non prétendre s'imposer la rigueur budgétaire (en la contournant dans les faits) pour ne rien réformer vraiment.
Une chose est sûre : dans les semaines qui viennent la construction européenne va jouer son avenir.